Ah, l’aide humanitaire, quel bien vaste sujet à explorer pour un réalisateur de cinéma. Et pourtant ce n’est pas tout à fait un thème récurrent dans le septième art. Beyond Borders lui rend bien hommage.
Etant quelqu’un de sensible à l’ambiance, à l’atmosphère d’un film, je noterai d’abord l’opposition de l’ambiance des deux milieux : le douillet Londres et le rude pays que les humanitaires doivent aider. Le personnage qu’incarne Clive Owen y est très puissant et touchant, et j’ai vu en lui son propre personnage, preuve d’une grande performance. Visiblement, il croyait en son rôle. Angelina Jolie, en revanche, moins : elle plus aisément hagarde et médusée que lui. Peut-être doit-on le mettre sur le compte de la logique, vu qu’elle va découvrir les rudesses de l’humanitaire mais n’y a pas encore touché.
A défaut de suivre une histoire fluide, le scénario nous offre de voir de somptueux paysages des différents pays réellement visités par les acteurs. Chaque zone a ses points forts et relate les faits d’une manière qui semble fidèle ou tout du moins fascinante d’une façon à chaque fois différente. Il est également très dense en moments très fortement émouvants. Des images choc pour une émotion claire.
La confrontation des deux personnages principaux, si elle tend manifestement (obviously est le bon mot) vers une idylle mièvre et bien américaine, donne à réfléchir. Il s’agit du combat de deux points de vue opposés : le vrai médecin humanitaire doit savoir sacrifier des vies pour d’autres, et la nouvelle recrue, bien que de bonne volonté, fait tout pour sauver le maximum de gens de leur déchéance et de leur pauvreté, aux dépends de la survie de groupe. C’est néanmoins grâce à elle qu’un bébé est sauvé, alors que le docteur, insouciant dans sa colère à cause du manque de subventions, a malencontreusement laissé mourir un enfant à Londres. L’évolution du personnage de Jolie lui permet de mûrir dans son rôle de véritable humanitaire, faisant paraître le médecin moins raisonnable. Lors des rares scènes de calme qui ne se déroulent pas à Londres, les échanges de point de vue ne sont pas rares mais très instructifs. C’est un des leitmotivs du réalisateur puisque les gros plans viennent en force pour appuyer ces duels.
Le film met également en évidence qu’un mariage ne peut pas durer quand un des conjoints vaque à de lointaines occupations. L’entente qui demeure laisse elle aussi pensif.
A chaque endroit que touche l’humanitaire sont associés une couleur et des travers : l’Éthiopie est jaune, le Cambodge vert, la Tchétchénie blanche. C’est simple de faire ce rapprochement, mais on dirait que ces couleurs participent au contraste qui forme une partie de l’âme du film. Par ailleurs, toutes ces zones ont leur forces « du mal » et leur chef, dont on dit qu’ils combattent pour leur peuple : en Éthiopie ce sont des terroristes, au Cambodge, les Khmers Rouges, en Tchétchénie…c’est plus compliqué mais vrai aussi.
La fin, quant à elle, est à couper le souffle. Au deuxième visionnage, on se rend compte qu’on aurait pu la sentir venir au vu des nombreuses mises au point qu’effectue le personnage avant de se rendre à sa dernière mission. Il n’empêche que c’est une fin vraiment puissante.
C’est un film humanitaire, ce qui est assez rare. On rencontre deux oppositions, deux contrastes : celui de points de vue radicalement opposés qui vont se rejoindre, et celui des différentes zones où se rendent les personnages. Il semble fidèle aux faits potentiellement réels, et de ce fait, offre une vision intéressante des réalités de l’humanitaire. La postérité de chacun des personnages, déclenchée par leur mort, dans toutes les cas émouvante, ou tout simplement la fin du film, sont les ingrédients d’une ambiance qui persiste dans l’esprit du spectateur : ça secoue. De beaux paysages et des comparaisons cohérentes : de quoi tout à fait l’apprécier.