Image d’en-tête : Rouslan et Lioudmilla; films 7 à 14 de 2018
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Lundi : Pas si méchant que ça(Claude Goretta, 1975) « Thématique : Gérard Depardieu »* |
Œuvre récupératrice de talents à la gloire déclinante, Pas si méchant que ça a des effluves précoces des films de braquage modernes. Depardieu, l’étoile montante du casting, a presque tout le film sur les épaules, effaçant ses deux excellentes collègues dans les rôles principaux. Son personnage va devoir voler (dérober) pour maintenir à flot la petite entreprise de son père. On reconnaît l’idée du titre, mais l’histoire ne va guère approfondir l’idée d’un gentil malfrat : il est indéniablement gentil, sans contrepoids. Les prises de position sont absentes, exception faite d’une vague remarque sur la popularisation du plastique, condamnant les maisons à ne plus joliment craquer. Et surtout, Claude Goretta tient les images en esclaves, laissant juste la place à ses personnages de se mouvoir, ramenant exceptionnellement un plan d’un paysage de toute manière répétitif et ne participant même pas à l’ambiance. Manque de quelque chose ; de personnalité peut-être ?
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Mardi : J’adore Huckabees(David O. Russell, 2004) « Thématique : Dustin Hoffmann»* |
J’adore Huckabees ne nous fait guère aimer son propos, qu’il a spécial. L’histoire surfe sur la vague surréaliste de la crise existentielle avec presque aussi peu d’assurance qu’un Âmes en stock où Paul Giamatti tenait lieu du Jason Schwartzman de cette œuvre-ci. Les très littérales images du genre sont déployées en vrac, sans à propos et sans réussite. L’irrégularité frappe dans la façon d’utiliser des images de synthèse et de les intégrer dans ce qui s’autoproclame « cohérence » au sein de ce charabia philosophique.
Ça crie de partout, et la seule voix qui sache se faire entendre est celle de Jude Law, le seul acteur qui semble encore connaître un moyen d’être un bon comédien là-dedans. La méditation proposée par l’histoire est de courte durée, interrompue qu’elle est par la relative niaiserie de ces « conseillers philosophiques » aux principes quasi-scientologiques auxquels Dustin Hofman, à son grand dam, appartient. La névrose mise en scène tient plus de la guignolerie que de cette indécision suave et frustrante qui en jaillit normalement, et cent minutes dans l’esprit de quelques personnes sera loin de suffire pour nous convaincre de sa tangibilité.
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Mercredi : Le monde ne suffit pas(Michael Apted, 1999) « Thématique : Autour de James Bond »* |
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Jeudi : Les Fiancés(Ermanno Olmi, 1963) « Thématique : langue italienne»* |
Il y a un scénario des images ! Non, je ne parle pas du script : l’histoire a été écrite non pas pour les personnages mais pour leurs décors. En 1963, dans un âge d’or du noir et blanc forcé par la technique, Ermanno Olmi va jouer tel un peintre sur les contrastes et les profondeurs. Apparemment attaché aux diagonales, le talentueux régisseur va litérallement faire traverser des pièces au charme simpliste à sa caméra. Cela fait un peu de peine pour les acteurs dont tout talent est rendu accessoire, juste une mise en valeur de la prestation graphique. Ils sont deux, plus deux semi-figurants, et leur personnalité d’acteur est insensible, jugée quasiment inutile. On ne leur demande qu’une maîtrise de leur expression, ce qu’ils ont.
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Vendredi : Rouslan et Lioudmilla(Alexandre Ptouchko, 1972) « Thématique : langue russe »* |
Qui a dit que les contes de fées n’existaient pas dans la réalité ? L’histoire de Rouslan et Lioudmilla n’est pas seulement un poème épique mais l’apparition même depuis l’éther d’une féerie bien réelle. Difficile en le voyant de ne pas croire aux lutins de l’éclairage, aux farfadets de la mise en scène, aux gnomes derrière les décors, ou aux fées qui joignent ensemble deux scènes.
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Samedi : Carmen(Carlos Saura, 1983) « Thématique : film musical »* |
En 1847, Mérimée écrivait Carmen. Trente ans plus tard, Bizet en faisait un opéra. Presque cent dix ans après cela sortait cette adaptation libre des deux œuvres dans un style flamenco. La réalisation technique est implacable. L’histoire est en quelque sorte celle de la répétition artistique du film même qu’on regarde, une récursivité complétée par le fait que la romance entre Antonio et Carmen devient la même qu’entre Don José et la Carmen de Mérimée.
La caméra est une danseuse qui opère un slow au milieu des fougueuses danses espagnoles, et se joue des miroirs comme un toréador de la bête. Elle passe constamment devant eux sans jamais se laisser prendre au piège orgueilleux de leur reflet, passant parfois même dans leur axe et demeurant… invisible.
C’est une performance de savoir filmer la prestation imparfaite des répétitions et de laisser entrevoir l’amélioration. Les danseurs devaient donc se forcer à danser mal ? Ou bien avait-on choisi de mauvais danseurs ? Tous ces doutes qui allument des réflexions ravissantes dans l’esprit du spectateur ont leur part sombre : le plus souvent, les cadrages ont la simplicité d’éviter les miroirs par un simple angle ennuyeux à la longue, et le scénario débarque un peu à l’improviste dans cette démonstration d’art. Les choses se passent, et avant que l’on ne comprenne la dimension figurative de l’histoire qu’elle ne s’avoue qu’à la toute dernière image, il y a un moment de flottement pendant lequel on perd pied.
Dimanche : Premier contact
Voyez la critique détaillée ici.
* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.