Hebdo – 2017, N° 41 (Vivre et laisser mourir, La jeune fille…)


Bon, cet hebdo n’a que sept jours de retard ! Pour me rattraper, je pense écrire un résumé sur la manière dont je rédige mes critiques dans les prochains jours. Cela finira dans l’onglet « Le Blog ».

Image d’en-tête : Dick Tracy

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Lundi : Un peu de soleil dans l’eau froide 

(Jacques Deray, 1971)

« Gérard Depardieu »*

Une tentative par Jacques Debray de représenter l’amour minimaliste, avec pour seul arrière-plan la maladie révélée par l’époque : la dépression. A tant vouloir la disséquer, il en fiche presque une au spectateur. C’est lent, mièvre, porté par une musique horriblement monotone, et joué par des acteurs curieusement amorphes pour des vecteurs de si grandes passions.

En fait, tout se passe dans les dialogues, qui sont eux-mêmes à des années-lumière des hautes sphères parce qu’ils s’embourbent dans les petites phrase alimentaires. Monté à la mitrailleuse, rythmé à la crécelle, cette oeuvre s’approche du style de Jacques Demy, mais sans musique et sans création, et on se retrouve donc avec plus rien de plaisant.


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Mardi : Dick Tracy

(Warren Beatty, 1990)

« Dustin Hoffman »*

Dick Tracy est un des sommets dans les montagnes de l’adaptation des comics au cinéma, auxquelles succéderont les superhéros un peu moins cartoonesques. Dans le Get’em City de Tracy, on trouve une ville du crime à la manière de Bugsy Malone, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ou encore The Mask. Le point qui se veut fort ici, ce sont les visages, ou plutôt les tronches, qui exposent leur fidélité au comic de Chester Gould dont il a été l’auteur de 1931 à 1977 ; une expérience dont il est lourd d’hériter.

D’ailleurs, quant à refléter la précocité de la violence au sein du genre, c’est raté. Le Chicago dépeint par Gould ressort au grand écran de manière très superficielle dont cet étalage de visages est une métaphore involontairement très juste. Le scénario est tout en ellipses, bondissant de scène de scène comme s’il était pressé, jusqu’à ce que ses cent-cinq minutes soient remplies comme d’une histoire et demi. D’autant qu’aucun acteur n’est à sa place et surtout pas Madonna.


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Mercredi : Vivre et laisser mourir

(Guy Hamilton, 1973)

« Autour de James Bond »*

Le premier rôle de Roger Moore en tant que James Bond ne marque pas la série d’un changement exceptionnel, si ce n’est le remplacement de la plupart des bijoux technologiques par d’autres plus organiques du genre reptilien. Le tournage n’a pas non plus changé dans les exigences sportives qu’il a envers ses acteurs. Moore n’a pas encore eu à tromper la mort comme Connery avant lui, mais il y a déjà gagné quelques jours à devoir se servir d’une canne à la suite de la réalisation d’une des super-techniques scènes en bateau, et la dysenterie lors du tournage en Jamaïque. Lesdites scènes navales vaudront à l’oeuvre une place au Guinness des records pendant trois ans pour la vitesse du bateau de Bond, ainsi que, dans un style plus cocasse, une réécriture partielle du scénario quand l’un d’eux s’est encastré dans une voiture. Bref. Niveau bateaux, ils ont fait fort, puisqu’ils en avaient vingt-six et qu’ils en ont cassé dix-sept rien que pendant les répétitions.

On est en 1973 et la médiocrité des moyens est résiliente. Autant certains plans sont faits avec brio, autant d’autres semblent avoir été réalisés par un stagiaire qui, faute de moyen, devait faire jouer ses acteurs avec des serpents en plastique. La scène d’introduction est d’ailleurs la première des deux qui mettent en avant le fameux serpent en plastique, et elle précède de peu la seule utilisation du très célèbre thème de McCartney qui ne soit pas coupée, altérée ou reprise. Au global donc, un gâchis.


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Jeudi : Le Cheik blanc

(Federico Fellini, 1952)

« Langue italienne»*

Le second film de Fellini, c’est déjà une explication au symbolisme que le metteur en scène va acquérir dans son pays. Il fait une représentation bienveillante de la famille, versant à peine dans l’humour moqueur et jamais dans le vaudeville, recyclant le genre avec succès, parvenant à nous captiver par un scénario de ce fait amputé de ses attaches culturelles et qui encore aujourd’hui pourtant n’est ennuyeux en aucun point. Il entremêle sentiments et situations avec une aise dérangeante, poussant le spectateur à ne pas être passif, à toujours guetter la valeur de ses moments qui ne durent pas même sur l’assise de leur à-propos réussi. Il y a une forme d’humilité là-dedans, qui par elle-même peut nous accrocher à l’oeuvre, aux valeurs de la nouvelle ère qu’elle colporte, indifférente aux décennies depuis longtemps passées. Fascinant.


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Vendredi : Shizo

(Gulshat Omarova, 2006)

« Langue russe »*

Shizo est un film russophone mais il ne faut pas s’y tromper : si le kazakh est une langue d’état, la langue officielle du Kazakhstan, c’est le russe. Et le film est kazakh. On ne s’y fera pas prendre si on remarque le physique des gens qui rappelle leurs origines mongoles et turques. Mais il y a un autre indice au moins aussi important, qui est la touche très proche-orientale de l’oeuvre, cette lenteur contemplative, silencieuse et humaine. Et sans être friand du style, on peut trouver à Shizo des vertus discrètes qu’on aurait pu croire inexistantes dans ces cultures non-occidentales. Il prend le meilleur des deux mondes : l’histoire est clairement énoncée et avance de manière sensible devant une caméra qui pourtant se prélasse devant les paysages. Une caméra qui sait aussi capter avec doigté la technique d’un combat de boxe, ainsi que la poésie d’une nature vivante construite avec trois fois rien comme d’elle-même – mettons, trois pommes. A aborder sans préjugés !



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Dimanche : La jeune fille

(Luis Buñuel, 1960)

« Luis Buñuel »*

En à peine cent minutes, Buñuel dresse un décor simpliste qu’il va remplir d’une critique tous azimuts de la société. Une création tournée tout en anglais qui apparaît à peine comme un documentaire, mais le peu de ce genre dont le film hérite nous fait perdre toute notion du temps, si bien qu’il ne semble pas être sorti en 1960 mais en 1970. D’ailleurs le style de création n’est pas le seul de ses aspects à nous faire prendre une fausse piste : réalisé au Mexique, il place des protagonistes en général vieux jeu dans un environnement de type pré-western où l’on s’étonne de la présence de la télévision et du référencement populaire qu’elle procure déjà.

D’autre part, le film aborde le thème de la ségrégation raciale américaine avec force références à la Guerre de Sécession, et sans nous laisser croire que les choses ont changé depuis. Toujours avec empathie et un franc-parler que notre époque ne nous permettrait plus, Buñuel aborde le sujet central – mais pas principal – que le titre et l’affiche suggèrent : l’ironie de l’homme conscient de ses pulsions, soucieux de mettre en garde contre elles tout en tombant dans leur piège. Dans le film, le personnage de Zachary Scott (Miller) commence d’éduquer Evalyn (« la jeune fille ») et de tomber sous ses charmes naissants simultanément, ce qui est une métaphore quasi-exagérée de ce paradoxe.

Ainsi l’homme commet-il toujours les mêmes erreurs… ou plutôt les mêmes pêchés. Puisque voici venir le dernier thème : la religion, personnifiée convenablement en le personnage du prêtre alors même que l’oeuvre est économe en visages. Cet aumônier rappellera d’ailleurs celui d’un autre film de Buñuel, Nazarin, où il était victime d’idéalisation. Celui-ci, au contraire, semble invulnérable sous sa carapace de non-conformisme progressiste respecté, ce qui lui vaut d’avoir ses propres paradoxes, par exemple de baptiser Evalyn en lui promettant la clé d’or du paradis tout en reniant le pardon immérité que le pêcheur lui réclame. L’expiation, le châtiment, voilà de quoi apprendre de ses erreurs, crie-t-il ! Et le spectateur de se dire : voilà un religieux moderne qui s’approche beaucoup de la justice des hommes plutôt que de celle de Dieu, mais qui, du haut de son doublage en espagnol qui ne constitue même pas une trahison à la version originale anglaise, rappelle aussi la violence cruelle de l’Inquisition.

En résumé : un creuset polyvalent, fabuleusement objectif et enrichissant.

 

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