Ce format consiste en une compilation de mes critiques sur les films que j’ai vus dans la semaine.
Dans l’hebdo de cette semaine : Inspecteur la Bavure (Claude Zidi, 1980), Mystic Pizza (Donald Petrie, 1988), Au seuil de la vie (Ingmar Bergman, 1958), Leçons d’amour à l’italienne (Giovanni Veronesi, 2005), L’Amiral (Andreï Kravtchouk, 2008), Le Fantôme de la liberté (Luis Buñuel, 1974).
Stats :
- cet hebdo contient 6 films
- que j’ai critiqués à hauteur de 6,5/10
- et appréciés à hauteur de 6,5/10.
(J’écris par passion de l’écriture et de mes sujets, mais c’est encore mieux d’avoir l’impression de ne pas être seul. Si vous aimez cet article, cliquez sur le bouton « j’aime », laissez un commentaire, voire partagez si vous en avez envie. Sinon, vous pouvez juste lire, c’est bien aussi. Merci beaucoup !)
Image d’en-tête : L’Amiral ; films 160 à 165 de 2018
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Lundi : Inspecteur la Bavure(Claude Zidi, 1980) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
En bon Objet Filmique Culte et Icônique qu’il est, l’Inspecteur la Bavure est sorti des gonds de son époque, prenant un contrepied expressément défini dès l’introduction au reste du genre comique. Il campe Coluche directement et envoie d’autres grands noms graviter autour de lui pour s’ancrer solidement dans l’époque qui l’a vu naître. Il est tellement ancré, en fait, qu’il a vieilli ; la densité de l’ouvrage n’est plus égale à celle de son potentiel. Les coups de génie n’en sont plus. Même Coluche n’est pas intemporel. Et le film est trop centré sur l’acteur pour nous donner autre chose à nous mettre sous la dent que lui. Les fous rires qui étaient provoqués tantôt par des gags inédits, et même si lesdits gags n’ont guère été répétés, sont réduits à des gloussements amusés.
On préférera aujourd’hui aborder le casting avec nostalgie plutôt que de simuler la surprise. Le film est longuet et usé, à la manière de la gabardine de l’inspecteur dont la désuétude en l’an 1980 semble avoir déteint sur tout le personnage lors d’un visionnage aujourd’hui. Et si mon avis est certes injuste, je réponds à cet objet de ma détraction que je n’ai pas su me remettre dans le cadre de l’époque, et qu’il y a une raison si mon effort n’a pas porté de fruits cette fois-ci ; les films policiers français sont démodés, mais surtout, ils sont inapplicables à l’époque actuelle. En revanche, le duo Coluche-Depardieu est une grisante réussite.
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Mardi : Mystic Pizza(Donald Petrie, 1988) « Thématique : Julia Roberts (nouveau !) »* |
Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu une romance et Mystic Pizza est bien tombé. Mais je n’ai pas été biaisé pour autant ; c’est un vrai bon film. Le Mystic Pizza du titre peut nous faire craindre une comédie symptômatique d’une qualité qui s’est fait la malle au profit de l’humour (à la Wayne’s World), d’autant que la crémosité de l’introduction choisit de faire quelques plans kitschs (même pour l’époque) dans un mariage qui frise la gênance.
Mais tout va bien : trompe-l’œil ou bourde, le film n’est pas son introduction. Le casting est tout bonnement exceptionnel et vaut deux points sur dix à lui tout seul. Deux ans avant sa consécration, Julia Roberts n’est pas en reste pour donner de sa personne, même si son personnage, comme celui de ses collègues féminines, laissent trop percevoir pourquoi elles ont été choisies – mais il s’agit là d’un problème d’écriture trop transparente des protagonistes, pas d’interprétation, et c’est d’autant plus normal que la romance est d’assez grande ampleur.
Mystic Pizza a une bonne intrigue, et la pizzeria où se rassemblent les personnages est un point de ralliement pour eux comme pour le spectateur, qui est du même coup mis à l’aise – même si les relations entre les trois amies ne sont pas toujours claires. L’histoire est intelligemment centrée sur les rebondissements, et même si elle ne surprend pas vraiment, elle laisse de bonne humeur parce qu’elle n’abuse de rien : ni d’humour, ni de drame, ni de la patience du spectateur. Seul vrai grief : le scénario est à l’étroit dans son script.
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Mercredi : Au seuil de la vie(Ingmar Bergman, 1958) « Thématique : Max von Sydow »* |
Au seuil de la vie, petite pépite de Bergman située intégralement dans une maternité, avec le lot d’affres que représente le milieu hospitalier. Du haut de ses modestes quatre-vingts minutes, le film fait comme un écrin à la sensibilité hors-normes du réalisateur. Sérieusement, quel genre d’homme est capable de faire un film entier autour du thème de la grossesse, de la fausse couche et de l’accouchement ? Quel genre de tête faut-il avoir pour savoir si bien capter les tourments de l’esprit qui accompagnent ces tourments des entrailles ? Et qui suis-je pour dire que c’est réussi ? J’ai au moins la réponse à cette question : je suis un spectateur comblé.
Il peut paraître bizarre que je dise avoir adoré voir trois femmes souffrir pendant plus d’une heure, sans cadre modérateur – les infirmières et les médecins sont humains, mais professionnels aussi. Leurs personnages sont si bien écrits qu’il ne viendrait à l’idée de personne de s’y raccrocher pour se sentir mieux. Mais l’œuvre est si pleine d’empathie qu’on s’en fiche. Bergman était plus humain que l’humain, et son humanisme transpire tant que cela rend sa création confortable.
La caméra est peu mobile, mais le réalisateur fait corps avec elle. Rarement un réalisateur a-t-il été acteur de son film sans jamais y apparaître ! Je vais me permettre une incise technique dans le lyrisme de ma critique (il faut bien justifier le rarissime 10/10 !) : un procédé plutôt rare à l’époque est largement utilisé pour illustrer la cause (B) de l’expression des personnages (A). Il s’agit du montage ABA, sans mauvais jeu de mots sur le fait que le film est suédois : on voit l’expression, puis sa cause, puis l’expression de nouveau. On croirait que c’est utilisé pour préserver au maximum le jeu surhumain des interprètes féminines, dont les monologues sont parfois longs et chargés d’émotions fortes. Encore une touche de la sensibilité à la Bergman ?
Et puis la deuxième lecture ne laisse rien au hasard non plus. Il m’est venue une comparaison très forte que je ne dois qu’à Bergman, même si sa suggestion n’en était pas voulue : j’ai vu ces femmes dans leurs chambres d’hôpital comme des condamnées à mort, parce que la vie les quitte littéralement lorsque se produit l’accouchement, que les conditions soient normales ou non. Et j’ai vu leur courage plus clairement qu’un blockbuster américain me le suggérera jamais.
Je n’irais pas jusqu’à dire que le film est agréable à voir (il nous met presque devant un dilemme : est-on captivé par la beauté ou la morbidité ?), mais s’il y a bien un film qui prouve que le génie peut créer spontanément le plaisir d’un visionnage, c’est bien celui-ci.
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Jeudi : Leçons d’amour à l’italienne(Giovanni Veronesi, 2005) « Thématique : langue italienne »* |
Une romance avouée, à l’italitude avouée, ça peut faire craindre un fonçage dans les clichés, et vous savez que je ne les aime pas. Le film est au contraire un peu trop prompt à en prendre le contrepied au départ, avec un couple d’acteurs trop énergique dont le couple de personnages qui en résulte, quoique cocasse, est vite fatigant. C’est heureusement sans compter sur la forme véritable du film, qui est un film à sketches, avec l’avantage sur cette simple formule que chaque chapitre s’imbrique dans le précédent. Les personnages ne sont peut-être pas brillamment écrits, mais les situations qui les définissent (en même temps qu’elles définissent les chapitres), si.
Pour un film d’amour, la création de Giovanni Veronesi est assez peu chargée en émotions, mais elle est chargée en gros plans, y compris certains qui constituent des apartés directement à la caméra, et les acteurs sont assez compétents pour ne pas faire n’importe quoi de leurs lignes. Rétrospectivement, les nœuds qui lient différentes parties de l’histoire entre elles sont d’une subtilité inattendue et l’impression générale est celle de satiation… mais un peu de naïveté aussi ; d’autre part, n’est-ce pas nécessaire pour faire rêver ?
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Vendredi : L’Amiral(Andreï Kravtchouk, 2008) « Thématique : langue russe »* |
L’Amiral est une romance de guerre. Ajoutez à cela que le film est russe, et le mélange est assez bouillonnant. Peut-être pas dans bon sens, d’ailleurs ; le montage initial est encombré, les scènes s’enchaînent sans vraiment de lien entre elles, et le mixage du son est assez étrange (on croirait que les personnages sont post-synchronisés parfois, tellement que leur diction est dégueu est embrouillée sans contrastes dans le fond sonore). Les moyens financiers se font sentir, provoquant la petite gloire de bons effets visuels (quoiqu’un peu trop vidéoludiques par endroits) mais la première partie reste difficile d’abordage.
La structure du film est à double tranchant : elle est efficace mais dissimule trop, par son hyperactivité, des éléments qui paraissent superflus sur le coup, et nous laissent dans l’ennui jusqu’à ce que leur usage soit tardivement justifié. Je ne reproche rien au procédé en lui-même, mais à sa discrétion ; on doit déjà composer avec un script mené à la baguette et il est difficile d’avoir des yeux autant pour la romance que pour la guerre que pour lui. Le rythme est trop forcé.
Le véritable point positif de L’Amiral, c’est la reconstitution militaire, dans les combats et sur la stratégie ; les Russes ont toujours été forts à ça, et on aura du plaisir à la voir retranscrite sous des dimensions budgétaires hollywoodiennes. Même si cela participe à créer une impression générale difficile à juger (bien qu’elle soit bonne) car elle nous met mal à l’aise ; la guerre est trop bien faite, l’amour trop dur. L’inspiration est une histoire réelle, et on la sent transpirer sous une réalisation qui se voulait pourtant divertissante.
Et puis certaines choses sortent comme de nulle part : l’autorité ? La victoire ? La jeune femme qui se retrouve dans les années 1960 en tant qu’actrice ? Certes, ce passage sert une vocation historique d’autant plus poignante qu’elle donne à assumer la réhabilitation des contre-révolutionnaires (je devrais trop spoiler pour expliquer pourquoi, mais l’idée n’est pas mauvaise), mais il présente du coup une certaine lourdeur.
C’est pour cela qu’en dépit des costumes et du reste de la reconstitution historique et militaire, et malgré le périple transsibérien des soldats fuyant en Sibérie, l’ambiance peine à percer. Sans doute la maîtrise russe du thème de la guerre ne se prête-t-il pas à fusionner avec les blockbusters.
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Dimanche : Le Fantôme de la liberté(Luis Buñuel, 1974) « Thématique : Luis Buñuel »* |
Buñuel a toujours eu beaucoup de choses à dire, et la clarté relative de son style l’a souvent justifié auprès du grand public. Le Fantôme de la liberté est dans ce sens une de ses œuvres les plus iconiques, car c’est presque un film à sketches formé d’une succession de bonnes idées. Mais l’œuvre passe aussi un peu pour un exutoire bâclé, car elle laisse entrevoir plusieurs symptômes de relâchement : des montages bricolés au Scotch, indignes d’un grand réalisateur, des chapitres qui s’effacent sans s’expliciter, et une fin similaire qui ne laisse pas seulement dans le doute mais dans la confusion, et avec brutalité encore.
Comme je le dis souvent, tout peut avoir un sens ; encore faut-il qu’il soit discernable à moins de s’assumer comme indiscernable.
Dommage que le film doive vraiment prendre les apparences d’un fantôme : une présence atone, fade et catatonique qui n’est pas pour faire honneur au propos de son créateur. Pourtant les idées y sont vraiment géniales quand elles ne donnent pas l’impression que rien que dix minutes en sont un développement par trop avide ; Buñuel s’y surpasse en sarcasme, trônant avec gloire dans son pince-sans-ririsme parfait où il bénit un casting clinquant et sans faiblesse. Les chapitres en eux-mêmes m’autorisent à donner une note largement positive, mais j’ai eu une impression trop forte qu’ils auraient pu être mieux agencés sans tellement d’effort.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.