[Critiques cinéma] Pacific Rim: Uprising, Le sang des autres, Un homme et son chien, Une question d’honneur, Dans la brume, Italian for beginners, Au nom du père


Dans les cinébdos, je compile mes analyses critiques sur les films vus dans la semaine. 📚 🎥

Article écrit avec le soutien d’1 tipeur anonyme ! <3

Sommaire
Pacific Rim: Uprising (Steven S. DeKnight, 2018)
Le sang des autres (Claude Chabrol, 1984)
Un homme et son chien (Francis Huster, 2008)
Une question d’honneur (Luigi Zampa, 1966)
Dans la brume (Sergei Loznitsa, 2012)
Italian for beginners (Lone Scherfig, 2000)
Au nom du père (Jim Sheridan, 1993)

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Image d’en-tête : Pacific Rim: Uprising ; films 256 à 262 de 2019

2
6,5

Lundi : Pacific Rim: Uprising

(Steven S. DeKnight, 2018)

« Hors-thématique »*

Voir Pacific Rim 2, c’était vouloir se faire du mal, êtes-vous en train de me dire. Enfin, de me penser. Surtout que si le film a un sous-titre au lieu d’un numéro, c’est que Del Toro est allé faire un truc vachement mieux que de recycler ses robots & ses kaijus.

”Ouais mais j’ai perdu parce que j’avais le soleil dans les yeux en fait.”

Le changement de réalisateur ne pardonne pas : Pacific Rim: Uprising n’ouvre pas que des failles dans l’océan, mais aussi dans le cœur des fans & la cohérence scénaristique. Sans compter que les combats peuvent être affreusement mal synchronisés (vous savez, l’impression que l’adversaire attend que le coup arrive, bah ce n’est même plus une impression), l’œuvre est dépourvue de la folie qui rendait le film original si drôle & assumé. Del Toro assumait de foutre du monstre partout, ce que DeKnight (c’est un fait exprès, ces noms) ne fait pas : il préfère précipiter les connexions que de se préoccuper du fan service, au point que la modernisation-simplification qui prétexte une suite un peu indépendante nous fait regretter qu’elle ne fût pas un reboot pur & simple.

On se raccrochera à un emboîtement relativement propre des conflits d’intérêts combiné à de nouvelles stars pas trop gênantes, mais il reste l’étonnante anicroche que le spectateur ne soit témoin d’aucune mort civile alors même que les cités sont à moitié évacuées & que la destruction est l’argument majeur… Enfin bref. J’ai à peine la foi d’ajouter à tout ce qui a déjà été dit de bien sur ce truc nul.


5
4,75

Mardi : Le sang des autres

(Claude Chabrol, 1984)

« Thématique : Jodie Foster »*

Foster qui tourne chez Chabrol, voilà une rencontre dont j’aimerais connaître les tenants ! Je n’en ai vu que le résultat : un film sur la Seconde Guerre mondiale où le casting étranger ne dépare pas, parce que le réalisateur l’a fait dans le je-m’en-foutisme le plus complet. Pas besoin de le savoir pour se rendre compte que l’œuvre est une succession de petites scènes ultra-linéaires, sans art dans la chronologie ni intérêt pour les ellipses, dont les dialogues superficiels viennent à sous-tendre des choses incroyablement plus grandes qu’eux : des relations, de la politique, puis la Collaboration.

ON NE REGARDE PAS LA CAMÉRA !

Sous cette médiocrité de façade dont Foster se joue totalement, arrivant à être naturelle même trop jeune dans le mauvais pays & avec la mauvaise langue, Chabrol touche ironiquement à l’essence d’une ”histoire” : ses banalités, sa platitude, sa mondanité même n’ont aucun intérêt, pourtant elles deviennent solides justement parce qu’elles sont assumées. Si les défauts avaient été des erreurs, ils auraient causé de grands dommages, toutefois ils sont hérités d’un grand esprit qui retrace rapidement de grands évènements. Le résultat est une esquisse, un film d’ambition qui se retrouve confiné dans un minimalisme parfois affreux ; en revanche, on peut facilement apparenter cela à un style.

Si le film passe mal, peut-être faut-il reconsidérer la propension qu’on a eue dans le cinéma à représenter la guerre tour à tour comme une tragédie (avec Gabin, à qui le personnage de Foster fait allusion ”en direct”) ou une comédie grande-vadrouillesque. La guerre était ”grande” & on peut encore la dépeindre telle, mais quel en est le besoin ? C’est dans ces questionnements que me retranche Chabrol après m’avoir embarqué dans son casting bariolé & son charcutage historique. Un mauvais film oui, mais un dilemme aussi.


3,5
2,5

Mercredi : Un homme et son chien

(Francis Huster, 2008)

« Thématique : Max Von Sydow »*

Von Sydow aura décidément eu une carrière des plus variées, continuellement dans la navette entre sa patrie, Hollywood & la France qui lui donnera sa deuxième nationalité. Mais son rôle est petit : il est bien à sa place dans le rôle du vieil ami de Jean-Paul Belmondo, autre vétéran que le rôle de l’homme au chien tire d’une retraite entamée déjà en 2000 après Les Acteurs de Blier.

Wouf.

C’est donc un film de vieux, & quels vieux : avant de se rendre compte de la présence de Dolores Chaplin, on était déjà ramené au bon souvenir de l’hommage autobiographique déchirant de son grand-père, Les Feux de la Rampe. C’est avec une classe largement inférieure mais non moins de simplicité que Belmondo marche sans peur vers la tombe que lui promet la caméra.

Évidemment, c’est un autre vieux qui se tient derrière, quoique de loin le cadet des monstres susdits : qui d’autre aurait pu monter une entreprise filmique qui n’a pas de crainte à plonger la vieillesse dans ses maux d’ordinaire tus, presque ses tabous ? Ou alors, cela ne lui était pas naturel & lui a demandé toute sa concentration : voilà peut-être l’explication à ce que les gens soient tous désagréables pareils dans l’histoire, comme radotés, prenant des contrepieds trop faibles pour que les scènes où de grands noms s’entassent dans de tout petits coins de l’écran (Dujardin, Karyo, Garcia, Prévost) soient à la hauteur des retrouvailles historiques qu’elles signifient.

Quant au chien, je questionne jusqu’à son utilité. Le vieux l’aime, oui, ça se sent même si le nom du chien est ”mon chien”. Mais cette affection que le réalisateur tente de remettre en cause en la faisant basculer, quel rôle joue-t-elle ? Elle est strictement portraitiste, reflétée par des plans choisis, & le dressage l’emporte sur la performance d’acteur. Le but était-il de montrer l’ironie de l’abandon d’animal dont on se scandalise avant de s’y trouver obligé ? Ça ne marche pas. D’établir un lien chaotique entre l’homme & l’animal ? On le sent à peine. La pauvre bête devient la projection vivante d’un tas de remords, justifiée à aucun moment & surtout pas par une fin qui refuse de prendre parti.

Un homme et son chien est un film d’adieu, même si les artistes qui en sont responsables ne s’en sont pas servi d’excuse pour sortir de scène trop vite. C’est un film mûr, très mûr, sûrement inaccessible aux jeunes pour une immense part. C’est presque une réunion mélancolique entre vieux copains, de quoi redonner vie à quelques lumineux souvenirs mais aussi à beaucoup d’ennui, tout en entretenant le sentiment d’un grand vide. Cependant, quand on a tant vécu que ces vétérans, comment percevoir autre chose ?


6,25
4,75

Jeudi : Une question d’honneur

(Luigi Zampa, 1966)

« Thématique : langue italienne »*

L’honneur sarde n’est pas aussi célèbre que son voisin sicilien, auquel il est lié par l’insularité. Dans une Italie toujours fragmentée de partout, les deux îles sont semblables en ce que le crime y est familial, mieux transmis à travers le générations que par les gènes qui font de ces italophones vengeurs les cousins des Corses à d’autres égards que leur allergie stéréotypique au travail.

Il touche du bois.

Le stéréotype, on va en manger, & pas de la manière dont on l’attend : il est bien confirmé par Zampa qui le recycle en parodie sérieuse, où il n’y a pas de mal à plonger Tognazzi dans les us sardes (de toute façon, il sait tout faire & sera particulièrement impressionnant, voire plus impliqué que d’ordinaire dans ses emportements) puisqu’on se moque d’eux tout en les représentant strictement pour ce qu’ils sont.

Parce que la vengeance crue, & bien c’est drôle. En effet, elle n’implique de mort que le résultat : avant ça, c’est beaucoup d’hypocrisie & de franchise outrageuse, des frères bornés, des coutumes cheloues & ce cher patriarcat que Blier vient camper – on double sa voix mais bien malin qui doublera son talent.

Bref, c’est un concentré de Sardaigne aussi ensoleillé que riche en franchise lui-même : on rit devant les morts, on rit de l’adultère & du crime, on ne cache plus rien & sans prendre l’air de dénoncer des bizarreries. Les rebondissements sont inclus dans le forfait & il aurait été normal que leurs effets soient plus ou moins incontrôlés ; pourtant non, le film n’est pas hilarant mais ni frustrant ni décevant, le genre d’œuvres autoassumantes qui fait toujours plaisir.


3
1

Vendredi : Dans la brume

(Sergei Loznitsa, 2012)

« Thématique : langue russe »*

Il faut connaître son Histoire quand on regarde Dans la brume : c’est une URSS depuis peu dans le camp Allié que dépeint Loznitsa. Alors tout le monde est un peu dans la brume : qui est qui dans ce front diffus & piqueté de résistants ? Comprenez : ceux qui n’avaient pas changé de camp & que les exécuteurs appellent les lents d’esprit.

”C’est un lecteur que je vois là-bas ?”

Malheureusement, il n’y a pas que l’esprit de lent & Loznitsa demeure pour moi un réalisateur insupportable – pourtant je suis très tolérant vis-à-vis du cinéma qui prend son temps. Il y a une limite à ce qu’on peut faire subir d’inaction, & il la franchit avec une multitude de scènes qui n’ont que la photographie & une poignée d’acteurs extrêmes pour tenir le coup. Il faut tout de même louer l’inconfort & l’effort physique qu’ont dû fournir les interprètes dans cette épopée militaire froide (dans tous les sens du terme) qui fait craindre l’escarmouche sur un front trop vaste.

On ne peut pas juger un film parce qu’il est minimaliste, surtout quand la dureté minutieuse du tournage est visible à chaque instant, mais c’est une légitimité critique largement héritée du fait que le vide est volontaire & vraiment intenable.


5,5
2,75

Samedi : Italian for beginners

(Lone Scherfig, 2000)

« Thématique : langues du monde »*

Le mouvement Dogme95 de Vinterberg et Von Trier a fait long feu. Italian for beginners est le dernier film qui s’en réclame qui ne soit pas méconnu ; il a même bien marché, au prix que la réalisatrice a essuyé les critiques de Von Trier parce qu’elle a tenu à faire une romance. Et elle a eu raison.

”Comment on dit ”Von Trier” en italien ?”

On reconnaît bien Festen. Le film est minimaliste, dur et crasseux, la caméra au poing se faisant le rude véhicule de vérités antiartistiques. Quand la mort prend une grande place dans l’histoire, on atteint les limites du supportable, mais Scherfig arrive à capter la vérité qui, indirectement, tient Dogme95 à cœur : son histoire ramasse tout ce qui lui tombe sous la main d’ennuyeux, de médiocre, de morbide et d’impolitesse pour en faire ressortir le liant qui constitue presque toutes les frontières du film.

On finira par avoir l’impression non pas d’évoluer dans une bulle de réel dans le réel (astuce presque inévitable du genre dont Festen s’était défait en utilisant un décor privé) mais carrément que le monde entier ne pourrait pas exister sans les personnages, comme s’ils avaient leur place dans ce qui n’est pas montré, même si parfois le cadre est si dépouillé qu’on a l’impression que l’équipe s’est filmée elle-même.

C’est donc un film Dogme95 réussi et aussi plaisant que le genre le permet, surtout que si Von Trier l’a critiqué, c’est parce qu’il se permet une remontée des enfers sous la forme d’un voyage en Italie qui cristallise intelligemment les cours de langues dont il est question dans le titre. C’est déviant, et peut-être que ça signe la mort du ”vœu de chasteté” de Von Trier et Vinterberg, mais des principes si austères auraient difficilement pu connaître plus belle mort.


6,75
6,5

Dimanche : Au nom du père

(Jim Sheridan, 1993)

« Hors-thématique »*

Le titre fait attendre un film empreint de religion, surtout quand on sait que l’Irlande est très croyante. Mais le sujet de Sheridan, c’est que la patrie de Michael Collins était surtout très croyante en sa haine des Anglais.

Le réalisateur dublinois, ça le connaît, l’ire de l’IRA qui se casse la tête sur celle, couronnée, des voisins, aussi ne sera-t-on pas étonné qu’il sût tirer des ruelles la plus parfaite matière révolutionnaire, se plaçant au niveau de valeurs aussi sûres que Bono, Sinéad O’Connor ou Daniel Day-Lewis qui sont les trois Irlandais d’élite attachés au projet (ce dernier a obtenu la citoyenneté irlandaise l’année de sortie du film). On avance presque trop vite dans la brillante & cryptique inimitié des nations sœurs ennemies, dont on aimerait pouvoir plus longuement se délecter.

Film hyperirlandais & carcéral, Sheridan a tellement mis de sa personnalité dedans qu’on en oublie de l’étiquetter. Peut-être l’a-t-il fait à outrance : bercé par sa confiance en l’écriture, il s’est fait taper sur les doigts pour avoir trop fricoté avec l’histoire vraie, & c’est normal que ça gêne : on parle quand même de terrorisme & d’injustice historique. Toutefois, le spectateur sera indulgent, car si c’est là le coût pour un divertissement si bien dirigé sur tous les plans, il sera prêt à ne pas y accorder une confiance aveugle.

”Mais pourquoi voulez-vous que je monte un dossier sur cette bouteille d’eau ?”

Pour une fois, Day-Lewis l’acteur total ne sort pas tellement du lot, mais c’est parce que tous les rôles sont bien montés, pas tout à fait néanmoins comme leur temps de parole qui est le second témoin, après le rythme, d’une certaine compression du script – aussi, des acteurs comme Emma Thompson sont plus relégués qu’ils ne devraient l’être, ce qui éloigne l’œuvre de la pleine réussite judiciaire qu’on attend avec l’éclatement des verdicts.

D’ailleurs, Au nom du père est particulièrement absorbant en ce qu’il est à la fois un film judiciaire & carcéral, deux genres bien distincts pour qui veut prendre la peine de les séparer, & qu’il s’adonne à la description plus qu’à l’immersion. Cela reviendrait au même si cela ne compensait pas avantageusement les raccourcis tout en faisant bénéficier l’écran de la plume de Sheridan, sensible à la construction progressive, pièce par pièce, d’une histoire qui aurait facilement pu devenir indigeste, entre tribunal, prison, drame familial & politique.

Avec les souvenirs & la non-linéarité menée par voix off, tout va bien ; ça secoue un peu mais on tient la route. Surtout, le film se ressource dans des personnages qui disparaissent tard & apparaissent tard, de quoi opérer les glissements de genre en minimisant la peine que cela fait de ne pas pouvoir mesurer ce que représentent 15 années de prison.

On est sur un meilleur film irlandais que carcéral & un meilleur film carcéral que judiciaire. Un dégradé qui est le résultat d’une écriture talentueuse mais par endroits trop résumée, & à peine aussi relevée que le promettent le thème & le casting. En revanche, il se place en quasi-référence dans l’histoire du cinéma irlandais & du cinéma historique, gonflé de plusieurs âmes d’artistes pas forcément bien emboîtées mais fortes de la volonté de bien faire.


* Les barèmes montrent le ressenti et l’appréciation critique. Entre guillemets est indiquée la thématique. Plus de détails ici.

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