Cinébdo – 2018, N° 11 (La dernière Femme, L’incroyable destin de Harold Crick, Astérix le Gaulois, Serenity, Le Miroir, South Park: le film, Apollo 13)


Dans l’hebdo de cette semaine : La dernière Femme (Marco Ferreri, 1976), L’incroyable destin de Harold Crick (Marc Forster, 2009), Astérix le Gaulois (Ray Goossens, 1967), Serenity (Joss Whedon, 2005), Le Miroir (Andreï Tarkovski, 1975), South Park, le film (Trey Parker, 1999), Apollo 13 (Ron Howard, 1995).

Encore un hebdo à sept films, sans excellente surprise, mais avec une bonne moyenne générale.

(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression de ne pas être seul. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », laissez un commentaire, voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)


Image d’en-tête : Titre ;  films 55 à 61 de 2018

c4r2*

Lundi : La dernière Femme

(Marco Ferreri, 1976)

« Thématique : Gérard Depardieu »*

Il faut un certain temps pour rentrer dans cette œuvre, dont il est difficilement compréhensible qu’elle se soit laissée aller au X, qui n’y est même pas un outil cinématographique, et qui sert seulement à établir une sorte d’intimité fade entre le spectateur et le couple. Cela pouvait se faire sans les bribes érotiques dont Marco Ferreri fait usage. De plus, le personnage de Depardieu est présenté comme un égoïste sans nuances, et c’est lourd à supporter comme à comprendre pendant une heure et demi. En fait, le réalisateur emploie ces moyens pour s’ouvrir l’opportunité d’un fort symbolisme final qui va renier toutes les croyances instillées jusque là chez le spectateur. Il ne reste alors qu’à décider si tout ça en valait la peine, mais on tendra le plus souvent à dire que non ; tout un film n’est pas au service de sa fin.


c7r7*

Mardi : L’incroyable destin de Harold Crick

(Marc Forster, 2009)

« Thématique : Dustin Hoffman »*

Un procédé narratif ingénieux, une ironie froide et consciente, un bon film sorti des mains d’un réalisateur relativement jeune acquérant une marginalité chef-d’œuvrale… ajoutez l’aura britannique et l’on est fixé ; rien d’étonnant dans tout ça. Sauf que le film n’est pas si uni ; c’est une boule à neige. Le paysage est cinématographique et attendu, mais Forster, inspiré, l’a secoué et il s’est retrouvé saupoudré des flocons d’un monde littéraire bouillonnant.

Pour replacer les choses dans leur contexte sans (trop) spoiler, voici : le personnage d’un roman prend conscience qu’il fait partie d’un roman. Ce genre d’innovations, par l’arrogance inévitable qui leur est inhérente, a tôt fait de lancer l’histoire au bord du gouffre. Mais c’est sans compter sur un screenplay aussi brillant que le roman fictif précité, qui ne va jamais laisser passer ce procédé pour surutilisé ou négligé.

L’intro est enveloppante, ses éléments bien dosés. Puis l’on saute d’une phase à l’autre comme on sauterait d’une pierre à l’autre sur une rivière avec un danger à ses trousses, et l’on arrive à le fuir ! L’intro se fond en vif du sujet, qui s’avère ne pas être le cœur de l’intrigue puisqu’il y a une sorte de « post-intrigue » et une longue conclusion. Il vient bien un moment où ces tuiles scénaristiques sont disjointes, et l’on se demande où est passée la raison d’être de ce « fantastique destin » : la voix off. Mais la première moitié du film a donné suffisamment d’élan pour qu’on passe au-dessus de cette bosse sans trop de cahots, et ce malgré le personnage de Dustin Hoffman qui a exactement le même défaut que dans son film précédent, Le Parfum : il en sait trop, et il est trop bêtement généreux.

Bref, une véritable diversité digne d’un bon roman, rythmée par des rebondissements de bon goût, comme si les images elles-mêmes étaient faites de lettres en fait de pixels. Tragicomique à l’anglaise, l’aventure de Harold Crick n’est ni vraiment touchante ni vraiment cynique, mais saura faire fondre le spectateur qui fait l’effort du lecteur ; à lui de vivre les lignes, et à lui seul le choix de laisser l’histoire se vivre, ou de la vivre lui. Alors n’ayez pas peur du titre commercial moche !


c3r4*

Mercredi : Astérix le Gaulois

(Ray Goossens, 1967)

« Thématique : Astérix »*

La première adaptation d’Astérix au grand écran avait plus de mauvais que de bon, et elle ne prétendait pas être autre chose puisqu’elle avait d’abord été prévue pour le petit écran. Goscinny et Uderzo n’ont pas eu leur mot à dire et cela se sent. La première moitié du moyen métrage reprend bêtement tous les parangons de la BD et les fait s’enchaîner sans souci de la cohérence. D’un scénario, il n’y a même pas l’ombre d’une trace. Ce sont des bouts de planches montés ensemble qui ont le mérite de faire bouger les personnages pour la première fois, mais c’est tout. C’est une œuvre de pas grand-chose, tout juste bonne à faire bouger la téléspectation de l’époque.


c5r6*

Jeudi : Serenity

(Joss Whedon, 2005)

« Hors-thématique »*

Dans la famille du space operaSerenity constitue un exemple très représentatif mais pas transcendant, et le fait est qu’on ne pouvait guère en attendre plus. Tiré d’une série au grand succès, c’est une adaptation par le même réalisateur. Pas étonnant que, ayant vu la série ou non, le film ait un mauvais arrière-goût de reboot.

On a souvent l’impression qu’il se repose sur ses acquis, et du coup ses personnages et son univers colportent l’impression qu’on regarde un opus de Star Wars ou de Star Trek sans connaître les bases au préalable. Cette nature n’est pas pour dissimuler la nature du scénario d’un space opera : un décor, pas un script. On finit alors par se noyer dans ces espaces interplanétaires remplis de lignes de dialogues un peu faibles, d’effets visuels qui vieillissent déjà mal (le premier Star Wars faisait mieux avec les vaisseaux en rase-mottes) et des blancs que Chiwetel Ejiofor laisse avant le dernier mot de chacune de ses phrases ou presque.

Au global, une œuvre distrayante à ranger dans la catégorie pop corn, aguichante surtout pour ses plans longs et complexes et la chorégraphie qui est un filigrane plaisant des combats. Mais une œuvre aussi qui a trop confiance dans ses lauriers et qui ne sait pas exploiter ses opportunités.


c7r7*

Vendredi : Le Miroir

(Andreï Tarkovski, 1975)

« Thématique : langue russe »*

Si l’art est de la beauté qui a du sens, alors Le Miroir mérite toutes les palmes. Il ne faut en revanche pas s’attendre à trouver le sens en question ; c’est un film complètement inintelligible, comme un poème lu trop vite. Des poèmes l’illustrent, d’ailleurs, lus par l’auteur pendant que les images défilent, telle une métaphore récursive de l’œuvre, incapable de se suivre. Quand elle n’explore pas l’étrangeté opaque de personnages dont il est impossible de se rappeler de scènes à d’autres, elle cède la place à l’esthétisme graphique de plans toujours en mouvement, comme désireux d’être le reflet de leur frère ennemi le scénario.

Beauté et incompréhensibilité, si elles sont encore l’apanage de grands artistes (Arronofsky, ça sonne russe, non ?) ne font pas bon ménage car ils réduisent l’appréciateur au silence, que ce soit en le laissant bouche bée ou en lui dérobant sa sagacité. Parlez de ce film s’il vous faut l’interpréter et partager votre vision (et il est probable que vous ressentirez ce besoin), mais ne défendez pas votre point de vue mordicus, car il sera aussi indéfendable qu’un avis négatif contre ce film l’est.


c7r6*

Samedi : South Park, le film 

(Trey Parker, 1999)

« Thématique : film musical »*

Je préviens que ce film constitue ma première incursion dans le monde de South Park. Cette série est un drôle de compromis ; l’animation permettant de faire passer le gore, la violence et l’obscénité, c’est une idée aussi simple que brillante. On a pour l’animation une indulgence comparable à celle qu’on doit aux enfants qui regardent des programmes qui leur plaisent, quelle qu’en soit la qualité ; or ici, la qualité est bonne et ce sont les adultes qui sont pris pour cible. Le piège est fermé.

On ne peut guère exécrer une œuvre qui se prend si peu au sérieux, car cela rend caducs les commentaires éventuels sur sa potentielle médiocrité ou sur son incorrection. South Park ne se fera haïr que des esprits chastes (mais il est vrai qu’on peut en être facilement choqué, pour des raisons diverses). C’est un concentré de génie, quoique rapide, d’autodérision s’autorisant à mettre en images des éléments très durs ; la mort, la guerre, le racisme, l’obscénité, la grossièreté. Le tout est réduit comme les ingrédients d’une purée dont ne peut que s’amuser de la consistance. L’animation est pauvre ? Le film s’en moque lui-même. C’est trop gore ? Ce n’est qu’animé. C’est choquant ? Mais c’est le but, et drôle avec ça.

Ou comment prendre tous les risques du borderline et en éliminer les parasites avec la puissante arme de l’absurde, tout en laissant un message fort. Choquer, faire rire, puis faire réfléchir à pourquoi on a été choqué, puis à pourquoi on a ri, pourquoi on réfléchit. Une recette parfaite rappellant que tout n’est pas moche qui soit simple.


c6r8*

Dimanche : Apollo 13

(Ron Howard, 1995)

« Hors-thématique »*

Apollo 13, ou l’un des films les plus populaires racontant un rêve qui ne s’est pas réalisé, un peu dans la veine de Titanic sans le grand spectacle et sans puiser dans l’ultra-divertissement de Seul sur Mars. Dans les trois cas, il s’agit d’exploration, d’aventures, de résolution de problèmes. Et la façon dont Ron Howard traite le sujet peut être perçue comme un peu fade au regard de ces géants antérieurs et postérieurs, qui peuvent aujourd’hui regarder Apollo 13 de haut depuis leur panthéon commercial.

Le réalisateur n’a pas fait le choix d’emphaser des moments critiques, alors qu’il est de notoriété publique que le film a « fictionnalisé la réalité à des buts dramatiques », pour citer le générique original. Il y a sûrement un équilibre raté ici, mais ça n’a pas d’importance car la remise en contexte, quoique discrète et intellectuelle, frise la perfection. Des phrases insistant fugacement sur les miracles de la technologie, qui a notamment réussi « à faire tenir un ordinateur dans une seule pièce » (on est en 1970) ou pointant du doigt l’allure de minuscule boîte de conserve fragile et piètre du module d’alunissage, ce sont des choses que même les connaisseurs seront heureux de se voir rappeler, car rarement un film a aussi bien recréé une époque passée, technologique qui plus est, et avec des effets spéciaux cohérents qui vingt-trois ans après n’ont toujours pas à rougir.

L’œuvre se métaphorise très bien par la représentation de Houston ; tous ces hommes derrière leurs consoles, à qui reviennent des tâches fragmentaires sans l’arme informatique. Aucun film d’espace ne met plus l’accent sur ces équipes qui sont accessoires partout ailleurs dans l’histoire du cinéma. N’oublions pas que le tout est emmené par un casting brillant, quoiqu’on puisse là aussi détecter une sorte de fadeur – même chez Tom Hanks ! Mettons ça sur le compte du réalisme.



* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique.  Plus de détails ici.

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