Dans l’hebdo de cette semaine : La Femme gauchère (Peter Handke, 1978), Astérix et la surprise de César (Paul Brizzi, Gaëttan Brizzi, 1985), Good Morning Babilonia (Paolo Taviani, Vittorio Taviani, 1987), Pastorali (Otar Iosseliani, 1975), Match d’amour (Busby Berkeley, 1949), I, Robot (Alex Proyas, 2004).
Désolé pour le léger retard ! C’est un hebdo à six films assez équilibré, avec des bonnes surprises le lundi et le jeudi.
(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression de ne pas être seul. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », laissez un commentaire, voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)
Image d’en-tête : Good Morning Babilonia ; films 74 à 79 de 2018
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Lundi : La Femme gauchère(Peter Handke, 1978) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
Que Depardieu fasse un caméo dans ce film est presque sans signification, pourtant son esquisse d’un personnage nationaliste et bilingue (mais français-anglais, pas allemand-français) porte tellement de sens pour une seule image que ça donne le tournis. Et c’est un peu comme ça que fonctionne tout le film.
On est d’abord plongé dans la confusion, conduit à ne pas être sûr de ce qui se passe. Un bon moyen de dégrossir la nature pourtant éminemment plus subtile de l’œuvre. Pour arriver à son but, Handke va nous inonder de raccords (dont on pourrait facilement croire qu’ils sont « faux » s’ils ne répétaient pas souvent leur procédé de micro-saut dans le temps… ou alors le réalisateur était vraiment très inattentif ?). et saturer l’environnement sonore là où c’est notre seul indice pour la compréhension globale.
L’univers qui nous est alors présenté à travers sa caméra est celui d’une vie austère, mal équilibrée, où des inserts à vocation purement graphique (l’arc-en-ciel, la Lune…) sont tout ce qu’on a pour s’accrocher à quelque beauté. Handke n’a plus qu’à laisser les images répondre, mesurant que les mots sont leurs équivalents, tandis qu’il place les uns et les autres au rang de thèmes : langues, traduction… écriture.
À tout cela s’ajoute la force d’un casting qui fait semblant d’avoir vingt ans d’avance, ce qu’on ressent même dans le naturel des enfants. Cela ménage à l’œuvre une grande place pour la métaphore et le figuratif qui passent du coup comme des lettres à la Post. On est laissé avec une indécision grave : est-ce misogyne de présenter la femme comme objet de la volonté masculine ? Est-ce que le déclenchement de sa volonté propre, loin d’infirmer cela, confirme au contraire la théorie pour la rendre plus menaçante encore ? C’est effrayant de voir à quel point Handke manipule l’opinion du spectateur à son insu. Comme quoi l’art a du pouvoir, et qu’il faut s’en méfier.
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Mercredi : Astérix et la surprise de César(Paul Brizzi, Gaëttan Brizzi, 1985) « Thématique : Astérix (animés) »* |
Deux adaptations en une : Astérix légionnaire et Astérix gladiateur. Un choix qui ouvre l’opus à un traitement beaucoup plus filmique qu’à l’ordinaire, ce qui se ressent dès le début par le fait qu’il y a une chanson thématique et que l’animation y est beaucoup plus débridée. Mise de côté la qualité de l’une comme de l’autre, ce sont des bonnes idées. Les deux BD condensées dans le film lui permettent d’être légitimement qualifié de long métrage, mais il aurait fallu leur être moins fidèle pour revendiquer l’inédit, ou alors plus pour justifier le massacre. À noter pourtant que les ajouts propres au film (l’abeille et la petite histoire d’Idéfix et de la potion, vous comprendrez si vous le voyez) sont plutôt intelligents et bien intégrés. Mais on demeure à la limite de l’acceptable.
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Jeudi : Good Morning Babilonia(Paolo Taviani, Vittorio Taviani, 1987) « Thématique : langue italienne »* |
Good Morning Babilonia est un mélange aigre-doux de bon et de moins bon. Mais n’est-ce pas la recette de tout bon yaourt ? À l’inverse de mes métaphores, le film est loin de démarrer sur les chapeaux de roue, occupé qu’il est à essayer de rendre comestible le mélange d’intimisme italien avec le côté western et grand spectacle des États-Unis. Il y a comme une certaine pudeur à révéler l’un à l’autre, et c’est dans la résignation à le faire que le film va se dévoiler magnifiquement timide.
Il avance du coup avec prudence, au point qu’on n’a plus l’air d’être dans les années 1980 du tournage, mais une large décennie auparavant au niveau de la technique. Cela ne tombe pas trop mal puisque l’histoire se passe pendant la Première Guerre mondiale, ce qui est encore longtemps avant cela, d’autant que l’époque est super bien recréée. C’est simplement qu’on regrette parfois la petitesse des moyens, et qu’on aurait aimé être là pour leur donner ce qu’il fallait. Le plan fixe sur un simili-décor censé représenter New York à travers un hublot, complété par un autre plan fixe sur ledit hublot (image d’en-tête de l’article) dont on ne doute pas qu’il est un tout petit élément de studio… c’est triste à voir, et cela jure avec le soin apporté au reste du tournage américain.
Au deuxième degré se jouent d’innombrables métaphores que l’esprit poète aura joie de dénicher, d’autant qu’elles ne sont guère cachées. Les personnages principaux évoluent dans une insouciance attendrissante qu’on se surprend à considérer comme acquise, mais cet effet est rompu à la fin pour se transformer en une magnifique catharsis, élevant (presque) l’œuvre à l’insu du spectateur au rang d’épopée d’une vie (sans vouloir contraster, citons comme exemple le chef de file du genre, Forrest Gump). Un véritable ensemble de chrysalides qui toutes éclosent pour le mieux.
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Vendredi : Pastorali(Otar Iosseliani, 1975) « Thématique : langue russe »* |
Dans la veine des films géorgiens ruraux, celui-ci ne fait pas exception de style, mais il sait semer la confusion dans ses décors bucoliques monochromes. Il date de 1975, mais on a presque envie d’inverser les deux derniers chiffres avec le visionnage. Le retard technique dont le régime soviétique fait souffrir cette œuvre fait passer les éléments qu’elle dépeint pour très modernes de manière relative, et l’on s’étonnera ainsi de voir des tourne-disques ou des redoutablement efficaces tracteurs à chenilles.
Oui, la chose annonce bien les couleurs : noir et blanc, blason en l’occurrence d’un documentaire sans scénario et bridé par des méconnaisseurs de l’art, qui par insouciance laissent aussi passer, toutefois, ce qui rend Pastorali fort : la spontanéité des acteurs (ce qui est cette fois très fidèle à son temps) et un tournage honorable en conditions réelles, de quoi moudre un grain plein de l’ivraie de l’ennui mais de quoi pétrir le résultat d’honnêteté dans le ton comme dans la manière. On croirait vraiment y être, dans les orages estivaux des campagnes caucasiennes.
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Samedi : Match d’amour(Busby Berkeley, 1949) « Thématique : film musical »* |
On a tellement l’habitude des comédies musicales américaines qu’on ne pense plus à leur accorder la réflexion qu’elles méritent. Qui aura remarqué que ce film sorti en 1949 se situe vers 1910 ? Certes, l’écart relatif s’amoindrit avec le temps qui passe, et cela n’a de toute manière pas beaucoup d’importante car c’est d’insouciance que sont cousues ces romances, les condamnant à toujours sacrifier quelques points à une trame à jamais usée. C’est sur une idée de Gene Kelly que cet hommage au baseball a vu le jour, ce qui donne au film le triple handicap d’être centré sur son thème et sur son pays, et en plus d’avoir beaucoup vieilli. Et du fait qu’une grande partie des visionneurs souffriront au moins d’un des trois, on ne peut là non plus laisser l’œuvre s’en tirer sans la perte de quelques points. Il n’y a pas franchement de coup d’éclat et rien qui puisse sortir les acteurs de leurs carcans, juste un gentil film vaguement musical qui visite et dévore le thème du sport.
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Dimanche : I, Robot(Alex Proyas, 2004) « Hors-thématique »* |
Voyez la critique détaillée ici.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.