Cinébdo – 2018, N°5 (Mon beau-père, mes parents et moi ; La Dune ; La Femme du prêtre ; Solaris ; Pater ; These Final Hours)


Image d’en-tête : Solaris ;  films 24 à 29 de 2018

 


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Mardi : Mon beau-père, mes parents et moi 

(Jay Roach, 2004)

« Thématique : Dustin Hoffman »*

Dans la lignée du premier film de la trilogie, celui-ci va restre dans une optique de sketches. L’objectif avoué est toujours de truffer littéralement le scénario de gags. L’avantage de cette démesure, c’est qu’il y en a pour tous les goûts. Alors tout le monde rit. Par contre, c’est un humour sans jamais d’élégance.

Étant une suite, l’œuvre bénéficie aussi d’une forme de pragmatisme ; quitte à balancer de l’humour force 5 à la tronche du spectateur, autant l’endormir avec un casting ébourriffant : De Niro, Hoffman, Streisand. Là encore, il y en a pour tout le monde, mais il est difficile de ne pas remarquer en particulier l’apport des femmes (Streisand et Blythe Danner) à la « crédibilité » et au « bonaise » (comprendre « contraire de malaise »).

Un autre gros bon point – si on a assez de patience pour survivre à la linéarité des mauvais – est d’avoir donné dans le psychologique dans une certaine dimension : les parents qui se rencontrent ont des points de vue opposés, alors l’histoire s’axe sur l’échange et l’influence des uns sur les autres. On reste dans une manière très simpliste de le faire, une confrontation du genre chien/chat (qui se produit d’ailleurs sous la forme d’une des scènes les plus objectivement hilarantes du film), mais c’est une bonne idée à la base.


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Mercredi : La Dune

(Yossi Aviram, 2013)

« Hors-thématique »*

La France a toujours bien aimé les films narrant la courte tranche de vie de personnages austères, généralement d’origine maghrébine (ici, ils sont israëliens). Parfois, on est très forts pour rendre agréable ce genre de concept, même si l’intérêt de prendre un matériau de base déplaisant est un point de vue difficilement défendable si on ne met pas une volonté au moins aussi forte que celle de distraire le spectateur à la place. Là, ce n’est pas agréable.

La mise dans l’ambiance est longue ; on pourrait dire contemplative mais il nous faut réfléchir et il n’y a pas d’images particulièrement épatantes. On est emporté par un Niels Arestrup insipide et geignard vers un débouché convenu et sans impact. Bref, seules jolies fleurs sur ce tableau automnal : Emma de Caunes et la langue hébraïque.


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Jeudi: La Femme du prêtre

(Dino Risi, 1970)

« Thématique : langue italienne»*

Les Italiens ne sont jamais en reste lorsqu’il s’agit de paraître au sein du monde latin comme les maîtres de la plus folle autodérision. Ils mettent Sophia Loren (la femme) et Marcello Mastroianni (le prêtre) et puis boum : une gentille petite création anticléricale, une négation parfaite de la dévotion pour laquelle on croit les connaître. On pourrait même difficilement pousser l’idée plus loin, étant donné que la première va pousser le second à remettre en question les fondements de sa vocation.

Peut-être l’accent est-il trop mis sur la comédie : on rigole, c’est vrai, et ce n’est pas pour autant une tartine entière de cocasserie, mais il y a des moments où des lignes frappantes quoique non humoristiques auraient suffi, plutôt que de laisser inexpliqués les changements de position des personnages au cœur du récit – celui du prêtre notamment, le plus important.

Toutefois l’ironie est charmante : l’anticléricalisme s’exprime jusque dans les rangs des cardinaux dans un ton semi-moderne et semi-traditionaliste, où l’aspiration d’un prêtre au mariage est confrontée à un sécularisme aussi bien têtu et médiéval chez ses supérieurs que joliment familial chez des protagonistes plus discrets mais tout autant représentatifs de la vraie Italie. Dommage qu’empathie et humour soient surtout là pour faire passer la pilule du sujet sociétal sérieux, parce qu’ils ont une réelle place, plaisante de surcroît.


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Vendredi : Solaris

(Andreï Tarkovski, 1972)

« Thématique : langue russe »*

Difficile de savoir à quoi s’attendre avec un film soviétique de science-fiction. Il se révèle facilement comparable à 2001: Odyssée de l’espace, antérieur de quatre annéees, quoiqu’il s’agisse là d’une coïncidence. On y trouve une lenteur à la limite de l’insupportable, dont la correspondance aguichante avec l’habituelle contemplation slave n’est même plus une excuse à ce stade. C’est aussi un film naïf, involontairement visionnaire sur les bords mais surtout onirique et insouciant jusqu’à la faute de goût (citons juste cette scène d’ « apesanteur » où les personnages flottent, très joliment d’ailleurs, ainsi qu’un bouquin qui traverse l’écran et… aucun autre des objets dans la pièce, alors que cela ne coûtait rien de ne pas les montrer).

Le spectateur a vraiment tout son temps – trop de temps – pour parcourir chaque scène en esprit, et ce seraient des efforts piètrement récompensés si l’ambiance ne sauvait pas tout, cette ambiance qui perce le Rideau de Fer culturel et d’où émergent des acteurs miraculeusement expressifs, à l’éloquence très justement dosée et peuplée juste comme il faut d’allusions à cet Océan exoplanétaire qui est l’objet de leur curiosité et de leur trouble, même si on aurait aimé voir plus de cohérence scientifique au moins pour donner la mesure de l’impuissance des chercheurs ; c’est là le plus gros vide du scénario.


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Samedi : Pater 

(Alain Cavalier, 2011)

« Hors-thématique »*

La forme est rebutante, le propos purement français : voici un film de pure fiction qui se donne de faux airs de documentaire, posant par la même le pied dans le milieu politique français le plus barbant.

On ne sait trop sous quel angle l’histoire nous est présentée : les deux acteurs principaux jouent leur propre rôle dans une histoire qui n’est pas la leur et qui consiste à s’en inventer une autre. Cette phrase velue et récursive qualifie bien le genre de truc auquel il faut s’attendre ici, et c’est probablement là que l’œuvre gagne la plupart de ses détracteurs : c’est long, entâché de moments gênants pris sur le vif de la vie réelle, ou abstrus et inintéressants. On voit les personnages absorber l’équivalent d’un vrai repas entier si on additionne les plats dont la caméra capture le moment de la déglutition.

Mais pour qui cet épais voile abscons n’est pas une frontière, Pater peut être une critique douce et relativement bien éclairée du pouvoir selon le point de vue du fantasme. À en croire le film, les politiques seraient ni plus ni moins que des rêveurs avec juste assez de courage pour se soumettre au jugement de la masse du moment que cela leur garantit de communiquer leur idéal à une partie du peuple ; alors convaincre le peuple de la justesse de cet idéal, quel avènement ! C’est comme une utopie qui se révèle à soi-même comme réalisable et rationnelle.

Mais ces politiques sont aussi des hommes, qui n’ont pas forcément la pudeur d’éviter les mets d’excellence ou de ne passer leur peu de temps libre à discutailler. Alors le film qui dépeint tout ça est ennuyeux. Moi, ça me va. Bel effort aussi.


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Dimanche : These Final Hours 

(Zak Hilditch, 2013)

« Hors-thématique »*

Dans une quête hypothétique du film apocalyptique ultime, These Final Hours mérite qu’on s’y attarde, longuement. La mise dans l’ambiance est immédiate et violente comme une douche froide émotionnelle, et c’est ce qu’il faut. On n’a pas de temps à perdre pour la fin du monde.

Cela nous plonge directement dans le vif du sujet, que l’œuvre maintient de bout en bout d’une main de maître. Cette belle linéarité ne prend pas place sans quelques concessions comme l’ « étapisation » du scénario, qui s’apparente trop à un survivor pour être finement psychologique, et où les inspirations vidéoludiques se font trop sentir dans certaines scènes, autant dans la technique de tournage que dans leur dénouement. Les personnages sont aussi quelque peu versatiles.

Mais l’ambiance l’emporte, et elle a des attaches partout : micro-évènements, effets sonores persistants, couleurs magnifiques, cadrages photographiques… C’est ambiancé ET esthétique, avec des racines à bas coût qui ne se font pas sentir tant le budget est bien géré ; la scène finale est un délice qui arrache le cœur et les yeux tant c’est beau. La saveur que le film nous laisse est parfaite, et ce d’autant plus que sa nationalité (australienne) donne lieu à des détails épatants : la façon d’être, l’accent (!) et la censure. Oui, en France, on est bien capable de refuser la scène d’une petite fille forcée à prendre de la drogue. Pourtant, il est possible de le faire avec mesure et à-propos, puisque cela illustre la gigantesque orgie que le monde devient très logiquement pour la fin du monde. Film à voir avec l’esprit léger ou préparé, par contre.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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