Dans les cinébdos, je compile mes critiques sur les films vus dans la semaine.
Sommaire
La neige tombait sur les cèdres (Scott Hicks, 1999)
Un enfant de Calabre (Luigi Comencini, 1987)
Le Train (John Frankenheimer, 1964)
Image d’en-tête : Un enfant de Calabre ; films 196 à 199 de 2019
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Mercredi : La neige tombait sur les cèdres (Scott Hicks, 1999) « Thématique : Max Von Sydow »* |
Il y a des cinéphiles que le flashback rebute. Alors des flashbacks dans des flashbacks ? J’aime bien le procédé mais j’avoue que la compréhension n’était pas aisée.
Des pans entiers de l’histoire sont propulsés par un montage sonore stratifié à un niveau atmosphérique seyant mal à la lisibilité comme au thème du thriller. On frise le bazar sensoriel dans ces années 1950 qui seraient bien représentées, sinon, par la photographie & la musique.
Gros point noir donc dans ce drame policier au goût de La Tempête du Siècle (Craig R. Baxley, 1999) dont le thème est celui d’Empire of the Sun (Steven Spielberg, 1997) avec un Max Von Sydow aussi tussif & monologuiste que dans Hamsun (Jan Troell, 1996). L’époque marque.
Ici, le crime prédomine, un crime qui prétend trouver sa place dans un triangle militaire : l’île, les Alliés & les forces de l’Axe. Car même là-haut, tout au nord-ouest des États-Unis, sur une île fictive dont on dirait qu’elle fait face au Japon si elle n’avait ni cèdres ni neige, deux cultures se rencontrent à une époque où les Japonais Américains étaient emprisonnés dans des camps par les USA, et des valeurs racistes s’éveillent dans une société jusqu’ici tenue à l’écart, géographiquement & idéologiquement, des combats de ce monde.
James Rebhorn, crispant cuistre d’Independence Day, trouve une nouvelle niche de choix pour son anglais parlé avec le nez & son arrogance. Il est bien le seul qui s’élève un peu de la masse interprétative, sauf si l’on compte James Cromwell, décidément aussi bon en juge qu’en directeur de la NASA ou de prison. Ethan Hawke aura quant à lui raison, d’après ce qu’on peut en voir, ne de pas considérer ce film comme une expérience d’acteur épanouissante.
Doté d’un potentiel explosif au milieu de nulle part, Snow Falling on Cedars aurait pu armer une bombe pacifique – et pas dans le Pacifique –, du genre cinématographique, qui aurait explosé loin de tout en réservant sa beauté aux plus curieux. Mais il ne se révèle intéressant qu’à la surface de ses embrouillaminis temporels, sous la forme de la manipulation & des préjugés qui lient les avocats aux différentes parties. Au bout du compte, il est aussi emprunté que son titre.
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Jeudi : Un enfant de Calabre (Luigi Comencini, 1987) « Thématique : langue italienne »* |
Un Comencini rural, c’est vrai que ça surprend ! D’ailleurs, il fait bien de garder la télévision pour faire le lien avec Rome, car toutes les routes scénaristiques n’y mènent pas. Elle lui sert par la même occasion à reconstruire une mini-salle de cinéma autour de voisins, le genre d’infatuations fugaces d’un village italien pour l’image en noir & blanc sur laquelle l’athlète éthiopien Abébé Bikila gagne pieds nus le marathon olympique de 1960.
Admiratif devant l’écran, le dénommé Mimi fait l’école buissonnière à la course, pieds nus lui aussi. Il défait ses lacets pour couper à travers ceux que forme sa route calabraise, plus rapide que le bus qui le conduit à l’école et dont il finit par rencontrer le chauffeur, un vieux rêveur boiteux qui complète le trilemme : un père désirant qu’il étudiât, une mère qu’il le suivît, et le vieux qu’il courût.
Au détour d’un sentier ou d’un champ, Comencini place timidement une amourette qui fait pâle figure au regard du reste ; la joliette est pom-pom girl malgré elle & la pauvreté de son rôle annonce celle qui est à venir chez des protagonistes autrement plus riches au début, tels que le père, justement.
Ces passions champêtres, auxquelles on ne croit jamais plus qu’aux invectives paternelles, atteignent le modeste paroxysme de leur beauté avec le conflit entre le père & le vieux, le pragmatique & l’utopiste, durant lequel une phrase est lâchée qui, à défaut d’être défendable, fait rêver :
Je lui raconte des mensonges magnifiques et tu le trompes avec la réalité.
L’essence du garçon de Calabre est là, dans l’univers qui régit son ascension des marches compétitives et l’accession depuis les courses locales à des trophées plus alléchants. L’intérêt n’est, par contre, pas du tout dans le reste de la veine sportive.
Mimi est malmené, tiraillé, et l’impassibilité de son teint mat ne peut pas aller sans une explosion quelque part. Pourtant, il accède à la générosité soudaine de son père & aux qualifications pour les finales de Rome avec une facilité consternante, pas du tout à la hauteur de ce que les piques pseudo-réalistes sur la cruauté du sport – montrant que le regret est dans le succès aussi – pouvaient nous faire attendre.
En sollicitant les jambes agitées de la jeunesse italienne, Comencini proposait au cinéma de retrouver le sens primaire de son mouvement. Il ne s’est pas gêné pour créer de beaux plans qui avancent comme sur des roulettes, mais ses trébuchements manquent d’adéquation.
Vendredi : Kingsman: Services Secrets (Matthew Vaughn, 2014) « Hors-thématique »* |
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Voir la critique détaillée ici !
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Dimanche : Le Train (John Frankenheimer, 1964) « Hors-thématique »* |
Tourné à une époque d’où nous parviennent les rumeurs de l’oppression exercée par les producteurs en personne – et pas du haut de leur société comme aujourd’hui –, Le Train est de ces œuvres tournées dans la douleur et le danger bien réel de l’hyperréalisme, tel un Fitzcarraldo sur rails.
France, 1944 : Le Train sert aux Allemands à voler le patrimoine français, ses peintures les plus célèbres. Frankenheimer, régisseur tenu à un budget qu’il n’aura de cesse de dévisser pour faire – pour une fois – ce qu’il voulait, crée en France une Bête humaine et anglophone avec force soutien de la SNCF, qui profitera notamment des scènes de bombardement pour raser un terrain trop cher à détruire.
Derrière cette production qui est à la source d’autant d’anecdotes hilarantes que d’admiration au regard de la photographie, Frankenheimer crée une œuvre de mouvement mais aussi de contact : s’il n’est pas étonnant que l’équipe de tournage se servît du train qui est le personnage principal pour transporter son matériel, il est intéressant de voir que la caméra sait aussi se poser et produire le sentiment de pouvoir au milieu de la cynique hiérarchie nazie. Le toucher d’un papier ou le regard posé sur un tableau deviennent aussi important que le contraste du panache de vapeur sur l’arrière-plan, que l’éclairage soigne énormément.
Il aurait été plus facile, pour le dire sans vouloir faire de paradoxe, de faire un film qui eût été juste grand, mais il est de toutes dimensions. Seule celle du scénario peine à émerger de sa tortuosité : le train doit absolument rester en France, et pour cela on mobilise des centaines de personnes, beaucoup meurent, on fait sauter les voies, on les déboulonne, on maquille les gares, on sabote, on œuvre dans l’ombre. C’est trop : clairement, le but est de faire mumuse avec ce train, dans l’espoir que la guerre fasse taire notre sens critique, par respect pour la réalité ainsi que pour le temps passé. Mais l’histoire vraie nous sermonne aussi de son coté : le train a existé et on l’a simplement fait tourner autour de Paris en attendant l’arrivée imminente des Alliés.
C’est la réussite technique qui l’emporte, ce tournage risqué pour tout le monde où l’on n’avait droit qu’à une prise quand il s’agissait de collisionner deux vrais trains en conditions réelles. On est transporté dans les gares et dans les locomotives parce qu’il n’y a plus de frontière entre le cinéma et la réalité si ce n’est la guerre elle-même. Le plateau était si bruyant que les ”action !” et ”coupez !” étaient signalés par les sifflets des trains.
Frankenheimer était un créatif bridé ; il a remplacé Arthur Penn, sorti des voies après le premier jour, et il a su faire prévaloir son caractère afin que Le Train, ce titre si simple, devienne le nom d’une merveille du cinéma ferroviaire, à défaut d’une histoire qui tient la route. Ou plutôt les rails.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.
J’ai pris ce train du patrimoine il y a fort longtemps désormais, et le voyage vaut mieux crois moi que celui des « Monuments men » du sympathique Clowney, film qui tient davantage des tribulations de la Septième Compagnie que de l’épopée du soldat Ryan.
Pas vu. Mais Frankenheimer m’a donné envie de faire une thématique « films de trains » à l’avenir !
Bonne idée, car il s’en passe de choses sur les rails…
Le dernier dans le genre que j’ai vu, c’est «Le Transperceneige», et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça m’a pas encouragé à prendre les transports en commun…
T’auras peut-être pas le choix haha.