Un film puissant est souvent un excellent film. Comme si on en doutait, Je suis une légende exploite non seulement les émotions mais aussi la terreur, la science et la religion.
Une oeuvre tout en symboles et indices
Plein de symboles et de détails, ce film ne peut que retenir l’attention du spectateur avide de suggestion et de sens caché. Il est peut-être impertinent de le dire après plusieurs visionnages mais il semblerait qu’un spectateur ayant compris comment sont cachés les indices pourrait recréer le scénario scène par scène. Il suffit pourtant de se rendre compte que toute grande révélation du film laisse des traces tout au long de l’oeuvre avant d’être dévoilée, difficiles à interpréter, donc, tant qu’on ne sait pas où ça va. Et tout y est : quand les créatures recréent le piège, le trou dans le mur et la voiture prête à tomber dans le vide sont toujours en arrière-plan. Le papillon, symbole théologique du film, se retrouve dans de très courtes scènes incompréhensibles au début, avec probablement une référence à l’effet papillon de Ray Bradbury, puisqu’on devine l’affiche du film inspiré par cette nouvelle et sorti deux ans avant Je suis une légende. Du moment qu’on a compris ça, chaque nouveau visionnage est plus palpitant.
Pousser les émotions à bout
On en a parlé, c’est un film fort. Il est impensable qu’un spectateur soit insensible à l’une ou l’autre des grandes scènes, peu importe qu’il réagisse par la colère, la peur ou l’étonnement. Pour recréer le cadre de vie d’un survivant à la fin du monde, là encore, tout y est : des désillusions scientifiques aux grandes pertes qui se répètent, en passant par l’inutilité des militaires face aux aberrations de la science humaine. Et la conclusion a beau être abrupte, elle est littéralement fondamentale.
Un héros complet, et alors ?
Will Smith, bien seul à l’écran, incarne un parfait héros dans le sens premier du terme : scientifique et soldat, détruit par les déceptions et carburant à tellement peu d’espoir, loyal envers sa cause, il se sacrifierait pour la défendre. Cette dernière partie est dommage, un peu trop exagérée et stéréotypée. Ce qui n’est pas stéréotypé, c’est l’excuse à son sacrifice : un brin de transcendance ranimant la religion à un stade critique et beaucoup trop scientifique de l’humanité. Comme si Dieu attendait simplement que l’Homme aille trop loin. C’est ce qui sauve la conclusion du scénario. En revanche, il est tout à fait justifié qu’il soit fort, courageux et intelligent : six milliards d’humains sont morts pour lui accorder sa pauvre gloire, il a bien droit à un peu de perfection. Un peu, car il a aussi ses défauts, à s’isoler dans son dévouement, il en oublie qu’il est un homme et il est avoué qu’il ne peut plus vivre avec ses concitoyens, qu’il croit décimés à raison de toute manière.
Regarde papa, c’est un papillon
Non content de très bien s’en sortir avec le peu de religion – non, de croyance – qui lui a été insufflée, le film en fait un aspect subtil, sujet à réflexion : folle coïncidence ou incroyable réalité ? Le papillon est mis en scène plusieurs fois discrètement, laissant croire à une omniprésence de cet aspect transcendant et à l’espoir d’une salvation par la voie des cieux. Accorder de l’importance à la « religion » dans un film éminemment scientifique sur la fin du monde ? Inédit.
Mélange parfait de plusieurs facettes inattendues, magnifiées par la performance en solo de Will Smith, Je suis une légende verse dans l’émouvant tout en laissant de la place à la science, l’espoir, le mystère et la religion sous une certaine forme. Du grand art évident pour plaire à chacun sous au moins un aspect de son histoire.
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