Image d’en-tête : On connaît la chanson. Note : l’hebdo précédent était mal numéroté. C’est maintenant corrigé. Pour l’hebdo suivant, une critique détaillée est à venir !
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Lundi : La Scoumoune(José Giovanni, 1972) « Gérard Depardieu »* |
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Un film égocentrique pour José Giovanni, dont c’est la seconde adaptation de son propre roman d’ordre autobiographique L’Excommunié, la première (Un nommé la Rocca ; Jean Becker, 1961) ne lui ayant pas plu. Et l’oeuvre ne démarre pas dans le sens d’excuser cela, s’enterrant dans une figuration mal située dans l’espace et le temps d’une pègre marseillaise d’avant-guerre expliquée sans pédagogie, dans le flou de ses actions délétères qu’il ne cherche jamais à dissiper. D’ailleurs le thème menaçait de passer de mode en 1972. Non que les concessions faites par un style à la mode soient une prérogative dont il faille faire usage, mais l’oeuvre a très mal vieilli de les avoir refusées.
Et puis cette partie du scénario cède la place à une dimension historique étalée sur une douzaine d’années fictives au long du film, un format étonnant qui témoigne des racines littéraires de l’histoire. De truands, les personnages deviennent des prisonniers, et ils sont engagés après la guerre comme démineurs, une tâche si ingrate et dangereuse qu’elle accélère la libération de ceux qui y survivent. On se retrouve au final avec un thriller à la française qui prend le temps de se pencher sur des aspects secondaires érigés en thèmes entiers, ce qui oblige à considérer Giovanni comme un grand réalisateur. Un film qui fera diverger beaucoup d’opinions.
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Mardi : Billy Bathgate(Robert Benton, 1991) « Dustin Hoffman »* |
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Un film de gangsters qui s’est perdu dans les années 1990, guidé par deux têtes d’affiche à l’obsolescence tardive : Willis et Hoffman. A l’inverse, la jeune Nicole Kidman aura du mal à assoir son jeune charme, coincée entre les deux feux de la quasi-médiocrité ambiante et du talent résilient des stars, mais elle est loin de faire tâche d’huile, transportée qu’elle est dans la mafia new-yorkaise de 1935. C’est surtout le format qui ne passe pas ; le film voulait se restreindre à une durée raisonnable mais a de ce fait renoncé au développement de l’arrière-plan. D’où viennent ces personnages ? Pourquoi font-ils ces choix ? On ne peut que le deviner car il n’y a aucune contextualisation. Les personnages secondaires sont cruellement ignorés. Une sorte de Gangs of New York sans histoire et sans Daniel Day-Lewis.
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Mercredi : L’Homme au pistolet d’or(Guy Hamilton, 1974) « Autour de James Bond »* |
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Avant le succès de L’espion qui m’aimait trois ans plus tard, la franchise James Bond a connu la débâcle du pistolet d’or et sa catastrophe au box office. C’est un patchwork, poussé à la limite de ses cent-vingt-cinq minutes à coups de rajouts en fonction de la mode, comme les scènes de combat à l’asiatique qui faisaient alors fureur. Le film s’enferme aussi dans un humour que la plupart de l’équipe regrettera. Un exemple : le bruitage amusant ajouté à une cascade automobile fantastique, choisi parce que la régie craignait que le public prenne le tout pour une parodie. C’est niais. Les acteurs paraissent alors aussi pleins de sottise que leurs personnages.
Ce sera d’ailleurs une oeuvre-rupture, puisqu’à sa suite, le réalisateur Guy Hamilton quittera la franchise, tout comme le co-producteur Henry Saltzman et le format 1.85:1. A ne voir que pour découvrir quelques paysages ou la performance automobile.
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Jeudi : Le Disque rouge(Pietro Germi, 1956) « Langue italienne »* |
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Une perle de l’âge d’or optimiste italien, adéquat dans son époque, ni vieilli ni visionnaire mais honnête et prenant sur ses sujets. Mené par des acteurs au jeu superbe dont il n’est pas gênant qu’ils soient doublés (par d’autres acteurs) en version originale tant leur présence est importante, il mène deux heures fascinantes où l’on est tenu en haleine par un scénario qui ne s’attache qu’au strict nécessaire. Cela lui permet d’être dense et touffu, chargé de drames qui s’empilent comme dans un cauchemar mais dont on ne saurait se plaindre, tellement tout cela est authentique et bien rendu.
L’ambiance est vivante ; elle respire, libre de la charge des décennies passées depuis, qui d’ordinaire coupent le spectateur des personnages. Parce que dans l’ambiance, depuis la musique tout sauf anonyme jusqu’à des détails comme le bruit des canalisations de la cuisine qui revient comme un leitmotiv, on s’y croit, peu importe l’âge qu’on a. Dans ce foisonnement créatif, il n’y a plus aucun effort à fournir pour que les sentiments prennent vie comme des bêtes ici bienveillantes, là terrées dans le noir et prêtes à mordre. L’empathie aussi naît d’elle-même, et on n’est plus surpris de voir Eduardo Nevola et son personnage enfant jouer avec les codes des adultes sans être rejeté. Une ode pleinement artistique à la bella vita ; non que la vie italienne soit plus belle qu’ailleurs, mais on la ressent comme telle.
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Samedi : On connaît la chanson(Alain Resnais, 1997) « Film musical »* |
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Une oeuvre au charisme amplement suffisant pour pouvoir figurer au panthéon des films cultes français. Porté par la fine fleur de ses acteurs et l’originalité dans sa forme (qui, pour ceux qui ne le sauraient pas, s’agit d’intégrer le plus naturellement possible dans les dialogues des bouts de chansons françaises de toutes époques que les acteurs vont interpréter en playback), il ne peut guère se faire oublier. Le défi est rempli avec succès mais c’est une réussite à double-tranchant, qui fait reposer le scénario comme une multitude de plaques mouvantes sur les vagues de ses transitions. La métaphore est pompeuse alors résumons : parfois l’histoire colle, souvent les transitions sont astucieuses – au pire elles ne sont pas claires. Et parfois cette cohérence se disloque, nous faisant croire que, aussi bien que soit créé l’ensemble, le but était de placer le plus de chansons possibles. Heureusement, c’est par moments, et pas juste une grosse partie ratée. Cela peut être dérangeant mais de nombreux bons aspects peuvent prendre le pas selon le spectateur qu’on est. Et si on ne sait pas à quel degré prendre un certain détail, l’oeuvre nous donne au moins toujours le choix d’en rire.