Image d’en-tête : La Fille qui en savait trop; films 15 à 18 de 2018
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Lundi : Vincent, François, Paul et les autres(Claude Sautet, 1974) « Thématique : Gérard Depardieu»* |
Tous ces noms, il est difficile de garder à l’esprit qu’il s’agit d’autant d’acteurs. Derrière chacun de ces personnages à qui l’ont prête un caractère, il y a une toute autre personne que le tournage efface au moins en partie.
Pourtant l’œuvre part sur une base simple : une tranche de vie truffée de problèmes pour tout le monde, dont les rebondissements vont être comme autogénérés à la force des interactions entre les protagonistes. Toutefois, il y a un thème fort : comment continuer la vie une fois qu’on en a usé la moitié. Une disposition qui lui vaut les faveurs du public, quoique, ainsi que le fait remarquer un critique amateur anglophone, il soit très androcentré, tel d’ailleurs que l’annonce le titre.
Cela lui confère une certaine unidimensionalité dérangeante, avec des dialogues irréguliers en qualité, qui peuvent soudain se transformer depuis un bouche-trou informe en réflexion intéressante à ne pas louper. Même chose pour la musique et le décorum : orage, incendie, re-orage, ils sont des phénomènes normaux passant ici pour des gêneurs. Au spectateur de faire l’effort de s’accrocher, un effort énormément amoindri par la prestation du casting, que Montand tout seul éclipse par son temps à l’écran et son honnêteté dans le jeu.
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Mardi : Finding Neverland(Marc Forster, 2004) « Thématique : Dustin Hoffmann »* |
Finding Neverland est un semi-biopic sur l’auteur de Peter Pan, J. M. Barrie, se concentrant sur les moments de sa vie ayant conduits à son écriture. C’est surtout un travail de reconstitution historique qui, à la manière de la version moderne de La Machine à explorer le temps (Simon Wells, 2002), sait mettre les efforts où il faut pour replonger le spectateur dans l’antan. Mais c’est aussi une segmentation assez piètre de moments importants, qui avance trop vite dans son introduction de telle sorte que les attaches affectives avec les protagonistes lésés (comme la femme de l’auteur) sont inexistantes.
Ce ne sont pas les acteurs qui vont forcer le courant à passer ; la performance de Johnny Depp est correcte mais celle de Kate Winslet ou Freddie Highmore, des interprétateurs sensationnels en temps normal, est comme étouffée par quelque manque de caractère, de piment derrière la caméra. On remarque à peine Hoffmann malgré les piques amusantes qui jalonnent son peu de temps à l’écran.
De manière générale, cette œuvre traite de Peter Pan avec le même lot de manichéisme mal placé et de naïveté dans la mise en scène que la pièce elle-même. Naïveté qui n’est bien entendu pas forcément négative, mais qui l’est en l’état, au vu des détails susmentionnés. C’est joliment graphique mais le propos paraît hors de lui-même.
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Jeudi : La fille qui en savait trop(Mario Bava, 1963) « Thématique : langue italienne »* |
Cette œuvre montre comment prendre le contrepied du néo-noir italien. En fait de noir, elle est lumineuse et c’est là que les comparaisons s’emballent : d’une part parce qu’elle se veut cousue de mystère et le résoud sans chercher à confondre le spectateur, et d’autre part parce que le réalisateur était aussi technicien et s’occupait de l’éclairage. L’aurait-on raté au générique, son rôle n’en serait pas moins resté évident : l’homme sait jouer sur le dichromatique pour faire fleurir la beauté dans la simplicité d’un contraste. Mettant en scène une ragazza américaine (dans l’histoire tout du moins car l’actrice est italienne), le film avoue ailleurs ses influences américanophiles : il est exactement ce qu’on attendrait d’un Hitchcock à l’italienne avec une intrigue à la manière d’Agatha Christie. Dommage par contre – mais c’était le lot de l’époque – que le jeu d’acteurs se soit voulu encore si lyrique et la progression de l’histoire ambiguë : horreur, drame, horreur, des touches de comédie… C’est hésitant, au mieux monotone.
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Dimanche : Le Journal d’une femme de chambre(Luis Buñuel, 1964) « Thématique : Luis Buñuel»* |
Pour son premier film francophone, Buñuel signe une adaptation littéraire dans le ton du livre. Ses personnages sont hauts en couleurs comme le sont généralement les personnages de livres. Tous les liens qui sont formés sont du même ordre, de sorte qu’on a parfois envie de pouvoir tourner les pages à sa guise plutôt que d’être à la merci du défilement imagier. Les revendications aussi sont livresques, quoique le réalisateur ait ici profité de celles étant déjà présentes pour glisser les siennes, et c’est là que la cohérence en souffre ; les situations sont parfaites, les messages cachés comme il faut, mais on a trop tendance à chercher le sens derrière chacune des scènes sans profiter de leur seule beauté. Ce serait la faute du spectateur si la fin n’était pas portée disparue, confirmant une sorte d’opportunisme mal placé.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.