J’essaye un nouveau design pour les cinébdos ; n’hésitez pas à me donner votre avis en commentaire, que je sache si ça plaît !
Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.
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Sommaire
Camille Claudel (Bruno Nuytten, 1988)
Coup de foudre à Notting Hill (Roger Michell, 1999)
New York ne répond plus (Robert Clouse, 1975)
Mauvaise graine (Claudio Caligari, 2015)
Abattoir 5 (George Roy Hill, 1972)
Let It Be (Michael Lindsay-Hogg, 1970)
Le Festin de Babette (Gabriel Axel, 1987)
Image d’en-tête : Abattoir 5 (éditée par Elda ♥) ; films 284 à 290 de 2018
Lundi : Camille Claudel (Bruno Nuytten, 1988) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
Camille Claudel, une de ces artistes qu’on admire au travers du voile d’erreurs que leur douleur leur a fait commettre. Difficile de « statuer » sur une forme préférable de film biographique. Nuytten choisit d’y placer sa compagne Isabelle Adjani et de prendre une partie de l’histoire à l’envers : son personnage est tout entier constitué dès qu’on s’attelle à son histoire, de sorte qu’on est un peu précipités dans la relation de l’artiste avec Rodin, comme si leur œuvre était banale et leurs personnes accessibles. Des effets qui sont entretenus et qu’il eut mieux fait d’attribuer à leur création sur le long terme.
Persistant dans la non contextualisation rendant le défilement des années invisible et monotone, Nuytten s’attache toutefois la crédibilité d’Adjani, troublante de sincérité dans une maladie qu’on ne nomme pas et qu’on condamne sans étudier, à la façon de l’époque. Alain Cuny aussi est captivant dans son interprétation d’un père dont les erreurs à l’écran sont bien dosées (son expérience de rôles claudeliens – frère – est presque palpable) ; sa diction d’une voix qui souffle imprime à la fois peine et impression dans un scénario qui, au moins, a le soin de sa propre évolution.
Dommage cependant que les rebondissements paraissent s’excuser d’exister. On croirait sentir une hésitation sur l’écriture, avec Depardieu qui s’éclipse un peu trop vite, le mal qui frappe non seulement sans prévenir mais sans s’expliquer, et les petites gaffes de jeu qui sont présentes au début mais pas à la fin. Par contre, le fil n’est clairement pas vide de son sujet, la sculpture, et l’on en sera ravi. Quelle discipline mieux que le cinéma peut traduire le deuxième art et ses formes immobiles qui ne s’expriment que par le mouvement de son observation ? Ça, Nuytten l’a bien compris.
Mardi : Coup de foudre à Notting Hill (Roger Michell, 1999) « Thématique : Julia Roberts »* |
La niaiserie des titres français, le retour. C’était très bien, ”Notting Hill”. A hill that has notting to do with Beverly’s. Le coup de foudre est un mot trop violent pour un concept trop violent : le film est si doux, en fait, qu’il préfère se laisser guider par la personnalité de Hugh Grant et ses charmants idiotismes : blimey! Oopsie daisies! L’écrivain du scénario promettait à Roberts la meilleure comédie romantique qu’elle ait pu lire, et n’y est-il pas arrivé ? Le contraste américano-britannique se reflète dans la condition des personnages sans abus, comme un regard qu’on échange.
Même dans les dialogues, l’alternance convenue entre gaieté et gravité est cernée par des silences lourds de sens et pourtant très longs. Que de la douceur. Et même si l’impression a posteriori nous fait douter, il n’y a pas vraiment de perte de vitesse. Il n’y a pas de vitesses tout court, d’ailleurs. L’histoire s’assemble comme par magie autour d’un humour qui nous guette toujours espièglement au détour d’un mur, et de la mise en abyme de la star qu’impose le personnage d’Anna Scott à Julia Roberts. Car oui, elle joue son propre rôle de vedette hollywoodienne, et elle n’aurait pas joué les dythirambes du scénariste si elle ne s’y reconnaissait pas. Toute l’astuce consiste à faire de Roberts ce qu’elle est déjà, tandis que Grant va être engoncé dans ses manières, son accent, et son rôle juste un peu étroit.
Un choc thermique qui ne pouvait qu’étinceler, surtout à la lumière d’un compromis bien trouvé entre ce qu’attend le spectateur et l’honnêteté qui suinte de sa conception pourtant commerciale.
Mercredi : New York ne répond plus (Robert Clouse, 1975) « Thématique : Max von Sydow »* |
Cinq ans après Hercule à New York qui lança la carrière de Schwarzenegger dans le registre de l’horreur, c’est à Yul Brynner que revient cette fois la tâche de jouer le costaud qu’on envoie dans la Grosse Pomme et dans le futur. Une pomme toujours véreuse qui s’essaye à récupérer le succès de Von Sydow dans L’Exorciste sans parvenir à en reproduire la moindre saveur. Pas grand chose à dire sur les décors signés Burbank (on n’est pas sur une qualité Truman et Clouse n’est certainement pas le « vrai homme » de la situation) évoquant çà et là une atmosphère d’apocalypse potable. On se prend d’attachement pour cette grille qui ferme le camp… On ne peut pas en dire autant des personnages.
Quant au jeu des deux stars, impossible de juger : l’un taiseux et impassible, l’autre doublé avec une voix sans talent ni de souci pour la propreté de la synchronisation (et oui, que voulez-vous, même la VO de ce genre d’expériences s’exporte mal). Pas de scénario non plus, juste un cadre. « Camp de survie cherche guerrier pour le défendre ». Sans même prendre le temps de dire « Yul », voilà que Brynner est au premier rang, prêt à exhiber son torse enfumé une scène sur deux. Le voilà investi de la parole (pas trop), d’un sens du devoir sorti de nulle part, et d’une addiction pour des cigares qu’il ne fume pas. Son boulot : faire travailler les cascadeurs, qui sont les travailleurs les plus méritants de ce tournage. Pas comme le compositeur Gil Melle qui nous offre une musique d’une nullité rare, à se demander s’il a tenu le script entre les mains.
L’œuvre se rattrape un peu dans la dernière partie qui est le réceptable d’une empathie attendrissante (le jeu ambigu de Brynner se prêtait bien à ça, au moins). Autre bon point : avoir achevé les souffrances du personnage de Von Sydow dans la scène d’un lynchage qui surestime largement son symbolisme, faisant échapper l’acteur à son destin de finir sur des petites îles, fussent-elles scandinaves ou nord-caroliniennes. Clairement pas l’œuvre du quart de siècle qu’elle entame.
Jeudi : Mauvaise graine (Claudio Caligari, 2015) « Thématique : langue italienne »* |
Étrange de parler d’un film que son réalisateur n’aura pas connu… Caligari n’a pas été prolifique, mais il aura eu le mérite de faire la même chose que les Autres… différemment. Il est improbable que situer l’action d’un film de 2015 dans les années 1990 soit à l’origine de ce brassage, et je n’ai d’ailleurs pas compris ce qui le motivait. Sûrement manqué-je là du recul que le genre n’offre pas.
Non essere cattivo, ”ne pas être méchant”, semble une invitation à ne pas prendre au pied de la lettre les films déprimants qui ne mettent en image que le mal. Et quelque part, le film est trop méthodique dans sa façon de présenter la place de la drogue, puis d’expliquer les liens entre les personnages. Liens qui se tisseront d’ailleurs tout seuls plus tard, sans que les protagonistes y soient pour quelque chose. Mais c’est presque une belle ambiance que le cinéaste forme autour de la crasse banlieusarde dont la drogue tient lieu de monnaie en place d’une lire inflationnée, et où les chantiers sont le Saint-Graal de ceux à qui l’on a ouvert les yeux.
Presque, parce que le mal a encore trop sa place, et c’est une chose que je supporte mal dans les drames. Aucune comédie n’est entièrement comique, alors pourquoi les drames peuvent-ils n’être que dramatiques ? Mais c’est un moindre mal chez Caligari qui fait de l’amitié autre chose qu’un symbole et de la mort autre chose qu’une fatalité ; beau geste d’acceptation de la part d’un homme qui se savait mourant. Le titre trouve un écho et du relief ; la drogue aboie mais le drame passe.
Vendredi : Abattoir 5 (George Roy Hill, 1972) « Hors-thématique »* |
J’avais écrit une critique d’Abattoir 5 du temps où la médiocrité de mon style n’était pas relativisable. Maintenant qu’elle l’est, je suis content de pouvoir dire la même chose : ce film est un chef-d’œuvre ignoré. Adoptant avec une jubilation visible la chronologie non standard de l’ouvrage de Vonnegut, Roy Hill s’en donne à cœur joie : métaphores visuelles, parallèles… un escalier d’abri antiaérien ou un escalier de maison, le couloir d’un hôpital ”moderne” ou celui d’un inquiétant bâtiment militaire… Rien ne le trahit si ce n’est l’époque. Les va-et-vients temporels adoptent naturellement le rythme d’un gimmick, et le tout est si sobre qu’on n’a pas besoin de se casser la tête pour les comprendre. Pas cher et pas bourré d’effets visuels, Abattoir 5 puise sa ressource dans un casting qui n’a pas à pâlir, sauf dans le cas du personnage principal quand il est vieillit (pas très bien d’ailleurs). Fantasmagorique et envoûtant, c’est le genre d’œuvre qui vieillit bien et mal à la fois, et quelle meilleure nature pour un film qui veut se jouer poétiquement du passage du temps ?
Samedi : Let It Be (Michael Lindsay-Hogg, 1970) « Thématique : film musical »* |
Difficile de trouver bon un film qui ne devait pas en être un. Let It Be est ce qu’on appellerait de nos jours un troll : une représentation improvisée sur un toit, filmée à la va-vite, qui a déçu les Beatles parce qu’ils n’ont pas été embarqués par la police à la fin. Le résultat se serait appelé « John et Yoko » si le montage n’avait pas retiré une partie énorme avec le célèbre couple à l’écran. Montage qui ne se gêne pas pour garder des plans sans rien, ou des séquences peu révélatrices des actions de police, pour selon que les prises étaient multiples. Le film est sorti dans un intérêt purement financier, et ce n’est pas la qualité du concert (« qualité », dans tous les sens du terme) ni la bisbille beatlesienne montante qui rend le film ”quelque chose”. Il puise sa force dans une rupture imminente du groupe qu’il semble mettre en pause en surprenant les disputes ; d’autre part, il acquiert là un côté révélateur qui en fait un documentaire. Et puis il y a les chansons. Mais cinématographiquement, il n’y a pas grand chose.
Dimanche : Le Festin de Babette (Gabriel Axel, 1987) « Hors-thématique »* |
On n’en voudra qu’à peine au réalisateur d’avoir transposé le roman, se passant en Norvège, dans son Danemark natal. La langue est belle (ah le son du brød) et l’adaptation presque aussi littéraire. Avec en bonus un formidable casting qui est bien loin d’avoir été restreint aux visages, ou à la personnalité, ou à la prestance. Pourtant tous ont les trois à la fois ! Ça reste une création un peu trop extranationale pour Audran qui peine à exsuder son rôle, mais tout nous porte à croire que les hésitations initiales ont été compensées tant le naturel de son rôle est bien assis en conclusion du film.
Peut-être est-ce cela aussi qui nous fait passer à côté de la poésie ; les fils devant se tisser entre quelques scènes sont bien là, mais ils installent un côté vaguement jubilatoire qui ne paraît pas volontaire. Et cela de telle sorte que les révélations successives deviennent assez fades – c’est le comble pour un festin ! Mais heureusement, on a de quoi se mettre sous la dent entre la douce dérision de dévots qu’on a la douceur de ne pas moquer, et la bonté qu’on étale sur des protagonistes au charme incomparable. On associe religion et gourmandise, bonnes manières et frusterie, campagnes et généraux comme des pièces de puzzle finissant par obtenir une place de choix… de premier choix !
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.