Un poème phonétique, de nouveau. Le principe : il n’a que des consonnes fricatives, c’est-à-dire <f,v,s,z,ch,j> (/f,v,s,z,ʃ,ʒ/). Je me suis autorisé toutes les voyelles ainsi que les consonnes approximantes /w,j/, mais je me suis interdit le <r> /ʁ/, bien qu’il soit fricatif, ainsi que l’approximante /l/. C’est une nouvelle expérience oulipesque, une espèce de « super-allitération ».
Crédit illustration : « TWISTED », par vampirekingdom
À foisons et usés, anciens enfants sensés,
Vous faillissez céans, juchant vos choses sues
Au seuil vaillant censé si vivace et osé
Vous faisant juges fins : si ces sujets ont chu…
À essayer ce sens enfiché et sans fin
Je sens mes sens faits fous, se sachant faits enfin
Et via ces fois souillant sagesses et façons
Vous, vicieuses sangsues, envahissez, voyons !
Saisissant – sauf enjeux – ces vieilles failles, fi !
Face aux engins aussi, iceux encens faillissent
Ces fois aisées cent fois, sans chance, sans un sou
Avisés sots ès sciences, à ces faux saints se vouent
Jaugeant soucis chassés, un chiche souhait suffise
Jouez feuilles effacées, cessez avis à vie
Ceux au fusain fusant sans façon cisaillant
Se savent sages et, vus, agissent savants.
Ce genre d’expérience est drôle à écrire et à lire, mais c’est souvent aux dépens du sens. Ce n’est clairement pas mon poème le plus clair, alors voici une « traduction » pour ceux que cela intéresse.
Première strophe : « vous qui étiez jeunes et raisonniez, vous avez changé, et vous vous donnez maintenant le droit de juger l’audace ». Deuxième strophe : « à m’y essayer, je me sens mal, tandis que vous salissez égoïstement le bon sens ». Troisième strophe : « le culte aussi – les encens –, désargenté et hypocrite, peine à lutter contre votre pouvoir technocratique ». Quatrième strophe : « les plus érudits se trompent de conviction et se convainquent d’aller mieux pour le prix d’un souhait qu’ils jettent comme une feuille blanche dans le vide ». Cinquième strophe : « ceux qui écrivent nonchalamment sont les vrais sages et ne s’ignorent pas ; mais pour qui les connaît, ils agissent comme les savants, ceux qui changent ».
Ces gens que je critique, je ne préciserai pas qui ils sont, car je ne le sais pas moi-même. Mais je crois que leur définition est assez claire pour qui veut y voir des personnes en particulier.
En plus de la contrainte personnelle que je me suis imposée, le poème est en alexandrins – presque un sonnet, sauf qu’il a deux vers supplémentaires. En rapport de vers par strophe, l’évolution est harmonieuse : 4 4 3 3 2. Le distique final fonctionne comme une moralité, ce qui m’a séduit quand j’en ai eu l’idée. Cela donne aussi l’illusion (j’ai bien dit l’illusion) que la composition du poème fut facile et que je pouvais me permettre de narguer le classicisme du sonnet en y ajoutant deux vers.
Notez que les rimes des troisième et quatrième strophes sont embrassées à trois (je suis très ouvert, comme gars) : ABCCBA.
C’est fou comme plein de mots simples sont invalidés par la simple suppression des consonnes /m,n,l/. Les articles : perdus. Les possessifs : à la trappe. Les pronoms relatifs : damnés ! Dans l’obligation d’abuser des participes présent, j’ai dû piocher des mots assez rares (« iceux » <3 ) voire dans le néologisme (« foisons » au pluriel pour éviter la liaison avec /n/).
C’est nul ? C’est bien ? C’est drôle ? On s’en fout ? Go commentaire !
C’est une expérience intéressante ! Je vis la poésie comme une écriture sans contrainte, (enfin, si possible), et ne me force jamais à respecter des règles phonétiques. Et bien que le sens soit difficile à percevoir dans ton poème, il est tout de même agréable de te lire.
Oh, Mathieu ! Tu m’as manqué. Content que tu aies aimé ; j’ai tendance à faire de tout en poésie, et je reviendrai peut-être à la beauté du sens plus tôt que je le crois moi-même. ^^
Je t’ai manqué?! 😀 Alors je te lis très souvent, mais je ne commente que très rarement. Mais quand je vois ta réaction, je me dis que je dois faire quelque effort;
Oui, tu dois !
Et je le ferai ! 🙂
<3
C’est super.
Merci !
Bonjour j’ai aimer votre article j’écris de la poésie et sur poésie un site je découvre des formes de poésie et donc je travaille ma passion amicalement
Béa
D’accord. Merci !
Sympa à écrire sans doute, amusant à lire effectivement, mais je me garderai bien de l’oraliser sans échauffement. 😉
Chiche.
T(r)ès audacieux ! je suis séduite pa(r) tes (r)imes qui s’emb(r)assent, (l)a didactique et (l)a poésie que tu mets au se(r)vice de cette facétieuse (l)inguistique. Mention spécia(l)e pour la t(r)aduction de ton poème ma foi bienvenue, je (l)’avoue.
C’était la moindre des choses. Merci beaucoup !
Bravo! Je serais incapable d’en faire autant.
Amitiés
Merci ! Bonne nuitée. ^^