Cinébdo – 2019, N°5 (Cyrano de Bergerac, Le Sourire de Mona Lisa, L’Exorciste 2, Les Monstres, Queen of the Desert, Joue-la comme Beckham)


Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.

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Sommaire
Cyrano de Bergerac (Jean-Paul Rappeneau, 1990)
Le Sourire de Mona Lisa (Mike Newell, 2003)
L’Exorciste 2 (John Boorman, 1973)
Les Monstres (Dino Risi, 1963)
Queen of the Desert (Werner Herzog, 2015)
Joue-la comme Beckham (Gurinder Chadha, 2002)


Image d’en-tête : Queen of the Desert ; films 26 à 31 de 2019

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Lundi : Cyrano de Bergerac

(Jean-Paul Rappeneau, 1990)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

Emporté par l’audace autant qu’un Don Quichotte
Rappeneau fit son film tout en alexandrins
Procédé dont le train aux façons rigolotes
Ne convint à la bouche de tous les comédiens

Car la belle manière de deux mille costumes
Fut parfois mise en peine par la simple diction
D’une troupe moderne concevant des enclumes
Des rimes de Rostand qui étaient sa passion

Mais à brûle-pourpoint, ce serait bien dommage
Puisqu’en ça les vêtures portent tant à l’image
Ainsi que les décors, de salons en dehors
Dont le vol d’un à l’autre rend le tout comme d’or

Il fallait Depardieu pour l’histrion fameux
Le Gascon chaleureux faisant que tout se meut
Et qui pût épater autre chose qu’un nez
En la portant à l’aise, cette digne prothèse

Cyrano, Bergerac, Ragueneau, Rappeneau,
Des noms remis à jour et dont l’austérité
Contient un fort esprit dont on n’est pas lassé
Un texte académique, pris, pour deux heures, au mot


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Mardi : Le Sourire de Mona Lisa

(Mike Newell, 2003)

« Thématique : Julia Roberts »*

Julia Roberts est si connue, d’une part parce qu’elle n’a pas changé en quarante ans, mais aussi parce qu’elle a toujours l’air de se jouer elle-même. Pas avec le sourire de Mona Lisa toutefois, qui ne peut guère être aussi large que le sien. C’est avec prestance qu’elle endosse le rôle de la professeure dans une sorte de Cercle des Poétesses disparues ou la décennie d’après-guerre va être le témoin d’un virage éducationnel.

Prédestiné à Harry Potter par son côté littéralement vieille école, le transfuge de Cambridge qu’est Newell n’a pas grandes difficultés à arborer les couleurs conservatrices de Wellesley, même si ses actrices et son distributeur sont plutôt Columbia. Une colombe dont on aurait besoin pour adoucir le choc des générations, s’il avait été virulent ; en effet, il préfère se le réserver comme avant-garde, traitant comme sa vraie armée l’engagement féministe qui s’étale sur le scénario avant de jaillir au générique de fin sous la forme d’images d’archives rappelant la place aussi prisée qu’étroite occupée par les femmes dans les États-Unis d’avant le flower power.

L’enseignement filmique est aussi digne d’intérêt que ceux que sert le personnage de Roberts, mais pas aussi bon. Il y a des concessions par les facilités prises dans la formation des couples, leur dissolution, la méchanceté, voire l’apparition et la disparition de certains acteurs (l’absence prolongée de Marcia Gay Harden n’est pas pour rien dans ce sentiment). On se rattrape aux branches d’un dosage très pertinent dans les set-up / paybacks : les questions qui nous font garder le rythme sont toutes résolues, et à temps. Mais d’un autre côté, l’avance dans l’année scolaire de Wellesley est assez mécanique, en manque du charisme robertsien, et grince à la sélection élitiste des actrices principales, dont la sublime candeur insuffit à rendre l’image humaine à toute l’école.

Newell nous aura servi des gros plans de la personnalité, sans les détails nécessaires, au lieu du plan large, façon photo de classe, qu’il aurait fallu à son film engagé.


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Mercredi : L’Exorciste 2

(John Boorman, 1973)

« Thématique : Max Von Sydow »*

Une suite à un film d’horreur culte, ça fait déjà peur avant qu’il démarre. Ça fait penser à des abominations comme La Mouche 2. Mais déjà, on ne parle pas de mouche mais de sauterelles, et les plans médiocres (quoiqu’ingénieux) et surutilisés qui les mettent en scène ne sont pas synonyme d’un ratage complet. Oui, je ferai partie, avec Scorsese, de la minorité considérant que L’Exorciste 2 n’est pas un navet.

Grosse surprise, Boorman n’essaye pas de recréer le frisson qui était le bébé de Friedkin. En fait, ce contraste est la raison pour laquelle le film a été fait, carrément, et pour laquelle il est haï, principalement. Et s’il doit juste à la controverse d’être culte comme l’œuvre originale, c’est une franche injustice. Car les filons essentiels sont conservés : la tension latente d’abord, mais surtout le conflit entre science et religion. Certes, il est matérialisé par des personnages qui ont visiblement souffert des nombreuses réécritures (on regrettera la platitude des répliques) et il est sérieusement amoché par ce dispositif de synchronisation hypnotique (wtf ?) qui décrédibilise la voix très importante de la raison.

Mais puisque je suis décidé à me faire l’avocat du Diable (ou plutôt de Pazuzu), je dois dire que j’ai été pris au jeu de cette reconstitution dans les mêmes tons, où l’air semble vibrer de suspense et dont le sound design apporte une douce humeur folle. Le conflit théologico-scientifique, ce n’est pas juste un repaire conformiste de l’incompréhension, ou une brèche que le scénariste écarte pour ouvrir la voie à son idée d’intégrer une télépathie enfantine à la E.T. : c’est une occasion d’utiliser les métaphores visuelles pour établir un vrai lien entre Linda Blair et Richard Burton, un lien qui marche et qui s’arbore des perles d’une photographie épatante. On sent bien que quelque chose ne va pas dans l’image (elle ne vient jamais d’Afrique), mais elle s’ouvre toujours sur le bon degré de confusion pour se justifier.

Je pourrais encore citer comme défauts la présence spasmodique de Von Sydow (gros sur l’affiche, petit sur l’écran) ou le côté vaguement giallo par lequel s’exprime l’horrificité rachitique de l’histoire. Mais par ses séquences en forme de pièces de puzzle qui s’assemblent bien et avec un vrai but évolutif (prouver que le démon est là, trouver le démon, tuer le démon), j’ai eu l’impression d’avoir devant moi une œuvre cohérente, consciente de son objectif, tenace face aux difficultés de tournage, et libérée de l’étau d’un Exorciste célèbre. Ses failles ? Des sauterelles. Un fléau en masse, mais rien que des insectes quand on les prend individuellement.


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Jeudi : Les Monstres 

(Dino Risi, 1963)

« Thématique : langue italienne »*

Les sketchs, c’est bien. Risi, c’est fort : il ajoute un joli « -ble » à son nom quand il parle de la société. Et critiquer la société, c’est super, surtout quand c’est lié autour du thème d’une moquerie fort joyeuse. Ugo Gassmann et Vittorio Tognazzi sont les faux jumeaux et les vrais frères ennemis qui partent dans tous les sens pour explorer une belle immoralité.

Un peu trop dans tous les sens, justement. Vingt sketchs en deux heures, ça ne nous fait pas payer l’unité bien cher. Même pas le temps de rentrer dans l’un et de le mâchonner que nous voilà dans un autre au propos tout à fait différent, où l’on oublie que derrière le même acteur se cache un autre personnage. Il sera lié au destin de la même horreur sociétale, de toute manière. Au final, ça va trop vite pour pas grand chose ; on n’aurait qu’un mot à dire sur chaque court métrage et la phrase qu’ils forment est loin d’être séduisante.


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Vendredi : Queen of the Desert

(Werner Herzog, 2015)

« Thématique : Werner Herzog »*

À soixante-treize ans, Herzog n’en avait pas fini d’affronter les voyages. Ce n’est peut-être pas un hasard s’il les prend pour thème, additionnant l’histoire au tournage marocain et jordanien. Ce n’est pas non plus tous les jours qu’il obtient de collaborer avec des acteurs aussi prestigieux que Kidman, dont il soigne la féminité mais abuse du sourire.

Bien sûr, la photo est un point fort énorme. On a l’impression de redécouvrir sans cesse les dunes du Moyen-Orient, un sujet qui a pourtant fait défiler beaucoup de pellicule. Les jeux d’ombres dans le désert portent en eux-mêmes la poésie de tout un continent, le monde arabe… ou l’Aridie pour ne pas prendre de risque dans la dénomination. Et les couleurs se multiplient, et s’agitent et se mélangent comme une peinture animée qui nous fait dire que seule la dimension olfactive manque.

L’ambiance se construit comme ça, mais elle est malheureusement hâchée ; laissant un peu trop parler son sens documentaire, Herzog filme avec distraction ce qui pouvait servir d’illustration plutôt que d’image. Et l’avance dans le temps doit son émaillage de petits faits historiques aux didascalies encombrantes qui sont nécessaires pour que nous, spectateur, nous repérions dans le temps et l’espace. Une romance précipitée ne vient ajouter son grain de sel que parce que Kidman est toujours présente à l’écran, et qu’on la sent touchée des deux côtés de la caméra lorsque son intellect n’est pas dépeint par des accès de lucidité simplistes.

Au final, c’est un beau voyage, une exploration de l’Histoire qui prend le cordon désertique afro-eurasien dans un sens œcuménique et nouveau. Une ode au courage individuel venant s’immiscer dans les affaires internationales au temps d’une guerre qu’on disait pourtant Grande. Mais ce sont aussi des poèmes faits de personnages et de paysages sur lesquels on passe comme une rafale irrespectueuse, où les limites qui les séparent, au contraire des frontières administratives, paraissent malheureusement avoir le pouvoir sur l’écoulement naturel des grains sahariens, fussent-ils sur place ou à sablier. Queen of the Desert restera hélas un film visuel et rien d’autre.


 


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Dimanche : Joue-la comme Beckham

(Gurinder Chadha, 2002)

« Hors-thématique »*

Si vous vous demandiez ce que pourrait produire une réalisatrice indo-britannique sur le sport, voire si une telle chose existait, il y a ce film où Keira Knightley, 17 ans et tout juste sortie du monde des séries, arrive à former un duo avec Parminder Nagra (27 ans) où elles se rejoignent par leur talent d’actrices dans celui de jeunes footballeuses.

C’est une belle affiche, une œuvre qui scotche à l’écran pendant plus de 90 minutes et sans mi-temps. On ne se débarrassera jamais vraiment du sentiment que le tournage indophile s’était protégé par une bulle de l’environnement britannique où ne sont tolérés que des Jonathan Rhys-Meyers et des Juliet Stevenson qu’à titre de VIPs. Mais une fois l’isolement accepté, c’est une famille soudée avec une incroyable précision qui nous ouvre grand ses bras multiples.

Une empathie un tantinet clôturée mais clairement bien imaginée donne au casting de quoi composer de belles toiles, avec à sa disposition des dosages aussi précis de dérision, de douceur, de douleur et de sollicitude que si c’étaient des fioles d’épices multicolores. On peut prolonger l’impression d’une clôture dans la forme répétitive qu’ont les petits drames de se produire, mais ce n’est pas de quoi renverser toute la construction de Chadha.

Elle sait filmer le sport, en plus, de sorte que personne ne peut se trouver contrarié, du fanatique du film de sport et ses frissons jusqu’à l’adepte d’une belle histoire douce-amère bien mûrie. On en sort avec l’impression qu’évoluer a toujours du bon.


* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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