Comme pour tout grand film, qu’il ait plu ou non, celui-ci nécessite un deuxième visionnage afin d’apprécier ses réelles qualités et de cerner des défauts qu’on a pu passer sous silence sous l’ébahissement de la première fois.
Incontestablement, un film d’image
Tout au long de son histoire, le cinéma a tenté d’améliorer sa technique. De nos jours, les progrès se tassent, et les réalisateurs doivent devenir de véritables artistes de l’image et du son s’ils veulent innover. Arronofsky l’a très bien compris et exploite ses dons de cinéaste à la perfection.
Comme on l’avait déjà vu dans The Fountain, la prise en charge des scènes est paradoxalement assez sobre : on montre des gestes simples et des gros plans qui n’ont rien d’exceptionnels en soi. Pourtant, ce sont ces gestes qui vont démontrer la routine des personnages, leurs manies, et dévoiler une petite part de leur comportement. C’est de là que part l’ambiance, toujours aussi vitale au cinéma car c’est elle qui absorbe le spectateur.
Les plans sont souvent simples, à l’instar des vêtements ou des autres éléments du décor. Ce qui fait en grande partie la beauté de l’image, ce sont les paysages et l’usage du moment propice où la lumière peut mettre en valeur la scène.
Son et lumière, toujours indissociables
L’ambiance particulière des œuvres d’Arronofsky émane en réalité de la combinaison unique entre les deux ingrédients « originels » du cinéma : le son et la lumière, l’image. Quand on parle de scène simples, elles sont grisantes grâce aux petits bruits qui l’accompagnent. Les personnages parlent toujours à voix basse. Ce climat de douceur montre une harmonie parfaite qu’il est cruel de briser : Arronofsky a su soumettre le spectateur, maintenant pris dans la spirale infernale d’une réalité si bien simulée.
Intemporel
Au premier visionnage, c’est quelque chose qu’on ne réalise pas : la position dans le temps. Automatiquement, on associe Noé à une ère…antédiluvienne. Mais comment expliquer alors que les villes de Caïn aient détruit le monde et que les hommes exploitent un minerai inconnu, le « tzohar ? Comment justifier la morale de l’histoire, qui sous-entend que les hommes vont devenir meilleurs, alors que selon la Bible cela aboutit au monde moderne ?
Plongé dans ces légitimes interrogations, le spectateur doit faire un choix et partir du principe que tout se passe dans le futur, comme le laisse supposer la technologie d’exploitation du « tzohar ». Mais il se retrouvera pris dans d’autres contradictions temporelles et liturgiques. Dans ce film, Dieu, ou plutôt le Créateur, existe formellement, alors pourquoi s’en faire ? C’est de la science-fiction, diront les athées.
Dans la lignée des grands domptages de l’image d’Arronofsky, une oeuvre mêlant liturgisme et anachronisme pour satisfaire le spectateur avide d’un mystère insoluble du cinéma, au risque de le troubler dans les incohérences temporelles qu’il est obligé de se produire tant l’image est soignée.