Le lundi, j’ai foui…
Rue des Prairies
Jean Gabin – Encore une fois, une oeuvre qui pourrait n’être portée que par Jean Gabin et les dialogues de Michel Audiard tant les deux sont grandioses. Le casting au global ne s’en sort pas mal, mais le déroulé n’est qu’une variante supplémentaire de ce qui se faisait à l’époque. Un total plus que réussi par la force des choses, mais qui manque quand même furieusement d’un épilogue.
Le mardi, j’ai foui…
Big Fish
Tim Burton – Big Fish est l’histoire d’une vie à la manière de la référence du genre, Forrest Gump, ou de L’Étrange Histoire de Benjamin Button. Toutefois, à la différence de ces derniers, ce film base la beauté d’une vie entière sur une mise en opposition de son aspect réel et de sa part de rêve. Car le personnage est un rêveur et un conteur, et c’est par lui que le film va avoir deux facettes : ce qu’il nous dépeint comme le réel et ce qu’il nous dépeint comme tout droit sorti de l’imagination du conteur. Mais toute l’astuce de cette mise en opposition repose sur deux autres choses encore : 1) le talent de Tim Burton, bien présent pour ce qui est peut-être la dernière fois dans un épanouissement sain, et qui lui permet de cultiver l’étrange en le rendant quasiment palpable, et 2) le casting de choix. Un casting qui associe qualité et quantité, puisqu’on retrouve Ewan McGregor, Helena Bonham Carter, Danny DeVito, Marion Cotillard, et d’autres visages un peu moins fameux comme celui de Deep Roy dont on se rappelle en Oompa-Loompa ou celui de Steve Bruscemi qu’on reconnaît d’Armageddon ou de The Island. Et tous ces gens, lorsqu’ils font partie de la facette dite « réelle » du film, nous donnent accès à une troisième dimension : le réel tout court, les acteurs en eux-mêmes. On a rarement autant accès aux personnes telles qu’elles sont derrière la caméra que dans ce film où le travail sur plusieurs niveaux fait de Big Fish un des meilleurs films de Burton.
Le mercredi, j’ai foui…
Le dernier Combat
Luc Besson – Le premier film de Besson est aussi sa première collaboration avec Jean Reno. Un départ en trombe qui se justifie bien, car cette création primée au festival d’Avoriaz peut être qualifiée de tranche de vie d’anticipation : rien de prodigieux, c’est tourné en noir et blanc, rien ne fait figure d’attraction. De trois millions de francs, Besson qui aura plus tard les budgets les plus faramineux sait déjà tirer le meilleur.
Le jeudi, j’ai foui…
Bianca
Film en langue italienne – Une oeuvre autocentrée sur (et donc par) le réalisateur et interprète Nanni Moretti dont le début laisse attendre un génial pamphlet pince-sans-rire qu’hélas le film n’est pas. Car si le personnage est complet et même si sa folie ambiguë s’inscrit très bien dans le cinéma à l’italienne, elle n’est pas assez explicite (ou tout du moins ne se raccroche pas à des conséquences suffisamment logiques) pour être pleinement satisfaisante. Et les tirades étranges et fastidieuses, par leur longueur, finissent vite par paraître ce qu’elles sont en réalité : des tirades étranges et fastidieuses. Bien, mais pas assez engagé et surtout trop premier degré pour accéder aux hautes sphères de l’art.
Le vendredi, j’ai foui…
Opération Y
Film en langue russe – Une comédie russe de 1965, ça vous dirait ? L’opération Y et autres aventures de Chourik en est une, ou même trois : trois courtes histoires autour du personnage de Chourik qui va être successivement ouvrier, amoureux et héros, mais toujours étudiant. Unique en son genre et surtout en URSS, on s’en amuse réellement même si la réalisation, même remise dans son temps, laisse à désirer : le montage par exemple est carrément déplorable. Mais on en vient à rire du film comme avec le film, que dans ce contexte et pour son audace, il est impossible de qualifier de navet.
Le samedi, j’ai foui…
La Reine de Broadway
Film musical – Les Américains avaient l’imagination plus fertile encore en temps de guerre ! Officiellement réalisé par Charles Vidor mais officieusement par Gene Kelly, ce film est très dansé, au point que l’intrigue, avouons-le, en pâtit un peu. On sait bien sûr comment l’histoire va se passer, mais il manque des attaches émotionnelles pour vivre pleinement les rebondissements. En revanche, l’idée de truquer la photographie pour que Kelly danse avec une version fantôme de lui-même est hors du temps et étonnante d’ingéniosité. Et c’est encore Kelly qui l’a eue…
Le dimanche, j’ai foui…
L'étrange histoire de Benjamin Button
Ce film est à ranger avec les « épopées d’une vie » aux côtés du grand Forrest Gump et de L’Homme bicentenaire. Benjamin Button fait aussi partie des grands de ce genre, et il a vraiment tout pour lui. Déjà, un souffle fantastique l’habite, puisque le personnage naît vieux et rajeunit au cours de sa vie. Outre la magie des solutions qui ont été trouvées pour rendre cette aberration cohérente, c’est un long film de presque trois heures qui sait remplir avec invention ses niches artistiques avec des évènements temporellement marquants et qui, à chaque fois, semblent traités par un réalisateur différent : une enfance dans la vieille Nouvelle-Orléans, une adolescence qui doit concilier un corps décati à un esprit aventureux, une vie de voyages qui se sépare nettement (et c’est ce qui fait la beauté d’une telle épopée) en plusieurs périodes. Le talent du créateur donne une importance de chaque instant aux scènes les plus insignifiantes, leur donnant de la force et tenant le spectateur en haleine. N’importe quel réalisateur peut avoir le coup de génie qui lui permet de littéralement donner vie à une scène, mais on croirait qu’ici, David Fincher était continuellement frappé d’inspiration.
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