Oui, trois films, c’est peu. On a beau se vouloir marginal, les fêtes sont un coup dur inévitable, je le crains.
Image d’en-tête : Les beaux jours d’Aranjuez
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Lundi : La Femme du Gange(Marguerite Duras, 1974) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
Comme à son habitude, Marguerite Duras offre à l’art une coquille vide, qu’elle lui tend sans formule de politesse pour qu’il l’emplisse. Or – elle ne l’a apparemment jamais découvert -, ce n’est pas en montant ensemble cent cinquante-deux plans fixes avec des voix off neurasthéniques et une poignée d’acteurs qui arpentent une plage que le doigt divin va transformer l’effort en perle du septième art. Surtout pas quand ledit effort ne pointe vers aucune direction en particulier.
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Vendredi : Les beaux jours d’Aranjuez(Wim Wenders, 2016) « Thématique : Wim Wenders »* |
Pour son avant-dernier film en date, Wenders joue de nouveau la carte du figuratif. Au menu : une critique du monde moderne, mais dans un ton plus résigné que d’ordinaire : pourquoi parler dans le vide quand on peut simplement sortir de ce monde qui nous déçoit ? C’est en tout cas l’idée posée le temps du film.
Mais sorti de là, que sont les beaux jours d’Aranjuez au juste ? Ils sont Wenders mettant en place un texte de Peter Handke. Ainsi donc le cœur de l’œuvre, le dialogue, n’est pas de lui. Il reste la façon qu’il a de tourner : autour de la table où sont assis les deux personnages. Oui, hélas, c’est littéral. La caméra tourne et tourne aussi. On a tôt fait de s’épuiser à vouloir s’ingénier dans un cadre si fermé, et le talent du régisseur ne l’a pas empêché de tomber dans la monotonie graphique.
Comme il n’y a pas grand-chose d’autre que du dialogue et des décors, la faiblesse créative fait vite du total un raté. Pas un fiasco, mais il donne tout de même franchement l’impression de vouloir mettre trois blancs et trois coquilles à un seul jaune d’œuf, à la différence que cette œuvre est creuse, elle.
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Samedi : Carmen(Christian-Jaque, 1944) « Thématique : film musical »* |
En 1942, la production cinématographique française était au plus bas. Au sortir de la guerre, les salles devaient mettre longtemps à se remplir de nouveau. Pourtant, en cette époque d’uniforme et de fusil, Carmen ressort comme un magnifique film de cape et d’épée. Sorti seulement en 1944, il a des airs sombres et des acteurs mutiques qui rappellent un peu les créations soviétiques.
Nouvelle aube pour les carrières de Jean Marais et Bernard Blier, Carmen nous laisse une impression diffuse comme dûe à l’accueil minuscule qu’elle a reçu même a posteriori. Presque comme si on était son premier spectateur, comme si, malgré les parasites, l’image tressautante et floue, la création était vierge de visionnage depuis toutes ces années. Quand on rit d’une rare boutade, on sursaute : qui s’esclaffe ? Bizarre. D’autant plus bizarre la durée : cent dix minutes ?
Christian-Jacque s’ingénie à filmer avec énergie. Le résultat est discret mais frappera l’œil averti. Les dialogues sont sublimes. Le décor est hispanique, les protagonistes aussi. De l’exotique, des combats pourtant. Bref, une étrange œuvre de désespoir, comme si le désir qui la créa voulait recycler le mal ambiant, l’ignorer en le laissant bien en vue. Pas distrayant mais vaut la peine d’être vu.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.