Dossier : l’effet mindblowing


Bon, le titre est un peu pompeux mais il veut bien dire ce qu’il veut dire.

« Mindblowing« , c’est un adjectif anglais que Google traduit par « époustouflant ». Sur le Wiktionnaire anglophone, il est orthographié avec un trait d’union, ce qui est beaucoup moins-classe, et possède deux définitions : 1) hallucinogène ; 2) qui a un effet bouleversant sur l’imaginaire (having an overwhelming effect on the imagination). Et c’est exactement la signification que je recherche.

J’utilise cet anglicisme, qu’on pourrait traduire littéralement en français par « qui explose l’esprit » (mon ami la classe, on se revoit dans l’au-delà), pour qualifier le sentiment profond que je peux éprouver devant certains films. En avez-vous fait l’expérience ?

Définition du sentiment

En ce qui me concerne, l’effet mindblowing est la plus puissante émotion qu’un film puisse me transmettre. Aucun autre ressenti (que ce soit la peur, la jubilation, l’amusement du film ou par le film, ou même ce sentiment diffus de justice qui émane de certaines rares créations naïves) ne prend pluS possession de mon âme de spectateur que celle-là.

Pour faire simple, je le ressens lorsqu’un film me transporte, ou transcende son propos dans une dimension de rêve ou d’idéalisme. Il s’assimile à une mélancolie intense, c’est pourquoi il doit être rangé dans la catégorie des émotions douces-amères.

Pour cette raison, les films mindblowing (et je parle d’un qualificatif personnel, qui n’a rien d’absolu) sont des films que j’adore et que je redoute, qui n’ont pas non plus besoin d’être des chefs-d’oeuvre. Ce sont toujours des films de fiction et généralement de science-fiction sociale (voir ci-dessous pour les détails).

J’écris d’ailleurs cet article après avoir vainement essayé d’expliquer la teneur du sentiment à des amis, alors que je tentais de justifier le fait d’avoir adoré Divergente, et plus particulièrement le deuxième opus.

Une base émotionnelle importante ?

Il y a un point que je ne suis pas sûr d’être en mesure d’éclaircir. Est-ce que c’est une émotion réservée aux personnes les plus sensibles aux expressions oniriques, ou bien est-ce une émotion que chacun est en mesure de ressentir devant certains films, à sa façon ?

Je pense que chacun peut citer au moins un film qui ne l’a pas laissé intact émotionnellement, mais cela se rattache-t-il à l’émoi que je détaille ?

Personnellement, je ne cache pas mon attirance pour le concept « et si tout était différent ? » qui occasionne une perpétuelle – et par définition insoluble – frustration de la conscience. Je suis fan de SF et mes « croyances » tiennent de l’agnosticisme, car j’espère qu’il y a Autre Chose sans croire en rien. Des éléments hétéroclites de mon esprit qui, je pense, constituent un terreau de choix pour l’effet mindblowing.

Dans mon cas, c’est un sentiment que je ressens lorsqu’une oeuvre me suggère ce quelque chose d’autre. L’artiste m’en impose sa vision mais, suspension consentie de l’incrédulité aidant, c’est une vision que j’adopte. Le plus souvent, cet accord entre mon esprit et l’oeuvre se fait par le biais d’un film, mais les romans et les BD le scellent aussi parfois dans une moindre mesure.

La difficulté de la critique vis-à-vis du mindblowing

Lorsque je ressens ce saisissement alors que je suis en train de goûter à une oeuvre filmée que je ne connaissais pas, cela s’accompagne d’un léger regret : cela signifie qu’une part de mon objectivité est condamnée, que je ne saurais être impartial à la rédaction de ma critique quotidienne.

J’ai toujours essayé de faire la différence entre mon appréciation personnelle et la qualité artistique absolue d’un film (je crois que c’est encore écrit quelque part dans une des pages du blog). Mais hélas, les deux sont sujets à l’interprétation, et il n’y a rien de pire que deux personnes objectives qui ne tombent pas en accord (j’en ai fait l’expérience, c’est chiant).

Quand un film est mindblowing, je ne pourrais expliquer mon état d’esprit qu’avec un grand baratin tel que celui que vous avez sous les yeux, ou bien une onomatopée du genre « xrtlrkpzz », qui, comme vous en conviendrez, manque un peu d’éloquence. Quand à ma critique impartiale, elle sera forcément contaminée. C’est dans ces cas extrêmes que me laisse parfois aller à écrire ma critique à la première personne, m’en excusant par la même occasion.

Plus concrètement encore

Je pense que malgré la complexité du sujet, j’en ai à peu près fait le tour dans cet article. Je pourrais en écrire une étude en deux cents pages, mais cela ne consisterait qu’à remâcher des tournures plus ampoulées les unes que les autres pour qualifier une émotion, et une émotion vous glissera toujours dans les doigts, quelle que soit la finesse de la langue la plus performante pour en esquisser les circonvolutions. Je vais donc passer aux exemples. Mais avant, quelques précisions.

Plus tôt, je parlais de « science-fiction sociale« . Il s’agit d’un abus de langage que j’emploie par choix personnel, comme le qualificatif mindblowing. La science-fiction couvre les évolutions possibles de la science. Y ajouter l’adjectif « social » signifie du coup « l’application à la société des évolutions possibles de la science ». C’est du moins la signification étymologique, car la sémantique adéquate serait « évolutions possibles de la société en parallèle d’une évolution technologique d’importance variable« .

C’est ce que, moi, je veux dire par « science-fiction sociale ». Je vous laisse vous débattre avec des néologo-synonymes que vous trouveriez plus appropriés. Il s’agit en tout cas d’une SF où l’aspect robot / alien / intelligence artificielle / trucs-bizarres-qui-font-des-bruits-et-clignotent est plutôt mis de côté au profit de l’histoire des Gens.

Exemples

Le monde terrestre futuriste dans Interstellar (Christopher Nolan, 2014). La science y est réduite à peau de chagrin, ne saurait rencontrer l’approbation des foules, et pourtant la solution à tout le reste y réside. « La solution à tout le reste »…voilà bien la preuve que mindblowing il y a. Bien entendu, Interstellar est un film de SF tout court, mais on a de quoi en douter tant que le protagoniste ne découvre pas son destin. Pour ce que sa fin suggère, c’est le film que je considère le plus mindblowing de ma collection.

Même chose pour Divergente (Neil Burger, 2014, pour ne citer que le premier). L’action est de mise, le thème est la SF, mais quel est l’arrière-plan ? De la science-fiction sociale dans ses plus beaux atours puisqu’elle inclue même la politique !

Mais il n’y a pas que la SFS qui soit le berceau du mindblowing (ceci dit, cela dépend toujours du spectateur, et en l’occurrence, je parle de moi. J’insiste).

Toute SF mise à part (sociale ou non), voici de bons exemples de films mindblowingAu-delà de nos rêves (Vincent Ward, 1998, un film qui touche au thème de l’au-delà dans une expression rare et tellement satisfaisante), L’Homme bicentenaire (Chris Columbus, 1999, l’histoire d’une très longue vie qui touche aux thèmes de l’amour et de l’instant présent), Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994).

(Dans le dernier cas, l’effet est distillé par une connivence poussée à l’extrême entre le personnage et le spectateur. L’accompagner durant une si grande partie de sa vie, même si elle ne dure que 142 minutes, suffit à nous plonger dans une profonde nostalgie.)

Un nouveau style ?

C’est dommage, mais j’ai bien l’impression que le mindblowing (l’anglicisme m’est de plus en plus désagréable à chaque fois que je l’écris) n’est l’apanage que des créations les plus récentes, généralement des années 1990 ou postérieures. Je ne peux exclure la possibilité selon laquelle je ne suis sensible qu’à son expression récente (L’Homme bicentenaire est une nouvelle d’Isaac Asimov qui remonte à 1976 et le film s’y voulait fidèle, Au-delà de nos rêves est un roman de Richard Matheson de 1978 et le bonhomme a écrit Je suis une Légende en 1954, qui a aussi donné lieu à un très bon film !), mais la question reste posée : le public est-il en mal de dépassement de sa propre humanité ?

En tout cas moi oui.

Hier encore, j’ai lu le résumé IMDb d’un film qui sortira en décembre : Premier contact. Il tenait en une ligne : « Un(e) linguiste est recruté(e) par l’armée pour aider à la traduction de communications extraterrestres » (A linguist is recruited by the military to assist in translating alien communications).

Une quête de la compréhension. Non seulement une quête de la compréhension, mais une quête qu’on associe à un langage alien, venu d’ailleurs, dont on ne sait rien. N’est-ce pas un p****n de bon exemple de film mindblowing ? Je le dirai quand je l’aurai vu, mais c’est typiquement ça sur le papier.

 

 

Merci de votre lecture. J’ai voulu exprimer ce ressenti qui me fait passer du chaud au froid émotionnel, qui m’inspire et me déprime, et j’espère que faute de comprendre de quoi je veux parler, vous avez enjoyé mon article ! 🙂

S’abonner
Notifier de
guest
1 Comment
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires

[…] est amusant que mon dernier dossier, qui est tout récent, ait concerné l’effet mindblowing, tandis que Captain Fantastic que j’ai vu le lendemain de sa rédaction en est une bonne […]

1
0
Et vous, vous en pensez quoi ?x
Retour en haut