Le lundi, j’ai foui…
Le Pacha
Jean Gabin – Faire la concession complète à l’ère post-68, c’était prématuré pour l’année même dans l’idée de Lautner, ce qui ne l’empêche pas de truffer son oeuvre de références au peace and love. Ce qui se ressent par contre, c’est que la richesse en tout est telle que le duo Gabin/Audiard est effacé, largement mis en retrait au profit d’une bande son de Gainsbourg omniprésente et d’une histoire policière bien ficelée à l’ancienne, quoique agrémentée d’un on-ne-sait-quoi à l’arrière-goût d’une modernité menaçante.
Le mardi, j’ai foui…
Le Lauréat
Dustin Hoffman – Pour son premier rôle au grand écran, Hoffman va incarner un rôle déjà diversifié de jeune adulte confus doublé d’un romantique sans aucun sens des réalités. Un gentil fou attachant, ce que ne mettent malheureusement pas toujours en avant des dialogues rapidement sans issue : quelle utilité, sinon la temporisation, de faire répéter les personnages entre eux ? Mais la chose est au final un pamphlet agréable sur la perversité de l’esprit humain, qui de manière plus directe s’attaque au monde des parents sur fond musical de Simon and Garfunkel. Ah, 1967…
Le mercredi, j’ai foui…
Elefantman
David Lynch – Lynch fait cette fois de son attrait pour le sordide et les difformités un usage plus profond, réunissant Hopkins et John Hurt non pas pour leur talent d’acteurs mais pour leur présence, la touche humaine qu’ils vont apporter à cet ensemble dystopique en noir et blanc. C’est un régisseur du son, également, et il est frappant de voir la façon qu’il a de donner un sens glauque plus impressionnant que de nature à Londres rien qu’en jouant sur le silence. Un diaporama impeccable doublé d’une magnifique histoire sans plus de sentiment que l’amitié ou la tolérance.
Le jeudi, j’ai rien foui…
Le vendredi, j’ai foui…
Jusqu'au bout du monde
Il n’y a pas de trilogie de science-fiction plus difficile à comparer aux Star Wars originaux que celle-ci. Ne cherchez pas la métaphore, ça n’a simplement rien à voir du tout. Mais la monumentale création de Wenders mérite quand même qu’on la qualifie de meilleure. Par contre le titre comme la forme peuvent être pris au premier degré : avec des équipes de tournage disséminées dans de multiples pays, il a avant tout voulu faire de son film un imposant diaporama où la figuration des paysages français, américain, russe, japonais et australien ne sont que des exemples.
C’est un road-movie à l’échelle d’une planète, ce qui nous permet de l’inscrire dans une dimension graphique indéterminée mais en tout cas sans limites apparentes.
Jusqu’au bout du monde n’est en fait qu’un seul film, mais si long qu’on l’a découpé en une trilogie pour motifs commerciaux. Il ne suffit pas d’en dire que les magnifiques images ont pour toile de fond une histoire qui tient la route de manière révolutionnaire. Le vrai fond est bien minimaliste puisqu’il s’agit d’un certain satellite dont le crash imminent menace l’Homme de fin du monde. C’est ce discret fil rouge qui joue un rôle important au sein du film, lui permettant d’aquérir une cohésion faisant passer n’importe quel autre film pour une nouvelle quand lui est un roman. Il ne met de côté aucun sujet, passe au crible chaque idée et prend son temps pour la dérouler. C’est de là qu’il tire sa force à la fois en tant que drame, oeuvre de SF ou membre privilégié des films globe-trotter.
Wenders recherche la mixité en tout, ignorant la barrière de la culture ou celle de la langue ; toutes s’y mélangent dans une année 1999 dont il ne faut pas perdre de vue qu’elle était encore le futur au temps du tournage. Et c’est là que le réalisateur dévoile à quel point il était visionnaire : non content d’avoir discrètement glissé l’info comme quoi l’écu est la monnaie française et donc a fortiori européenne, il invente des objets qui sont moniteurs portatifs dont les personnages deviendront dépendants. Ils existent aujourd’hui pour de vrai ; beaucoup moins encombrants, on ne regarde pas nos rêves dessus, mais la justesse est surprenante.
On sort du film avec l’impression d’avoir contemplé une mosaïque de chapitres peu liés les uns aux autres si ce n’est par la patte du régisseur, où il a puérilisé la technologie avec poésie et humour et tellement fait tourner ses protagonistes en bourrique qu’on se sent proche d’eux, même aux antipodes.