Première partie de mon tutoriel sur la création de langue.
Au-dessus du cinéma et de l’écriture, au pinacle de ma passion des langues, se situe l’activité que je préfère entre toutes : créer des langues. Pourtant je n’en parle que très peu sur Quantième Art. Pour compenser, voici une série d’articles sur une question très basique : comment créer une langue ?
C’est un sujet vaste, j’ai donc décidé d’en faire une série de trois articles. Le premier article vous aidera à déterminer ce que vous voulez faire de votre création. Le deuxième article abordera la phonologie, et le troisième les caractéristiques principales d’une langue et de sa grammaire.
Tout au long de la série, je créerai rapidement une langue minimaliste (qu’on appellera Buluq) dans des encarts bleus de ce genre pour illustrer chaque point concrètement.
Laissez un commentaire si vous avez des questions. Bonne lecture !
Sommaire
- Avant-propos : pourquoi créer une langue ? Avec quelle motivation ?
- Sur quel support ?
- Choisir le type de langue
Avant-propos : pourquoi créer une langue ? Avec quelle motivation ?
La création de langues est une branche d’un hobby plus large qu’on appelle « worldbuilding » (« création de monde ») et qu’on désigne communément sous le nom de « conlanging » (de « con » + « lang« , « constructed language« ). Le mot français est « idéolinguistique » mais il est rarissime.
Comme le conlanging s’inscrit dans le worldbuilding, rien n’empêche de créer une cohérence extralinguistique à la langue, comme un cadre culturel, géographique ou historique. Par exemple, une langue parlée par des nomades empruntera des mots à de nombreuses langues sur son passage (dans cette série, je n’aborderai le conlanging que sous son angle linguistique, car les articles sont bien assez longs comme ça).
Créer une langue, c’est ouvert à tout le monde, car c’est une activité créative. Croyez-en The Conlang Manifesto du créateur du Dothraki (David J. Peterson, le seul conlanger professionnel à ma connaissance) : c’est de l’art. Mais c’est aussi de la science… en dose variable.
Au passage, je vous conseille son livre « The Art of Language Invention » qui n’est malheureusement pas traduit en français pour le moment.
Il vous faudra vous situer sur le diagramme ci-dessous. Afin d’offrir le maximum de visibilité, j’écris cet article à l’intersection des trois flèches : j’explique le conlanging de manière relativement créative en exhortant relativement au réalisme. Personnellement, j’ai trouvé mon équilibre entre créativité et réalisme, mais je ne peux pas prétendre connaître ce qui sera le vôtre.
Aussi, je vous invite simplement à considérer que le conlanging est toujours à la frontière entre art et science. En bref, on peut créer une langue dont on soit satisfait sans avoir à se soucier de tout ce que j’ai dit. La satisfaction est ce qui importe. Il n’est pas utile de me prendre au mot partout. Inspirez-vous de ce que je dis, mais soyez créatif. Piochez ce qui vous intéresse et laissez le reste. À mon avis, une conlang satisfaisante doit toujours être un compromis entre science et art, mais j’attends qu’on me démontre le contraire et rien n’oblige à faire fifty-fifty !
En ce qui me concerne, j’ai toujours été intéressé par le réalisme, même dans une langue purement créative. À vous de voir si c’est aussi votre genre ou non. Et si c’est le cas, ne lésinez pas sur la documentation !
Par-dessus tout, modifiez ce que vous voulez tant que vous le pouvez. Votre conlang vous dira toute seule s’il lui manque des choses, et les règles que vous déterminerez traceront le chemin que la langue va obligatoirement suivre dans son usage. Alors ne laissez pas traîner ce qui vous déplaît, ou elle vous le fera payer plus tard, du prix de l’insatisfaction dans le meilleur des cas, ou de vous obliger à faire des remplacements en chaîne dans le pire des cas.
Sur quel support ?
Il faut que les ressources que vous créez restent aisément accessibles. Des feuilles volantes peuvent faire l’affaire, néanmoins je ne m’en sers que pour les brouillons. Un tableur comme Google Sheets ou Excel est une excellente solution, surtout couplé à Google Docs ou Word. Vous pouvez vous aider de logiciels comme Lexique Pro pour votre dictionnaire.
Personnellement, je suis sur ConWorkShop, qui est un site rêvé pour les conlangers ; il y a tous les outils et toutes les ressources dont on puisse avoir besoin, ainsi qu’une communauté à laquelle vous n’êtes pas obligé de prendre part mais qui vous aidera si besoin est. Vous pourrez y stocker vos tables grammaticales et votre dictionnaire à portée de main, le tout gratuitement.
Si vous êtes adepte de l’efficacité, vous pouvez utiliser VulgarLang, qui générera tout une conlang pour vous gratuitement. Effectivement, ça tue un peu la création, et il faut payer pour des fonctions plus avancées, mais ça peut servir d’inspiration.
Choisir le type de langue
Note : par opposition à une conlang, qui est artificielle, les langues comme le français sont appelées des « langues naturelles ».
Créer une langue, ça part d’un raisonnement précis. Voici une liste des types de langues que la discipline vous propose.
— Une langue auxiliaire : une langue auxiliaire est une langue conçue pour être simple et/ou logique afin de faciliter la communication d’un groupe de personnes ciblées (exemples connus : espéranto, volapük). Elle est forcément basée sur un substrat d’une ou plusieurs vraie(s) langue(s) dont elle s’inspire en la/les simplifiant ;
— une langue logique : une langue logique va chercher à éliminer les irrégularités et les aberrations avant toute autre considération. Conçue avec un raisonnement souvent mathématique, elle peut être totalement indépendante des langues réelles (exemples connus : toki pona, ithkuil) ;
— une langue a posteriori : une langue a posteriori est une langue qui se veut totalement réaliste. Le banatien est une langue a posteriori de ma conception que je crée en dérivant le vocabulaire et la grammaire du latin d’une façon crédible, en tenant compte de sa géopolitique et de son histoire potentielle (influences étrangères etc.) – c’est le type de conlang le plus dur à travailler car une telle langue demande un certain bagage en connaissances linguistiques (ainsi que de prendre en compte des éléments paralinguistiques) pour être « réussie » ;
— une langue artistique : c’est un peu la base du conlanging. Une conlang artistique est de la créativité pure. Elle sera réussie du moment qu’elle vous plaira. Vous pouvez l’agrémenter de la dose de réalisme qui vous convient (aucun, si vous voulez) (exemples connus et réalistes : dothraki, na’vi ; exemple connu et relativement irréaliste : klingon).
Comme on l’a vu plus haut, la nature de la langue que vous allez créer va dépendre de vos connaissances et de ce que vous voulez en faire : une conlang artistique sera entièrement souple, mais gare si vous voulez créer une langue a posteriori sans vous renseigner au préalable. Je m’y suis essayé plusieurs fois et je ne suis parvenu à la satisfaction que récemment, avec le banatien que j’ai déjà mentionné, et qui m’aura coûté la lecture de cet excellent ouvrage académique sur les langues romanes.
Rien ne vous empêche de faire ce que vous voulez, bien sûr, mais à la différence d’une langue artistique, la qualité d’une langue a posteriori est mesurable : plus elle sera réaliste, mieux elle sera. Et le réalisme se mesure scientifiquement, pas artistiquement. Un réalisme parfait est le privilège des linguistes, et encore ! Aucun linguiste ne connaît tout, et un conlanger au long cours connaît souvent une gamme d’éléments linguistiques plus diversifiée que le linguiste, qui est spécialisé dans son domaine.
En résumé : faites ce qui vous plaît. Gardez simplement à l’idée qu’une langue réaliste nécessite une certaine quantité de connaissances linguistiques que je ne vais pas détailler dans cette série d’articles. J’ai acquis mon bagage en quatre ans de passion pour les langues et la linguistique, mais je ne suis rien de plus qu’un amateur pour autant.
Pour le Buluq, dont je me servirai pour illustrer, je vais faire une langue artistique afin d’avoir plus de liberté dans les exemples.
Dans le deuxième article, nous passerons en revue la phonologie ; comment créer la prononciation de votre langue, avec tout ce que cela implique.
Eh bien justement, je le demandais comment occuper mon week end 😉
Petit Quizz facile :
Ash nazg durbatulûk, ash nazg gimbatul,
Ash nazg thrakatulûk agh burzum-ishi krimpatul. »
Traduction artistique ?
Je « me » demandais… Bien sûr. Mon téléphone invente lui aussi de nouvelles langues !
Je connais la langue mais j’ai hélas oublié la traduction… Tant pis, je ne tricherai pas. Mais par association d’idée, tu me fais penser qu’il faut que j’ajoute une référence à VulgarLang dans mon article… Je ferai ça tout à l’heure.
Je ne suis pas expert mais je crois que « nazg » veut dire anneau 😉🧙♂️
[…] →Le premier article. […]
[…] →Premier article. →Deuxième article. […]
Oui, « nazg » signifie bien anneau en noir parler. 😉 Quant au mot « idéolinguistique » et tous ces dérivés « idéolangue, idéoscripts, idéocréation, …. » ils sont très pratique pour éviter le préfixe con- malvenu en français. Ce vobulaire est très répandus dans notre commauté d’idéolinguistes de l’Atelier philologie et tous ces projets frères comme Idéopédia, Idéolexique etc. Bref, il se répand de plus, heureux de le voir aussi ici. Beau blog au passage ! J’ai fais des liens vers le groupe Facebook de l’Atelier.
Oh, merci beaucoup !
« Conlang » se prononce généralement « conne langue » en français, j’avoue que… ouais. =D
[…] trouvé un article concernant la création de langue sur internet. La personne avait choisi de le faire pas à pas […]
Ir ligo vana
Allwpto fëntaTradusion : Alphabet fonétique
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Ma langue est Ir lïgo vana est une langue auxiliaire
ï = in
Voilà le lien du Ir ligo vana
https://drbenjamino.blogspot.com/