Entre gros navet, superproductions russe et américaine, psychédélie musicale et expérimentation italienne dans le genre du super-héros, je crois que j’ai atteint le niveau de clarté d’Inception dans les films que je regarde…
Sommaire
1492: Christophe Colomb (Ridley Scott, 1992)
Les Guerriers des étoiles (Stewart Raffill, 1984)
On l’appelle Jeeg Robot (Gabriele Mainetti, 2015)
Tsar (Pavel Lounguine, 2009)
Tommy (Ken Russell, 1975)
Image d’en-tête : Tommy ; films 67 à 72 de 2019
Lundi : 1492: Christophe Colomb (Ridley Scott, 1992) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
Ridley Scott, explorateur de Seul sur Mars (2015) et des terres d’outre-espace avec Alien (1979), était parfait pour la recherche outre-mer, du temps où il y avait une Mer Océane – l’Atlantique. Colomb et ses colons débarquèrent sans colombes, peut-être parce qu’ils ne connaîtraient pas le Pacifique avant 1501. Non que cette nouvelle découverte, cependant, dussent leur faire regretter les sévices infligés depuis 9 ans au Nouveau Monde.
Scott, se rappelant sûrement de son Legend (1985), transmet magnifiquement ce sentiment unique – et maintenant impossible à vivre sur le sol de notre planète – de découvrir pour la première fois la verdure virginale d’une Terra Incognita, ces Amériques déguisées en Asie. Son Éden est court, mais point trop n’en faut ; pour le quinticentenaire du « couronnement » de Colomb vice-roi des Indes, on ne pouvait pas faire un plus joli rêve, une plus belle utopie passée pour le futur.
On a un peu forcé la main à Scott avec Depardieu. C’est dommage, d’abord car supporter son fort accent français pour un rôle d’Italien en Espagne pendant deux heures et demi est un supplice, mais surtout car le rôle ne s’accorde pas à son tempérament mi-miel mi-ours. Il est trop mou, même pour un rôle de mou, ce qui rend peu crédible et trop ostentatoire l’adoption par le personnage de Colomb des valeurs qu’il reniait, comme les châtiments. Qu’il soit contre en esprit et pour dans les faits, cela se comprend mais n’est pas forcément clair. On regrettera des sauts dans le temps qui rendent dispensables les personnages et leur prétendu pragmatisme.
Niveau ambiance, pas de plagiat, puisqu’il me rappelle deux films postérieurs : Le Nouveau Monde (Terrence Malick, 2005) et The Fountain (Darren Aronofsky, 2006). Une fontaine de jouvence pour l’humanité et ses vices à la fois, où la violence par et sur le corps humain place un témoignage dans l’hommage qui dit : « nous n’apprendrons pas ». La vérité sur Colomb est déjà palimpseste, et il est peut-être mieux, en cela, que le film ne sache commencer ni finir que par des sceaux de poésie enrubannés d’encarts explicatifs.
Mercredi : Les Guerriers des étoiles (Stewart Raffill, 1984) « Thématique : Max Von Sydow »* |
J’ai presque envie de retenir ma verve en retour du plaisir rare que me donnent Les Guerriers des étoiles d’octroyer 1/10 à un film. Mais il faut dire ce qui hait – pardon, ce qui est : copie cheap de Star Wars, il est sauvé de qualificatifs comme « honteux » et « plagiaire » parce que l’argument parodique couvre ses arrières. Mais entre les cadrages abominables, les combats ridicules et les dialogues extrêmement pauvres, il n’y a plus de divertissement que l’univers visuel, qui a le mérite d’être plutôt diversifié.
En outre, il y a une manière d’orchestrer une parodie ; si c’est une défense facile à ériger contre des médiocrités comme la création de Stewart Raffill, il est aussi aisé de trouver intolérable la naïveté et la fugacité de passages tantôt grotesques (comme la transformation d’une console de combat en jeu vidéo – par clin d’œil pour son époque ? –, ou bien le fait que les personnages passent d’un vaisseau à l’autre dans l’espace en faisant juste des trous aux explosifs), tantôt ennuyeux (l’accélération de l’image pour simuler la vitesse).
La comédie tire du risible une certaine libération de l’humour et des rebondissements que les scénaristes gâchent entièrement dans le vulgaire ou le mépris (ainsi l’animal typé facehugger n’aura-t-il d’autre utilité que de faire peur une ou deux fois et de rentabiliser un peu de faux sang avant qu’on l’oublie tout à fait – on oublia sûrement qu’il aurait dû ressusciter avec le retour dans le temps, pour préciser à ceux qui savent).
Max Von Sydow fait une apparition éclair – que je n’ai d’ailleurs pas vue – dans ce spatio-navet sans excuses de ses excès. C’est de la science-fiction qui manque de budget, une comédie qui se récupère dans la parodie comme pour dire « oups, désolé, il fallait bien le finir » mais qui, dans le fond, était trop contente de modestes prouesses comme faire bouger correctement quelques androïdes, des RD-D2 dénaturés dans un cosmos qui se mesurent avec toutes sortes de chiffres et de lettres – une accélération de 68, un quotient de 2, un rapport de 6, des vaisseaux de classe Y – mais sans aucune unité. Ça le définit bien, d’ailleurs : sans unité.
Jeudi : On l’appelle Jeeg Robot (Gabriele Mainetti, 2015) « Thématique : langue italienne »* |
Il est des hybrides étranges en cinéma, et il semblerait qu’un drame de science-fiction aux couleurs des banlieues romaines en fasse partie. En guise d’intro, le personnage brasse le Tibre pour devenir de la crasse le Tigre, se transformant en surhomme après quelques symptômes d’empoisonnement radioactif annonçant le divertissement filmoactif.
Trop de crasse, sans doute ; chercher des moyens de mettre en scène la violence à tout prix, puis inventer des façons de tuer pour le spectacle d’un corps bringueballé, c’est trop ; au mieux, c’est un spectacle d’effets visuels, mais macabre, trop macabre. La truanderie à l’italienne prend des airs de Tarantino dans cette Dark City de Rome d’où, jadis, émana la gloire de toute l’Europe. Gloire que les personnages cherchent de nouveau, mais par YouTube ; un élément qui de veut moderne dans le scénario (et qui n’est pas traité de manière trop ridicule) mais qui arbore au final des airs faussement conciliants.
On préférera que soit tissé le réseau d’allusions à l’époque actuelle (par les portables, voire le nom du pape François à la télé) pour servir de toile de fond au cynisme de Claudio Santamaria. Si ses airs de brute sont charmants, c’est Luca Marinelli qui m’aura marqué par son interprétation délicieuse d’un Joker mafieux, à l’œil fou et aux manières précieuses.
Inconstablement maître du mouvement, Mainetti prend son temps pour donner de la valeur à son film, le laissant mariner (trop) longtemps dans un style blomkampien dépressif et épuré qui rend le visionnage gourd et terne. Mais il est capable de poésie, et saura le montrer dans la modestie du déjà-vu (un ballon prend son envol) aussi bien que dans de plus impressionnantes démonstrations d’empathie.
Peu de choses peuvent me faire changer d’avis sur un film aussi abruptement que la preuve que deux opposés sont employés et maîtrisés à un niveau fondamental, comme la violence et la poésie de Jeeg. Le style est trop « rouge et noir » pour attirer mon approbation, mais cette coalition fabuleuse vaut beaucoup.
Vendredi : Tsar (Pavel Lounguine, 2009) « Thématique : langue russe »* |
Dans l’austérité des superproductions russes, le grandiose se construit par un travail invisible et acharné. Est-ce une faute si Lounguine paraît l’atteindre en spectateur, contemplant l’abyme dans l’attente qu’il regarde en lui ?
Son biopic d’Ivan le Terrible brûle beaucoup de bois mais ne casse pas des briques. Par le feu, il immole des constructions guédelonesques comme des sacrifices au Dieu cinéma, ce qui, à l’intsar de la star, n’est pas très orthodoxe.
La prestance des acteurs est folle, et il y a un grand cœur froid qui fait battre d’un beau sang glacé le règne reconstitué d’un grand nom de l’histoire russe. Mais la décadence se mêle à la déliquescence et l’hérésie à l’hystérie ; la folie criarde qui guide les tortionnaires à la solde d’Ivan, tout comme les détracteurs voulant paresseusement le renverser, sont des icônes manichéennes (!) et fades sous l’égide d’un scénario auquel on est soumis plus qu’il ne nous est proposé.
L’image est belle ; un regard torve est éborgné par l’ombre, un ours pacifique devient un acteur sanguinaire, et tout prend vraiment des airs de signe divin sous le vernis symboliste de Lounguine. Mais elle ne referme aucun secret. Quand une idée propose de se métamorphoser en quelque chose de plus, elle est réduite en cendres, sans que l’interprétation puisse l’absoudre d’une quelconque manière.
Comme cette fillette tenant à son icône comme à un doudou et à qui la Vierge dit que les ours ne lui feront pas de mal ; elle est elle aussi seulement de passage dans la folie d’Ivan Vassiliévitch. Rien ne la trouble plus que des ondes fluettes et les images finissent par s’enchaîner mécaniquement.
Samedi : Tommy (Ken Russell, 1975) « Thématique : film musical »* |
Décidément, lorsqu’on est artiste, on l’est pour tout. S’il était clair même pour l’inculte que Bob Geldof était juste un acteur dans The Wall d’Alan Parker, le fondateur des Whos fait vraiment illusion dans son opéra rock cinématographié. Les deux films ont en commun d’être musicaux et d’explorer la psyché d’un enfant que la guerre éprouve, et qu’on laisse aux affres d’un baby boom déifié en tant que révolution culturelle à partir de 1968.
Ces films sont les pourquois du flower power, les waller blowers qui vont de l’autre côté du miroir. Comme Tommy, joué donc par Roger Daltrey, un enfant dont le trauma va lui faire passer les années 50 et 60 comme dans un songe, celui-là même qu’en ont conçu les fumées hippies. Traversant ces limbes au rythme de la batterie de Keith Moon (un rythme endiablé… comme son petit rôle, et lui-même en fait), l’opéra prend des airs de sketches, fugacement éclairé par le passage de noms immenses comme Tina Turner, Eric Clapton, Elton John ou Jack Nicholson.
Ils ont tous chanté, apportant leurs pierres parfois mal arrondies à l’immense cathédrale musicale où règne Tommy, qu’on a tenté de guérir à coups de corps du Christ enfermé dans des gélules bleues, ou de son sang en soda. Nulle surprise, en fait, que sa seconde naissance le rende inaccessible à ceux-là même à qui il voulait dispenser l’amour ; c’est d’indifférence qu’il nourrit ses fidèles, des disciples capitalistes désillusionnées où s’expie enfin le crime d’un meurtre guerrier. Les ouailles des Whos (!) sont le rappel, bien nécessaire celui-là, que les grands évènements de l’Histoire ne sont pas des bouées immobiles qu’on laisse dans notre sillage.
Dimanche : L’Or se barre (Peter Collinson, 1969) « Hors-thématique »* |
|
Critique détaillée à venir !
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.