Duolingo : le marketing qui va trop loin


Dans l’univers de l’apprentissage des langues en ligne, Duolingo se distingue par son approche ludique qui lui vaut d’avoir aujourd’hui 600 millions d’utilisateurs. Toutefois, derrière le succès se cachent des questions sur son efficacité pédagogique et les implications de ses stratégies marketing. Duolingo est-il de plus en plus borderline ?

SOMMAIRE

  1. It’s time to practice!
  2. Duolingo, l’appli miracle (?)
  3. Oui, mais les chiffres…
  4. S’approprier la culture du mème
  5. L’humour qui va trop loin
  6. Conclusion
  7. Sources

It’s time to practice!

Le tout, sur Duolingo, est de pratiquer peu mais souvent. C’est le principe du microapprentissage, qui est lui-même fondé sur la courbe d’Ebbinghaus, ou courbe de l’oubli : des révisions fréquentes sont la méthode la plus bénéfique à la rétention d’informations sur le long terme. Et pour s’assurer qu’on tienne ce rythme, l’appli envoie à ses utilisateurs des notifications de rappel. Chaque jour, elles s’affichent sur le téléphone de l’utilisateur pour s’assurer que ce dernier fasses ses leçons. Les notifications sont devenues célèbres pour diverses raisons… mais pas toujours les bonnes.

La courbe d'Ebbinghaus, ou courbe de l'oubli, qui montre la rétention d'informations sur le long terme grâce à des révisions fréquentes

Les notifications de Duolingo ont pour but de garantir qu’un maximum d’utilisateurs maintiennent leur série, c’est-à-dire leur nombre de jours consécutifs passés sur l’appli. Autrement dit, le temps passé à flatter la courbe de l’oubli.

Des exemples de notifications de rappel envoyées par l'appli Duolingo
Des exemples de notifications de rappel envoyées par l’appli.
Des exemples de notifications de rappel envoyées par l'appli Duolingo
D’autres exemples. La deuxième montre le genre de ton passif-agressif souvent dénoncé chez Duo, et sur lequel je reviendrai.

La série est une des mécaniques de gamification (ou ludification) de Duo, et il n’est pas rare de voir les utilisateurs se vanter d’une série de plusieurs dizaines, centaines, voire milliers de jours. Récompenses, classements, divisions et défis avec ses amis sont au programme, différents types de palme pouvant revenir à l’utilisateur assidu et contribuant à faire de Duo le parfait mélange entre jeu et appli pédagogique.

Série de 156 jours sur Duolingo
Série de 1 400 jours sur Duolingo

Sur le papier, les notifications sont dans l’intérêt de l’utilisateur : soyez fidèle à l’appli, et votre apprentissage sera optimal. De fait, Duolingo enseigne ainsi durablement des éléments clé de la langue, une méthode révolutionnaire pour de nombreuses personnes. Mais notifications et gamification ont bien sûr un autre objectif : maximiser le nombre d’utilisateurs actifs. Utiliser l’appli est évidemment présenté comme une situation gagnant-gagnant, où à la fois Duo et l’utilisateur bénéficient de se rencontrer souvent. C’est de bonne guerre, mais le procédé présente d’autres problèmes.


Duolingo, l’appli miracle (?)

De nombreux utilisateurs (surtout de culture monolingue, et donc beaucoup de Nord-Américains) sont amenés à croire que Duo peut suffire à l’apprentissage d’une langue étrangère jusqu’à un niveau conversationnel. Ce n’est pas entièrement faux, et Duo peut permettre d’atteindre un niveau remarquablement avancé compte tenu du minimalisme éducatif de sa méthode. Mais en sachant choisir les phrases et le vocabulaire qu’il enseigne de sorte que l’apprenant ne se sente jamais dépassé, et à faire en sorte que l’apprentissage soit ludique et sans effort, les enseignements de l’appli sont lacunaires et décontextualisés. Il manque tout un aspect humain et social aux compétences acquises sur l’appli, ce qui réduit les langues à des objets froids et systématiques (ce qu’elles sont loin d’être en réalité).

Poussés à l’apprentissage par les mécanismes de l’appli plus que par une motivation débordante, les utilisateurs tendent alors à être dénués de méthode et de ressources extérieures. Or, un bon duolinguiste doit savoir compter sur lui-même et faire ses propres recherches, car l’appli ne fait qu’effleurer la surface des langues, et peut même décourager si on ne compte que sur elle.

Ces débutants, on les voit presque tous les jours sur le subreddit r/French, conçu pour l’apprentissage du français, et que j’administre. Leurs questions sont basiques et récurrentes, souvent accompagnées d’une capture d’écran de l’appli. Faciles à résoudre avec une simple recherche Google, ces questions rendent la communauté monotone et agaçante d’utilisation pour les membres actifs. Souvent, l’accueil qui leur est réservé par la communauté est froid, parfois moqueur. On a dû s’y adapter : les questions basiques et récurrentes sont supprimées, en échange de quoi on offre une FAQ qui aborde les points principaux du français que Duolingo n’enseigne pas, ou mal.

Utilisateur·ice de Duolingo sur Reddit demandant ce qui ne fonctionne pas dans la phrase "nous allons voyager avec ils"
Un exemple de question récurrente : l’emploi des pronoms toniques « moi, toi, eux » etc. est quelque chose qu’un apprentissage traditionnel du français enseigne tôt, et des centaines de ressources gratuitement disponibles en ligne en parlent. Cet apprenant, qui utilise probablement Duolingo comme source principale d’apprentissage (sinon comme seule source), ne sait sûrement même pas de quoi il s’agit, car Duo n’enseigne pas la grammaire. Ne pouvant pas rechercher le sujet lui-même, il pose en toute bonne foi une question récurrente sur le subreddit, qu’on a choisi de supprimer.
Utilisateur·ice de Duolingo sur Reddit demandant ce qui ne fonctionne pas dans la phrase "je pense que les serials est mieux que les filmes"
« Mieux ou meilleur ? » : une autre question de bonne foi qui se retrouve souvent. Il nous arrive d’autoriser des publications de ce genre, où aucun des deux choix n’est faux et où plusieurs points méritent une explication personnalisée approfondie.

Mais le problème n’est pas le monolinguisme nord-américain, comme on le conclut parfois trop vite. C’est plutôt le manque de communication de Duolingo sur le fait que l’appli seule ne peut suffire à l’apprentissage d’une langue dans toute sa complexité. Duo renâcle hélas à diriger les apprenants en-dehors de l’appli, préférant creuser son trou et emporter de nouveaux polyglottes débutants dans une vision étroite et mécanique des langues, alors qu’il s’agit en réalité de systèmes infiniment riches et esthétiques.

Les utilisateurs dont je parle ne sont probablement pas majoritaires (de nombreux duolinguistes autonomes qui utilisent des méthodes diversifiées, comme moi, n’apparaîtront pas sur les réseaux), mais ils ne sont pas rares non plus. Dans ce contexte où les lacunes de Duo ont des conséquences importantes sur l’apprentissage de langues en ligne, la manière dont il s’accapare l’attention des utilisateurs est pour le moins discutable. Avec cette désinformation intéressée, même si c’est par omission des risques plutôt que par mensonge pur et simple, le marketing de Duo arrive très bien à faire passer l’appli pour une solution miracle, alors même qu’il restreint notre champ de vision sur les méthodes, les ressources, et les plaisirs qu’il peut y avoir dans l’apprentissage d’une seconde langue.


Oui, mais les chiffres…

Duo prend la science derrière les notifications très à cœur. Du propre aveu de l’entreprise, elles sont le résultat d’une campagne d’expérimentations intense ; elles sont littéralement à la pointe de ce que la technologie peut offrir pour garantir une fidélisation maximale de l’usager. L’entreprise en est fière : billets de blog et vidéos YouTube sont là pour nous rappeler qu’elle emploie des gros cerveaux afin de prendre soin du nôtre. L’aspect technologique n’est pas ma spécialité mais, pour les anglophones, cet article aborde l’approche des notifications par Duo, faite à coups de machine learning et de bandits manchots.

Diagramme montrant le fonctionnement des notifications Duolingo

Pour ma part, je ne peux m’empêcher de trouver l’approche dérangeante, car on va ici plus loin que la désinformation intéressée. En présentant les notifications comme un domaine maîtrisé à la perfection, et en montrant avec quel sérieux il prennent leur mission de nous tenir captifs, Duo rend plus difficile de considérer que cela puisse être une mauvaise chose : une idée présentée avec confiance paraît toujours plus attrayante, même quand elle est mauvaise. Et en mettant l’accent sur sa performance d’ingéniérie, l’entreprise se passe d’aborder ses carences pédagogiques. Il n’y a qu’un pas pour considérer que la méthode a des relents de manipulation.


S’approprier la culture du mème

Les notifications push de la chouette sont d’abord devenues célèbres pour leur insistance parfois condescendante. Cette interprétation était en partie le produit d’une interprétation collective assez exagérée par les mèmes. Toutefois, avec le temps, on a été amenés à les associer de plus en plus à une machinerie un peu trop bien huilée, propre à étudier les limites de l’utilisateur au plus près afin d’exploiter sa patience au maximum. Le personnage de Duo a pris une image satirique de plus en plus menaçante au sein de la communauté, qui est allée jusqu’à le dépeindre sous des traits criminels : la chouette serait capable de vous retrouver dans la vraie vie, de vous menacer, de kidnapper votre famille, de vous faire chanter… Une exagération bien sûr, mais une exagération chargée de sens, caustique, et lourde de sous-entendus péjoratifs : une caricature. Le ton en est devenu d’autant plus grinçant qu’on perçoit maintenant plus clairement cette volonté bien réelle de presser l’utilisateur comme une orange.

Aujourd’hui, la culture du mème s’attaque à Duo sous toutes les coutures : notifications, contenu, marketing…. Mais le plus parlant est le fait que chez Duolingo assume ces mèmes, inconscient du fait (ou prétendant l’être) que ce n’est pas sans raison que l’appli est caricaturée. On l’a vu avec les notifications : qu’elles aient d’abord été volontairement passives-agressives ou non, Duo a tout fait pour qu’elles continuent de faire parler d’elles, quitte à faire plus limite à chaque fois.

Un des mèmes créés par Duo, qui reprend le thème d’une chouette criminelle.
Autre exemple de communication de Duo, où le personnage se rend coupable de harcèlement, de tentatives d’intimidation et d’intrusion dans la vie privée.

L’humour qui va trop loin

En créant ses propres mèmes et en entrant dans le jeu des jeunes, la communication de Duo reprend un langage privilégié par la tranche d’âge la plus représentée sur l’appli (selon Duo en 2022, environ 41% des utilisateurs avaient entre 13 et 22 ans ; si l’on étend la tranche à 13-29, on atteint 58%). Elle embrasse l’humour moqueur de si bon cœur qu’elle donne l’impression étrange de prendre en compte le criticisme qui est plus ou moins directement adressé à l’appli, mais sans en aborder le fond. Et en utilisant le même ton grinçant dans les mèmes maison, elle banalise des griefs, voire des accusations qui réclament haut et fort d’être pris au sérieux. Comme une tape sur la tête des utilisateurs, accompagnée d’un sourire et d’un « mais oui, mais oui ».

Si une partie du marketing de Duo est quasiment inoffensif et/ou drôle et ne justifie pas que je monte sur mes grands chevaux virtuels, cette banalisation est de plus en plus borderline. Pour l’instant, la communauté est plutôt enthousiaste devant le contenu offert par Duo, qui embrasse les valeurs de la Gen Z. Je fais partie de cette génération et, ayant grandi avec la liberté d’Internet, j’ai moi aussi le goût de tourner en dérision des carcans que j’estime artificiels ou autoritaires. Pour cette raison, je suis également enclin·e à apprécier que Duolingo prenne le contrepied de la publicité traditionnelle, sérieuse, formelle et codifiée.

Mais aujourd’hui, Duo franchit de plus en plus clairement la limite. C’était par exemple le cas avec ce courrier reçu à l’automne 2023 avec un achat sur le Duolingo Store, et où la banalisation du harcèlement devient d’autant plus inquiétante qu’elle sort de l’écran et joue avec le respect de la confidentialité.

« Merci ! J’espère que tu profiteras bien de mon achat sur ma boutique. J’espère aussi que tu feras tes leçons quotidiennes, car si tu ne le fais pas… et bien, disons que je sais où tu habites maintenant. »

Quant au billet publié par Duo le 12 février 2024 sur sa campagne du Superbowl (alors que j’achevais l’écriture de cet article), il confirme que la firme continue dans la même direction.

« On a décidé de coordonner la publicité avec une notification push simultanée, qui apparaîtrait sur le téléphone des apprenants immédiatement après la publicité, renforçant l’idée que Duo surveille constamment 👀 »
« Nous connaissons notre marque mieux que quiconque. Nous savons comment jouer avec la limite entre ce qui est drôle et ce qui va trop loin. »
Ou pas.

Duolingo aurait besoin de prendre conscience qu’un tel humour, s’il est drôle quand il vient de la communauté, est beaucoup plus chargé et inquiétant lorsqu’il vient de la firme elle-même, dont on attend au contraire qu’elle prenne les critiques au sérieux et ajuste sa communication en conséquence. Duo cherche à convaincre qu’il peut se réapproprier sa caricature, mais ce procédé ne peut qu’attiser les critiques sur le long terme.


Conclusion

Un outil n’est pas intrinsèquement mauvais et il se trouve que Duo sait de quoi les apprenants ont besoin. Parfaitement conçue pour transformer l’apprentissage de langues en jeu pour les petits comme pour les grands, l’appli permet à des millions d’usagers d’aborder une seconde langue sereinement. J’en fais partie puisqu’elle m’a permis, entre autres, d’atteindre un assez bon niveau de compréhension en suédois sans quasiment utiliser d’autres méthodes pour cette langue.

Seulement, l’appli a ses limites et Duo ne communique guère dessus, préférant fidéliser les utilisateurs à outrance au prétexte que c’est dans leur intérêt, et rechignant à les diriger vers d’autres méthodes dont ils seraient pourtant nombreux à bénéficier. En outre, l’entreprise cultive l’humour cinglant dont elle est la cible, se servant du caractère communicatif des mèmes et de l’autodérision pour s’octroyer une certaine aura chez les 13-29 ans, qui constituent 58% de l’audience de l’appli. Ce faisant, elle détourne leur valeur critique, faisant mine de les assumer mais sans jamais en aborder le fond, qui est pourtant légitime.

Le journal parodique Le Gorafi, à la veille de la publication de mon article, contribuait à cette tendance qui menace d’échapper au contrôle de Duo.

En s’appropriant une culture du mème dont la tendance à l’exagération a transformé, par humour, une simple chouette en icône criminelle, Duolingo recycle l’aspect humoristique de la caricature dans son propre intérêt, mais invisibilise sa dimension critique. L’entreprise s’est engagée dans une pente glissante où la banalisation et la glorification du harcèlement, de l’intimidation, du chantage, des menaces de kidnapping ou même de mort sont de mise et ne peuvent que s’accentuer. Venant de la communauté, c’est drôle – venant de la firme, c’est inquiétant. Si l’on peut apprécier l’approche marketing pour son aspect moderne, il devient de plus en plus critique de se rendre compte des dangers qu’il présente, tandis que l’entreprise continue de réaffirmer ses positions borderline.

How Duolingo Inc looks when they tweet out memes instead of adding to or fixing their courses: "how do you do, fellow kids?"
« L’impression que donne Duolingo en tweetant des mèmes au lieu d’ajouter du contenu à ses cours ou d’en réparer les problèmes »
Le mème d’origine, utilisant le personnage de Steve Buscemi dans la série 30 Rock, est utilisé pour répondre aux personnes qui prétendent faire partie d’une sous-culture qu’ils ne connaissent pas, ou mal.

Sources

Merci à Chris pour sa relecture !

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weg

> les enseignements de l’appli sont lacunaires et décontextualisés. Il manque tout un aspect humain et social aux compétences acquises sur l’appli, ce qui réduit les langues à des objets froids et systématiques (ce qu’elles sont loin d’être en réalité).

Dans le temps, Duolingo avait un forum avec un topic dédié à chaque phrase et des explications sur les thématiques abordées pour chaque leçons. Je n’ai pas compris pourquoi ces deux fonctionnalités ont été supprimées. C’est vraiment se tirer une balle dans le pied.

Le problème des notifications est plus général que le cas de Duolingo : la plupart des utilisateurs ne savent tout simplement pas régler les notifications de leurs portable. En tout cas c’est vraiment pas ce qui me gêne le plus chez eux. Bien moins que l’absence de prise en compte des retours utilisateurs ou l’absence de ressource documentaires, justement.

> les enseignements de l’appli sont lacunaires et décontextualisés. Il manque tout un aspect humain et social aux compétences acquises sur l’appli, ce qui réduit les langues à des objets froids et systématiques (ce qu’elles sont loin d’être en réalité).

Dans le temps, Duolingo avait un forum avec un topic dédié à chaque phrase et des explications sur les thématiques abordées pour chaque leçons. Je n’ai pas compris pourquoi ces deux fonctionnalités ont été supprimées. C’est vraiment se tirer une balle dans le pied.

Pour ce qui est des ressources tierces, effectivement le besoin se fait cruellement sentir. Mais je n’ai pas trouver d’autres site web gratuit, conforme au RGPD qui apporte ce type de ressource. Si tu en connais n’hésite pas à partager.

Sid

Je corrige des apprenants depuis pas mal de temps maintenant, et les textes les plus catastrophiques grammaticalement que je vois viennent souvent de gens qui apprennent exclusivement avec ces applications. « Lacunaire et décontextualisé » résume parfaitement la chose. Les pronoms toniques, ouais, ça fait partie des erreurs courantes… Les pronoms objets/sujets et les pronoms relatifs posent également souci… Certains m’ont même demandé ce que signifiait « objet direct/indirect », preuve qu’ils n’ont certainement jamais eu de leçon avec un véritable prof (humain). Cela dit, ceux qui débarquent des systèmes scolaires classiques (peu importe le pays), ce n’est pas mieux… J’admire les pauvres lycéens qui se battent pour atteindre un bon niveau quand ils s’aperçoivent à quel point leurs cours au bahut sont éclatés au sol !

Duolingo a exploité jusqu’à la moelle un modèle markéting, c’est certain. L’obsession de la série à ne pas briser et la notification généreuse. Pas franchement l’idéal dans un monde où les gens sont déjà harcelés par le culte de la performance qui s’insinue dans chaque appli… Après, qu’ils se réapproprient leur image avec la chouette fourbe qui épie et menace les utilisateurs peu assidus, je trouve ça plutôt marrant. C’est maladroit au sens où effectivement, leur public est jeune, même si à 13-14 on est (normalement) assez mature pour ne pas prendre au sérieux les injonctions d’une chouette virtuelle. Pour beaucoup, la distinction réel/virtuel et le second degrés ne vont certes pas de soi, mais est-ce la faute de Duolingo ?

Le plus dérangeant pour moi, ce sont leurs promesses. « Tu vas apprendre une langue grâce à une appli », c’est très clairement mensonger, et à moins de déjà savoir ce qu’implique l’apprentissage d’une langue, c’est facile de tomber dans le panneau.

Il y a d’autres effets délétères, à plus long terme. Il me semble que nous en avions déjà parlé, mais la tendance à la ludification crée des apprenants qui se comportent de plus en plus comme des consommateurs, avec des exigences de résultats immédiats sans fournir d’efforts. Ça doit rester marrant, et si ça ne l’est plus, on arrête. Or, on a beau être passionné, n’importe quel apprentissage suppose des moments de galère, d’ennui, de désespoir même parfois, sous peine d’abandonner au premier obstacle.

Le meilleur remède contre ça ? Je trouve que ça reste de partager son vécu et ses conseils, d’être le plus honnête possible sur ce que veut dire « apprendre une langue », sur ce qu’il est nécessaire (ou conseillé) de faire pour que ça se passe au mieux. Et parfois, ça passe par le fait de dire que oui l’ami, dans ce long et merveilleux voyage qu’est l’acquisition d’une langue, tu vas parfois en suer pour gravir certains cols, mais la vue au sommet n’en sera que plus belle. Mieux vaut une vérité amère à un doux mensonge duolingois (oui je viens de créer cet adjectif et j’assume parfaitement !)

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