Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.
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Sommaire cliquable
Tenue de soirée (Bertrand Blier, 1986)
Le Mariage de mon meilleur ami (P.J. Hogan, 1997)
Une Passion (Ingmar Bergman, 1969)
Marchand de rêves (Giuseppe Tornatore, 1995)
L’Éclair noir (Dmitriy Kiselev, Aleksandr Voytinskiy, 2009)
Woodstock (Michael Wadleigh, 1970)
Hunger Games: La révolte – 1ère partie (Francis Lawrence, 2014)
Image d’en-tête : Woodstock ; films 271 à 277 de 2018
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Lundi : Tenue de soirée(Bertrand Blier, 1986) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
Bertrand Blier, fidèle à lui-même comme s’il n’avait pas la moindre pensée pour ce style ayant voulu sa notoriété. Blier, et toujours son mot ou son geste qui choque. Depardieu, Michel Blanc et Miou-Miou absolument parfaits dans leurs rôles androgynes semblant se faire l’aveu de tabous jamais démystifiés. Une histoire qu’on a dotée de textes fameux, qui seraient riches en répliques cultes si lesdites seyaient à dîner. Une histoire, par contre, qui soulève des questions un peu frustes ; d’habitude, derrière le champ lexical ithyphallique du réalisateur se cachent des interrogations sociales, mais on est bloqué à se questionner sur la sexualité de ses personnages. Et c’est à peu près tout. La morale est une digne revendication égalitaire – qui parle et agit –, mais il nous manque le comique et la satisfaction d’une conclusion dépassant au moins métaphoriquement la stature d’un Depardieu grassouillant.
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Mardi : Le Mariage de mon meilleur ami(P.J. Hogan, 1997) « Thématique : Julia Roberts »* |
Normalement, l’utilisation du juron anglais « f*ck » dans un cadre sexuel vaut à un film d’être Restricted (R), or My Best Friend’s Wedding est PG-13. Si je mentionne ce détail, c’est qu’il détonne dans l’histoire et nous fait lever le cil ; non qu’on en ait besoin pour éviter de dormir devant, d’ailleurs ! Mais je trouve que c’est la parfaite illustration des petites trahisons peuplant le film, ces piques inattendues qui déversent presque involontairement leur humour et maintiennent nos paupières grandes ouvertes.
Je parle de scènes toutes bêtes, où la prévisibilité inévitable de personnages faits pour qu’on s’y attache ne laisse absolument pas prévoir le micro-rebondissement qu’elles abritent. À croire que « jouer », dans l’idée de P.J. Hogan, c’est être honnête même dans la fausseté. Une crédibilité-ception à laquelle se prête excellement Julia Roberts, mais Rupert Everett encore plus, dans son rôle sur mesure d’ami homo manucuré modeste et marrant ! Il campe l’amitié dans une œuvre où l’amitié a dressé le camp, alimenté par un texte des plus admirables et même par des cascades – elles tiennent plus de l’Hudson que de Niagara, mais elles ont le mérite d’être là et de perler l’histoire de leurs drôles éclaboussures.
En résumé, une comédie romantique qui sait où situer sa douceur, rococo sans en faire trop, vaudeville mais sans forçage, et un peu insolente dans les interprétations peu orthodoxes vers lesquelles elle nous guide… Un regret cependant, la volonté qui a taillé dans Roberts un personnage « méchant gentil » plutôt que « gentil méchant », un personnage dont les travers sont un peu trop graves pour être excusés par la fiction. Et puis Cameron Diaz, quoique pétillante, est une potiche plus qu’elle ne passe pour telle. Sans doute de quoi déboussoler les vrais romantiques, mais un bon rafraîchissement pour le cinéphile comme – j’en suis sûr – pour bien d’autres.
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Mercredi : Une Passion(Ingmar Bergman, 1969) « Thématique : Max von Sydow »* |
J’ai trouvé qu’en d’abandonnant à la couleur, Bergman a enlevé celle des joues de ses personnages, que son époque en noir et blanc rendait mieux. Et puis j’ai trouvé qu’il s’est laissé à l’égocentrisme ; filmé sur son île de Fårö, avec ses acteurs fétiches, et son ancienne amante Liv Ullman, le réalisateur semble nous rejouer un épisode de sa vie qui était oubliable pour tout le monde.
Je n’ai pu trouver aucune interprétation possible aux textes abscons qui s’étirent en longueur, ni aucune explication aux plans dédiés à des micro-interviews des acteurs. J’ai juste eu le sentiment qu’il tentait déséspérément de donner de la substance à un film conçu avec une inspiration mollassonne en faisant réciter aux acteurs des lignes supposément personnelles mais évidemment scriptées. En fait de crédibiliser le tout, entendre de Von Sydow que la difficulté de son personnage, en tant qu’acteur, est de ne laisser transparaître aucune émotion, l’entendre dire ça ne fait qu’alimenter ma colère et mon ennui, d’autant que c’est en réalité un de ses rôles les plus expressifs et variés jusqu’à présent.
Bergman reste un vrai homme de Lumière dont j’apprécie les créations les plus molles, mais je n’ai, cette fois, pas trouvé le potentiel séducteur de ses champs et contrechamps saccadés, de ses plans caméra à la main puis fixés, ni de sa scène peinte du rouge pétant et surnaturel du soleil couchant, même si elle est très belle. L’œuvre a le mérite de se remplir d’un amour humain patatoïde et alléchant, mais l’intérêt du fond est aussi appétissante qu’une frite réchauffée, contemplée par Bergman comme une Calypso masculine qui n’a ni le soleil ni le propos de sa mythologie.
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Jeudi : Marchand de rêves(Giuseppe Tornatore, 1995) « Thématique : langue italienne »* |
Tornatore s’est rendu dans l’Italie profonde pour réaliser cette merveille. Un film si bon qu’en parlant de cinéma, il devient autobiographique de cet art. S’imaginant dans une Sicile d’après-guerre toujours ennemie de la réunification mais qui n’assume en rien d’être échauffée par le soleil, la misère et la mafia, il situe Sergio Castellitto dans un rôle parfait renfermant fermement son secret, qui va tout naturellement devenir le lien entre le spectateur et ce qu’il contemple.
Techniquement au poil, L’Uomo delle Stelle est une comédie vraiment drôle, pleine de facétie, qui ne se moque de personne parce qu’elle se moque de tout le monde, faisant rentrer l’arnaque dans son propre rôle à plusieurs niveaux qu’il serait spoilant mais enrichissant de contempler. Les personnages passent et ne se ressemblent pas, faisant fonctionner une machinerie qui va loin avec le carburant de la langue et de la culture siciliennes. Il y a quelques ventres mous qui laissent à voir la gaucherie d’un personnage principal jamais tout à fait satisfaisant… mais n’est-ce pas fait pour ?
C’est presque un film à sketches, qui évolue avec rapidité mais avec grâce de chapitre en chapitre, de personne en personne, d’acteurs touchants à des acteurs comiques, sans jamais trahir de partialité. Vraiment plein d’émotion, on regrette juste parfois que chaque séquence ait dû être limitée en durée pour garder un bon rythme, mais on se rendra compte que la densité du contrecoup en dialogues de qualité (ah ce que l’on perd de ne parler italien maternellement !) et en cadrages bien facturés vaut bien le coup.
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Vendredi : L’Éclair noir(Dmitriy Kiselev, Aleksandr Voytinskiy, 2009) « Thématique : langue russe »* |
En sa qualité de premier film de super-héros russe, L’Éclair noir est unique à la Russie… mais pas au monde. Et l’arrivée du pays dans le genre (ou du genre dans le pays) va se faire dans la douceur d’une imitation bien vue, mais aussi dans la douleur d’une imitation… qui en est une.
Dans la douceur parce que c’est distrayant. C’est du spectacle visuellement plaisant et qui émoustille l’imagination d’une façon que l’Occident ne connaît pas. Parce que les Russes font leurs films à leur sauce, à moins qu’elle ne soit importée ? Le cadre d’une gentille famille, une belle voiture de la Mère Patrie, le symbole des trois ivrognes qui quittent leur vice pour le chemin de la droiture ; un genre de propagande financée à grands coups de la marque Mentos qu’on affiche sans honte à plusieurs reprises et avec toute la manière anti-cinématographique d’un spot publicitaire.
Outre cela, on se dépêche d’évacuer une introduction avec un montage à l’efficacité kolkhozienne pour nous présenter la magie de l’iPhone. Vous vous demandez peut-être ce que cela fout dans ma critique, mais je me demande, moi, ce que ça foutait dans le film, ce personnage principal aux allures, lui aussi, de sponsor. Peut-être Marx avait-il promis un iPhone à tout moujik, cet outil merveilleux permettant à la populatsya d’accéder librement à son Petit eBook Rouge. La surprise est de taille lorsque la belle voiture de la Mère Patrie décolle vers l’infini et au-delà, littéralement dans le ciel, comme pour battre les Américains à la course « en » Espace. Ou peut-être que c’est la course à l’absurde ?
On hésite à comprendre que c’est le spectacle ou l’humour qui est censé prendre le volant, mais je suis arrivé, pour ma part, à oublier que la supervoiture renfermait un héros à la classe inexistante, tout juste digne de l’épithète ridicule de Flowerman, parce que j’ai réussi à trouver la raison de cet espèce de комiк porté à l’image, instrumentalisant la technologie comme du temps où les ingénieurs n’avaient pas inventé la guerre tiède. Car si l’imitation est avouée, sa manière n’est pas un plagiat ; le scénario est un vrai hybride oriento-occidental tel que celui dont nous a régalé Megerdichev pour Dark Fantasy (Тёмный Мир) un an après, et l’utilisation du set-up / payback se voulant l’apanage des auto-références du scénario à sa propre intelligence est telle qu’on ne peut la qualifier d’outrancière ou mal inspirée, car elle alimente vraiment le scénario de ses empreintes en forme de clins d’œil. La niaiserie des plans aériens finit par se prendre au sérieux – notamment grâce à la cinquième rouble du carosse que constitue la bienveillante production de la Universal – de sorte que le surplus vient à surplaire.
Finalement, je crois que le cinéma russe ne pouvait guère admettre plus esthétiquement ni de manière plus divertissante que les blockbusters sont une bonne chose, mais l’hypocrisie survit ; je crois que c’est dans l’interprétation à l’endroit de cette erreur qui détermine fondamentalement si l’on en aime le produit ou non.
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Samedi : Woodstock(Michael Wadleigh, 1970) « Thématique : film musical »* |
Woodstock est le plus merveilleux documentaire ; tourné à chaud dans un festival qui est encore un moment dans l’ignorance de son fabuleux succès à venir, il est réalisé avec un professionnalisme épatant qui arrive à tirer l’éloquence d’un troupeau de jeunes. Abondamment entrecoupé de précieuses séquences musicales authentiques, il décompose avec brio ses passages documentaires en chapitres que, comme incidemment, les artistes viennent rythmer. Révélateur de l’organisation du festival aussi bien que de la situation de la guerre du Viêt Nam ou du statut du mouvement hippie, miroir aussi bien personnel que massif d’un évènement dépassant toute mesure, il est tout juste impudique comme il faut pour faire comprendre au spectateur que les mœurs sont menées en bateau par les 450 000 libertaires herbomanes qui composent la chose. Admirable !
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Dimanche : Hunger Games: La révolte – 1ère partie(Francis Lawrence, 2014) « Hors-thématique »* |
Ça y est, le troisième épisode est le ventre mou de la série Hunger Games. D’entrée moins engageant avec l’atmosphère désespérée qu’il tente de cultiver, il rend radoteur le jeu de Jennifer Lawrence. Mauvaise nouvelle aussi qu’on s’intéresse à des détails comme le rasage de Donald Sutherland, même si son personnage prend un peu plus de valeur, tout comme certains aspects déjà cultivés auparavant. Les deux premiers films étaient si riches qu’il reste de la ressource à employer, par exemple les vêtements, dont l’absence se fait bénéfiquement ressentir dans un luxe réduit à l’agonie. Mais réduire les aspects du film à l’agonie, même intelligemment, nous fait ressentir une frustration que la partie 2 du film est bien évidemment là pour assouvir ; une pratique qui aurait pu être améliorée et qui est criticable en soi.
On notera l’énième scène de chasse de l’héroïne, qui est son énième scène de non-tuerie animale ; une mièvrerie que le film arrive à reproduire en une maturité qui grandit avec patience. Signe que globalement, ce premier Mockingjay arrive à transformer le manque en espoir, escorté par des dialogues qui trouvent aussi de quoi se renouveler dans le mélange de la politique et du familial. Et puis il y a toujours une utilisation à couper le souffle des caméras de télévision ; je suis toujours soufflé par le génie avec lequel les médias sont intégrés à l’histoire.
Mais les carcans, trop longtemps retenus, s’échappent de leur cage : le sacrifice, le désespoir bien récompensé, et même les rebondissements s’abandonnent à l’obéissance opacifié d’un scénario et d’acteurs s’étant habitués à porter les symboles d’HG sur les épaules. C’est un troisième film sur la guerre finalement déclenchée qui n’a pas la maîtrise de Matrix. À se demander si l’idée d’un double film apporte vraiment quelque chose.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.
Le réal de Woodstock pouvait aussi compter sur l’excellent monteur du nom Scorsese. Wadleigh est aussi l’auteur du shamaniste « wolfen », pour les lycanthropes amateurs.
Effectivement, une info de taille !
[…] sait aussi l’écraser sous le roulement oppressant des acteurs où, à la manière de L’Éclair Noir, c’est la manière de présenter le propos qui se met à primer sur ce […]