Le lundi, j’ai foui…
Le Drapeau noir flotte sur la marmite
Jean Gabin – Quand Audiard, plume toujours en main, passe derrière la caméra, ce n’est curieusement pas une oeuvre littéraire qui en ressort, mais plutôt un conte matériel. Il n’aura pas été satisfait de ses réalisations, pourtant celle-ci apporte un éclairage marin sur un personnage de Gabin à deux facettes. Une histoire à tiroirs qui prouve que les aptitudes du dialoguiste sont presque aussi performantes en macro-écriture qu’en micro-écriture, d’autant qu’il ne néglige pas non plus la technique, allant jusqu’à tourner de longues séquences de navigation ! Au travers de l’enfant un peu rebelle qui est un des personnages, on a l’impression de vivre comme lui ses rêves et leur écroulement. Bref, de bonnes notions qui fonctionnent, même si leur liant est faible et le rythme négligé ; presque un style original !
Le mardi, j’ai foui…
Marathon Man
Dustin Hoffman – S’être assuré la présence de Hoffman, acteur méthodique s’il en est, n’a malheureusement pas permis à ce film de se voir compenser une sérieuse lacune : rien ne nous permet réellement de nous y intéresser, et c’est assez grave pour un thriller où chaque information est bonne à prendre. Le spectateur devait être tenu éveillé, gardé conscient devant ces rebondissements parfois un peu obscurs, mais en fait d’un marathon policier, c’est un marathon contre une incompréhension qui s’éternise un peu dans un scénario de trop longue haleine. Rien n’est franchement palpitant à part quelques scènes isolées, bien pensées, qui sauvent l’ensemble. Mais quelque part, la collaboration de Hoffman avec Laurence Olivier ne prend pas, comme si l’un, comme dans ses films précédents, avait dix ans d’avance, et l’autre dix ans de retard.
Le mercredi, j’ai foui…
Inland Empire
David Lynch – Pour son dernier film, Lynch renoue avec le style schizophrène et pas forcément doté de sens qu’il a déjà utilisé dans Mulholland Drive. Difficile d’attacher des sous-entendus supplémentaires à Inland Empire qui a autant d’interprétations possibles que de spectateurs potentiels. La griffe est unique et géniale même si on ne comprend rien. Mais à force de ne rien comprendre, on en vient quand même à se poser des questions. Les acteurs eux-mêmes n’ont jamais su de quoi le film parlait, tout comme les promoteurs qui durent se contenter d’un slogan très vague de crainte de n’avoir pas tout saisi. Partant de là, qu’est-ce qui justifie les caprices du réalisateur à chaque scène ? Pourquoi s’avouer qu’on a apprécié si c’était juste un diaporama sans logique ? Mais quand Lynch nous tient, c’est comme un chaton par la peau du cou : on est bien obligé de rester collé à nos fauteuils, à moitié en train de subir et à moitié en train d’adorer. Par contre, ses gros plans ne sont qu’un exemple des répétitions auxquelles il a fini par s’adonner, et il vaut peut-être mieux qu’il se soit ensuite retiré du cinéma, ou on aurait fini par s’énerver pour de bon d’aimer son oeuvre. Quoiqu’il s’il revenait, il serait bien capable de nous surprendre avec encore un tout autre registre…
Le jeudi, j’ai foui…
Des Filles pour l'armée
Film en langue italienne – Ne pas se prendre au sérieux, les Italiens ont toujours été connus pour bien savoir le faire, mais il s’agissait plutôt de faire rire le monde d’eux. Avec Des Filles pour l’Armée, c’est le douloureux passé d’une guerre inutile qui remonte, seulement vingt ans après les évènements – l’âge moyen des prostituées qui sont les principaux personnages ; rien de bien marrant donc. La facture est de qualité, la reconstitution si fidèle qu’on se sent honteux de trouver l’histoire agréable. Mais le rythme est juste parfait, si bien qu’on ne peut pas non plus dire le contraire. Un regard cru mais respectueux sur la prostitution durant la guerre ; pour ceux qui ignorent les faits historiques, un point de vue objectif sur la condition de ces femmes qu’on avait plus tendance à considérer comme du bétail que comme des êtres humains. Aucun personnage n’est figé dans un caractère prédéterminé, et même si l’évolution de leurs personnages ne surprend pas, elle est morale et cela fait parfois du bien de voir opposée la morale brut à des horreurs si terriblement bien dépeintes.
Le vendredi, j’ai foui…
Rouges et Blancs
Film en langue russe – Les Russes, encore un peuple qui n’a pas peur de remuer un passé pas forcément glorieux pour lui. Une collaboration avec la Hongrie qui se solde par un scénario que… Ah non, il n’y a pas de scénario, en fait : juste une succession échevelée de scènes très dures à relier entre elles qui constituent un patchwork ennuyeux de véracité historique. Par contre, quelles scènes ! Des longues, variées, même si la caméra est trop paresseuse pour les parcourir. Et à la base, une volonté de représenter la vérité des jeux cruels de la guerre, de ses contradictions propres et indépendantes de la politique (inter)nationale. Mais pour se mouiller là-dedans, il ne faut pas craindre les dialogues pauvres et les situations qui se répètent !