Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.
Dans l’hebdo de cette semaine : Rosy la Bourrasque (Mario Monicelli, 1980), The Program (Stephen Frears, 2015), Le septième Sceau (Ingmar Bergman, 1957), Je suis un autarcique (Nanni Moretti, 1978), Hitler est kaput (Marius Waisberg, 2008).
Stats :
- cet hebdo contient 5 films
- dont l’année de sortie moyenne est 1989
- que j’ai critiqués à hauteur de 4,2/10
- et appréciés à hauteur de 4,8/0.
(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression de ne pas être seul. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », laissez un commentaire, voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)
Image d’en-tête : Hitler est kaput ; films 149 à 153 de 2018
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Lundi : Rosy la Bourrasque(Mario Monicelli, 1980) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
Rosy la Bourrasque, c’est cette espèce de mélange bizarre de cinéma italien, d’acteurs français et américains, le tout dans un goût qui veut suprendre, et qui en cela s’apparente à de la fausse importation d’outre-mer. Difficile de l’obtenir autrement qu’en qualité VHS, et encore, c’est sans compter la postsynchronisation absolument affreuse (qui est aussi un doublage, comme on peut s’en douter au vu de l’internationalité du casting).
On ne parle donc pas d’une collaboration bien fructueuse. L’histoire est correcte (une romance sans clichés autour du thème pour le moins original du catch féminin, ça donne forcément lieu à un résultat intéressant) mais n’évolue de façon linéaire dans aucune direction particulière, ce qui rend bien difficile de s’en faire un avis… a fortiori un avis positif. On en sort amusé, diverti, pas choqué ni déçu, mais sans savoir ce qu’on a voulu nous montrer au juste.
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Mardi : The Program(Stephen Frears, 2015) « Thématique : Dustin Hoffman »* |
The Program est un film qui présente assez peu l’apparence d’un documentaire, mais c’est ce qu’il est dans ses tréfonds. Il drogue d’abord le spectateur de scènes très belles sur le cyclisme, avec une voix off térébrante et des images historiques bien intégrées. Mais certaines pubs sont aussi bien réalisées que ça aussi.
Goût et arrière-goût se confondent bientôt avec amertume : derrière la beauté se cache un discours qui se veut moralisateur mais qui ne fait qu’entretenir les polémiques (bizarrement, c’est aussi la définition du trollage sur Internet). D’un côté, c’est un film qui montre avec une honnêteté patrie-cide que les États-Unis assument la triche de Lance Armstrong. De plus, celui-ci est encore vivant et l’on se demande quel effet ça lui aura fait de voir ce film ou de faire semblant qu’il n’existait pas ; mine de rien, cela joue dans l’audace d’une telle création, et ne peut être ignoré dans la critique qu’on en fait.
Mais d’un autre côté, The Program tient trop à rétablir une soi-disant « vérité » qui devient du coup extrêmement manichéenne… et donc faussée. Le film nous dit « voyez-vous, Armstrong se dopait ; c’était un tricheur, un menteur et un mauvais perdant du temps de sa carrière, mais c’était aussi quelqu’un qui avait créé une œuvre caritative et n’hésitait pas à faire don de fortunes à l’avantage de cette dernière ». À présenter les choses comme ça, il faut bien le dire, Armstrong nous semble un homme encore plus basique et méchant qu’avant le visionnage du film, parce qu’il ajoute la dimension hypocrite du personnage.
Bref, comme beaucoup de films avec un aspect documentaire, The Program est plutôt raté. Et il le serait carrément s’il n’était pas vibrant avec deux bouts de ficelle dans les quelques scènes sportives qu’il nous donne à voir. Mais il ne joue pas cette carte, se contente de monter en puissance jusqu’à une fin très plate. On en vient à regretter l’hypothétique biopic dont l’idée à été soulevée et qui devait caster Jake Gyllenhaal. Et vu que le sujet se résume à la chanson de Leonard Cohen au générique final « Everybody knows », il n’y a rien pour sauver le film d’une mauvaise note.
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Mercredi : Le septième Sceau(Ingmar Bergman, 1957) « Thématique : Max von Sydow »* |
Le second film de Max von Sydow est aussi son premier grand rôle et l’un des chefs-d’œuvre d’Ingmar Bergman. Le talent des deux hommes dans leur domaine respectif est incontestable, tout comme la réussite du film par les surprises qu’il nous donne : la maîtrise fantasmagorique et transcendentale des éclairages qui rend le réalisateur si reconnaissable à travers les décennies, le jeu au naturel des acteurs, fondé sur de littérales « répliques » puisqu’ils répondent les uns aux autres avec précision et spontanéité, l’amertume si bien écrite des personnages dont le film trace l’histoire presque palpable de la quête agnostique du divin dans une Suède ravagée par la peste… C’est actif et concret.
Il est toutefois malheureux que l’analyse, fut-elle brillante et moderne, ne recèle pas de revendication, de sens propre à l’œuvre auquel on pourrait se raccrocher. Le septième Sceau est comme un Œuf de Fabergé : magnifique en apparence, mais il n’abrite aucune vie. On n’a parfois que la curiosité que le film nous évoque pour le remplir… soi-même. Pour faire une autre comparaison, le film est comme une critique de film : elle est le résultat d’un effort de réflexion et d’analyse mais elle est dénuée du sens dont est dôté l’objet même de l’analyse. Il est dommage qu’un aspect aussi important que celui-ci doive coûter autant de points, mais on est confronté au même problème que le personnage de von Sydow lors du visionnage : comment croire à ce qu’on ne voit pas ?
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Jeudi : Je suis un autarcique(Nanni Moretti, 1978) « Thématique : langue italienne »* |
S’intéresser à cette création de Moretti n’est pas très compliqué, du moment qu’on veut bien voir des personnages discourir de ce qu’ils sont, sans l’être pour autant, pendant quatre-vingt-dix minutes. Et puis le film réussit au moins à être sa propre métaphore ; dans l’histoire, un groupe d’étudiants accouche d’une pièce à coups de ne rien faire et de ne pas savoir quoi dire, et on a l’impression que le résultat s’appelle Je suis un autarcique. Le seul bon acteur est Andrea Pozzi – jouant l’enfant – car c’est le seul à qui l’on a pas pu expliquer que son jeu ne devait rien vouloir dire.
L’œuvre n’a rien pour elle : la post-synchronisation est mauvaise, l’usage de la musique n’aurait pas été différent s’il avait été fait avec inculture (pauvre Supertramp qui se voit coupé après un extrait de trente secondes choisi juste parce qu’il sonnait bien, alors que les paroles n’ont de toute évidence pas été écoutées vu qu’elles n’ont aucun rapport avec la scène ou l’histoire).
Avec tout le respect que je dois à l’art et aux difficultés de se faire connaître, j’ai du mal à considérer que le film mérite un public plus grand que la pièce qu’il dépeint ; quelques amis, quelques barjos, qui se précipitent vers la sortie dès que commence le débat d’après-représentation, n’ayant pour seul honte que d’être le dernier spectateur. Le prénom des acteurs correspond à celui de leurs personnages, et je trouve que ça donne une très bonne idée du degré d’expérimentation que l’œuvre revêt et le degré d’intimité que méritait sa diffusion.
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Vendredi : Hitler est kaput(Marius Waisberg, 2008) « Thématique : langue russe »* |
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Cette comédie russe a des graphiques critiques pour le moins instables sur les sites spécialisés ; du n’importe quoi, du tout ou rien. Et au visionnage, on comprend pourquoi : c’est une parodie de l’absurde qui ne jure que par le bord**ique. De quoi séduire autant que dégoûter. Et l’accroche a intérêt d’être efficace ou bien c’est typiquement le genre de films qu’on coupe avant la fin. Longtemps avant.
En ce qui me concerne, j’ai tout de suite apprécié l’humour, ridiculisant sans être ridicule (si l’on avait eu à faire ce film dans nos contrées, on n’aurait pas hésité à donner dans l’humour potache et digestif). Seul regret à ce propos : la densité. Les scènes sont accélérées et les gags se succèdent frénétiquement, si bien qu’on a peu de temps pour les apprécier.
Mais malgré la fascination que peut exercer le film, on se rendra compte qu’il est en fait morcellé de petits défauts : le scénario se construit au fur et à mesure, constituant son premier bémol. Au moins l’intrigue tient-elle la route jusqu’à la fin, même si elle vacille par moments, comme si la réalisation s’était faite sous l’emprise aigre-douce et fluctuante de quelque substance. Le son est saturé, les bruitages mal synchronisés et trop forts, même si cela ajoute en quelque sorte à la dimension comique. On nous fait souvent le « coup de l’arrière-plan » : les acteurs sont visiblement filmés devant un écran où défile une scène préfilmée.
Le reste est brillant. Un titre original alternatif du film est « Шпион нашего времени » (« Un Espion de notre temps », ma traduction) et cela détaille bien les anachronismes et l’autodérision qui en sont des ingrédients primordiaux. Parsemé d’éléments textuels qui ne perdent même pas de leur lustre sous l’effet du sous-titrage, il est comparable en bien des points à un film que je vais citer (mais ne vous emballez pas, ni le propos ni l’ambiance ne sont les mêmes) : Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (Jean Yanne, 1982). Sauf qu’on est ici deux heures moins le quart avant la défaite allemande. La musique est aussi excellente.
Bref, c’est typiquement le genre de films qu’il faut voir avec une longue expérience de cinéphilie afin d’exorciser au mieux les aspects bêtement rébarbatifs et de savoir trouver les vrais défauts sans se laisser démonter par la saturation de l’œuvre en tout. Non que les personnes qui ont détesté soient pour autant des néophytes ; il est au contraire excessivement aisé d’être soûlé par la grandiloquence hyperactive et souvent dénuée de sens de la chose. Alors malgré le génie permanent qui a abouti a son existence, défauts et exagération conduisent à beaucoup relativiser l’avis critique.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.