Que veut-on dire au juste quand on parle de langue écossaise ? La situation linguistique en Écosse est assez méconnue. On sait rarement qu’il y a encore trois « grandes » langues distinctes parlées en Écosse aujourd’hui. On se doute encore moins qu’au moins six langues majoritaires ont traversé son histoire.
Sommaire
- Le peuplement de la Grande-Bretagne
- L’expansion celte et l’Écosse picte (VIe siècle av. J.-C. – Ve siècle)
- L’Écosse irlandaise (Ve – IXe siècle)
- L’Écosse scots (XVe – XVIIIe siècle)
- L’Écosse anglaise (XVIIIe siècle à aujourd’hui)
- Notre vision de l’Écosse aujourd’hui
- Conclusion
- Sources
1. Le peuplement de la Grande-Bretagne
L’histoire humaine de la Grande-Bretagne commence il y a près de 900 000 ans avec le peuplement par Homo antecessor. À plus petite échelle, on peut la faire commencer avec l’Homme de Cheddar qui y a vécu il y a 10 000 ans. Plus tard, deux grandes vagues d’immigration ont lieu dans les îles britanniques. Il y a 6 000 ans, ce sont des Ibères qui les peuplent, apportant probablement leur langue. Il y a 4 400 ans, la seconde vague apporte la culture campaniforme en Angleterre ; celle-ci était possiblement liée aux Celtes.
La génétique nous enseigne que ces deux vagues ont remplacé l’immense majorité des populations (et donc des langues) précédemment implantées. La cause en est probablement des maladies, apportées par les nouveaux-arrivants, qui décimèrent les populations indigènes depuis longtemps isolées. Les traces laissées dans le patrimoine génétique anglais par les populations Ibères (à la peau sombre) et pré-Ibères sont par conséquent négligeables. Leur influence sur les langues de Grande-Bretagne, en admettant qu’elle ait eu une quelconque importance, serait aujourd’hui impossible à détecter.
2. L’expansion celte et l’Écosse picte (VIe siècle av. J.-C. – Ve siècle)
Nos connaissances des langues anciennes sont très dépendantes des traces écrites. Les déductions issues de la linguistique comparative nous permettent de remonter un peu le temps et de reconstruire les langues telles qu’elles ont dû être (proto-langues), mais seulement de quelques siècles. C’est pour ces raisons que la Grande-Bretagne ne surgit dans l’histoire linguistique qu’au VIe siècle avant J.-C. avec l’arrivée des Celtes sur son territoire. À cette époque, les Celtes étaient le groupe ethnolinguistique le plus répandu en Europe.
Le peuplement de la Grande-Bretagne à cette époque reste confus et sujet à controverse. Toutefois, il semble que les Celtes soient arrivés sur le territoire en deux vagues migratoires distinctes. En effet, aux alentours de ce siècle, on y trouve trois peuples celtes ayant chacun leur langue. En majorité, ce sont les Gaëls (peut-être venus de péninsule ibérique) et les Bretons insulaires (appelés ainsi en rapport avec la Grande-Bretagne, non la Bretagne française).
C’est toutefois le troisième groupe qui dominera l’Écosse pour les quelques siècles à venir : les Pictes. On les a longtemps considérés à part, mais il est aujourd’hui assez bien accepté qu’ils faisaient partie du groupe ethnolinguistique britonnique, ou bien y étaient apparentés de près. L’organisation écossaise tribale sera influencée par la culture romaine, qui participera notamment à unifier la nation picte.
Leurs trois langues respectives, issues du proto-celtique (ou celtique commun), ont probablement entamé leur divergence entre le VIIIe et le VIe siècle av. J.-C.
Groupe ethnolinguistique | Occupant (vers 500) | Ayant pour langue |
---|---|---|
Gaëls | l’Irlande, le Sud-Ouest de l’Écosse et l’Île de Man | l’ancêtre des langues gaéliques |
Bretons insulaires | l’Angleterre | le britonnique commun (ancêtre des langues britonniques) |
Pictes | la plus grande partie de l’Écosse | le picte |
3. L’Écosse irlandaise (Ve – IXe siècle)
À partir du VIe siècle de notre ère, les dialectes du britonnique commun deviennent lentement des langues à part en fonction des régions : au Pays de Galles, le vieux gallois apparaît ; en Écosse, on trouve bientôt le cambrien, langue britonnique qui se maintiendra quelques siècles dans les Lowlands puis à la frontière entre l’Écosse et l’Angleterre actuelles. Dans le Sud-Ouest de l’Angleterre, le britonnique donne lieu à une langue intermédiaire qui deviendra le cornique et le breton (celui de Bretagne française, cette fois-ci !).
Toutefois la domination picte et britonnique touche à sa fin : si l’Écosse fut relativement peu touchée par l’empire Romain, qui ne s’étendit jamais au-delà du mur d’Antonin et n’y implanta pas la langue latine comme elle le fit dans les élites du Sud de l’Angleterre, le Ve siècle marque le début de la transition vers une domination irlandaise du territoire écossais. C’est le Royaume de Dál Riata. Qu’on ne s’y trompe pas : c’est bien aux colons irlandais appelés Scots que l’Écosse doit son nom.
À cette période, l’ancêtre du gaélique (parlé par les Irlandais) porte lui aussi les fruits de son évolution : la langue est restée relativement homogène et n’a pas encore donné naissance à différentes variantes, mais les linguistes parlent d’irlandais primitif pour la forme que prend la langue à partir du IVe siècle. C’est cet irlandais primitif qui est ainsi apporté en Écosse, et qui va connaître un essor rapide.
Pendant ce temps, en Angleterre, la chute de l’Empire Romain laisse libre cours à la domination anglo-saxonne. Les dialectes germaniques apportés des actuels Danemark et Allemagne par les Angles et les Saxons commencent de s’y agréger pour former le vieil anglais. Les Anglo-Saxons, au Sud, sont sur le point d’entrer dans l’histoire écossaise – mais ils ne sont pas les seuls.
3.1 L’influence anglaise et viking (IXe – XVe siècle)
Le IXe siècle est une période de transition pour l’Écosse, qui est marquée par de fortes influences étrangères. De nouvelles langues s’implantent et d’autres disparaissent ; les alentours de l’an 900 vont voir la situation linguistique la plus riche de l’histoire du territoire.
Les Pictes, souffrant de la domination culturelle irlandaise, sont absorbés jusqu’à la disparition de leur identité et de leur langue entre le XIe et le XIIe siècle. Pris en étau entre le gaélique au Nord et l’anglais au Sud, le cambrien aussi voit sa zone de locution se réduire jusqu’à l’extinction au XIIe siècle, signant la disparition des langues britonniques en Écosse. Mais elles vont vite être remplacées par d’autres.
En effet, les peuples anglo-saxons, rassemblés autour de ce qui est devenu la culture anglaise et dorénavant établis à la frontière des territoires gaéliques, sont de plus en plus influents. Le vieil anglais (et, dans une mesure moindre et brève, le français anglo-normand qui est la langue des élites anglaises après la conquête de 1066) investit peu à peu les Lowlands. Ce n’est cependant pas la seule langue à connaître son essor en Écosse.
Au IXe siècle, les Vikings entrent dans leur âge d’or en conquérant une grande partie de la Grande-Bretagne. Ils y imposent leurs lois (et partiellement leur langue) pendant près d’un siècle entre 865 et 954 : c’est le Danelaw. En 1079, ils fondent le Royaume de Man et des Îles, constitué entre autres des Hébrides (îles occidentales de l’Écosse). Leur langue, le vieux norrois (ancêtre des langues scandinaves actuelles), s’implante un peu partout dans les Îles britanniques à cette période, y compris dans le Nord et le Sud de l’Écosse, ainsi que les Hébrides. Le « vieux norrois écossais », là où il n’est pas absorbé, devient peu à peu une langue à part entière : le norn.
Le norn survivra assez bien au déclin de l’ère viking, même avec la rétrocession du Royaume de Man et des Îles à l’Écosse en 1266. Après celle-ci, la culture norroise est progressivement diluée sur Man et dans les Hébrides. Au siècle suivant, la langue se trouve confinée aux “Northern Isles” (Orcades et Shetland, au Nord-Est de l’Écosse) mais reste vivace. C’est lors de l’annexion des Northern Isles par l’Écosse en 1471 que l’usage du norn, découragé par l’Église en tant que langue païenne, commence à décliner. Le dernier locuteur de cette langue relativement proche du féroïen (et donc de l’islandais) ne mourra cependant qu’en 1850.
Globalement, le gaélique sort vainqueur du melting pot médiéval écossais. Au cours de ces quelques siècles, il gagne les trois quarts du territoire écossais actuel.
On commence de voir se dessiner l’Écosse qu’on connaît, et ce d’autant que les langues divergent de nouveau à la fin du Moyen Âge. Tout comme le norn n’est plus tout à fait le vieux norrois, le gaélique d’Écosse n’est plus celui d’Irlande. Le gaélique irlandais et le gaélique écossais se séparent. La conquête rapide du territoire écossais par les locuteurs du moyen anglais va néanmoins changer la donne une nouvelle fois.
4. L’Écosse scots (XVe – XVIIIe siècle)
4.1 Une nouvelle langue écossaise
Avec le déclin de l’ère viking, la situation linguistique écossaise se polarise. Les Highlands deviennent le refuge du gaélique écossais, tandis que les Lowlands sont investis par le scots. Leurs locuteurs respectifs sont sur le point de mener une bataille identitaire qui sera caractéristique des trois siècles suivants. Il s’agit d’une période très souvent oubliée aujourd’hui.
Oui, le scots. Une langue méconnue, souvent confondue avec le gaélique écossais, voire avec le dialecte de l’anglais parlé en Écosse aujourd’hui. C’est pourtant une langue à part entière qui a commencé à diverger de l’anglais aux environs des XIIe et XIIIe siècles, et qui va définir une grande partie de l’identité écossaise à partir du XVe.
Sous le règne de Jacques VI (roi d’Écosse de 1567 à 1625), il est clair pour la population que le scots est une langue distincte. Le souverain aide d’ailleurs à son émancipation et à sa propagation. La colonisation planifiée d’Ulster (the Plantation of Ulster) implantera même durablement la langue en Irlande du Nord. On compte encore près de 340 000 Scots d’Ulster en Irlande du Nord, et plus de trois millions aux États-Unis. En revanche, la défiance du roi vis-à-vis des Gaëls participe à stigmatiser la culture et la langue de ces derniers.
Jusqu’ici et malgré son histoire chaotique, l’Écosse avait été majoritairement celte depuis au moins deux millénaires, et seuls les Vikings avaient menacé cette domination. La culture et la langue scots, d’origine germanique, amènent ainsi le plus gros conflit d’identité de l’histoire connue du territoire. On voit naître une distinction entre l’Écosse « nationale » des Lowlands scots (détenant le pouvoir, et en cours d’expansion) et l’Écosse « traditionnelle » des Highlands gaéliques.
Cette distinction, résumant la situation écossaise à la confrontation entre gaélique et scots, est une généralisation : en réalité, les groupes ethnolinguistiques du XVe siècle sont encore peu homogènes. Les cartes le montrent mal, mais une certaine partie de la population était au moins bilingue. Il en va toujours ainsi quand des langues cohabitent ; c’est même le bilinguisme qui permet la transition d’une langue à une autre dans une région donnée. L’amalgame s’explique pourtant par le fait que le scots est devenu la langue du pouvoir.
Utilisé dans les échanges diplomatiques et par conséquent assez bien reconnu à l’étranger comme « la langue écossaise » de l’époque, son usage creuse un fossé entre des Lowlands représentatifs de l’État écossais et des Highlands toujours ancrés dans le souvenir de la période pré-scots. Ce qui aurait pu n’être qu’un fossé, toutefois, va s’accentuer et se fossiliser dans la mémoire populaire occidentale à cause d’un courant de pensée qui se fascina pour la culture celte aux XVIIe et XVIIIe siècles : l’ère romantique franco-anglaise.
4.2 Une Écosse fantasmée
On pourrait croire que l’intérêt des Romantiques pour la culture celte a alors sauvé l’Écosse gaélique. En réalité pourtant, ils l’ont endommagée. Les Romantiques ont puisé dans le fossé identitaire entre Highlands et Lowlands pour fantasmer l’Écosse gaélique, renforçant du même coup l’association de la langue gaélique aux Highlands. C’est à cette vision de l’Écosse tradionnelle qu’on doit aujourd’hui de voir en l’Écosse un bastion de la culture celte, et dans les Gaëls l’identité originelle, indigène et « légitime » de l’Écosse. L’effet de la mode romantique a effacé le scots alors même qu’il était la langue écossaise majoritaire et reconnue. Reconstruite, réinventée, l’Écosse s’est mise à tenir de la fougueuse revitalisation culturelle opérée simultanément en Irlande et au Pays de Galles. Elle n’était pas remémorée de manière exacte ni impartiale.
Un exemple frappant de cette invention est l’histoire de James Macpherson, dont la « traduction » d’anciens poèmes gaéliques en anglais a eu tant de succès que son travail a produit un fort engouement pour la culture gaélique, accélérant la formation du lien symbolique entre l’Écosse et les Celtes – même s’il s’est avéré plus tard que Macpherson, fin opportuniste, était lui-même l’auteur de ces poèmes.
Si l’Écosse évoque encore aujourd’hui le druidisme et les kilts, c’est le résultat de cette construction qu’est « l’identité celte écossaise ». Issus de la celtomanie européenne de la Renaissance, les symboles celtes ont toutefois survécu, récupérés par les Écossais au fil du temps pour l’attrait qu’il suscitaient à l’égard de leur pays à l’international. En leur qualité d’artéfacts d’une identité ancienne idéalisée, bafouée par la culture anglo-saxonne, ils ont par la suite également servi de prétexte à des politiques nationalistes.
L’oppression dont il est question n’est cependant pas sans fondement ; la langue et la culture gaéliques souffriront d’un vrai clivage. Le scots étant la langue des élites écossaises, c’est sans surprise que le gaélique s’associe aux classes sociales les plus dénigrées. Les missions protestantes participent aussi à le faire voir comme une langue inférieure, « de barbares », qu’il faut éradiquer. Son usage se perd peu à peu, cette fois-ci au profit de l’anglais. Cette langue de prestige bénéficie en outre de l’imprimerie pour se propager dans les Îles Britanniques.
5. L’Écosse anglaise (XVIIIe siècle à aujourd’hui)
5.1 Un conflit culturel
En 1707, les Actes d’Union unissent le Royaume d’Écosse et le Royaume d’Angleterre : le Royaume-Uni de Grande-Bretagne est né. L’anglais devient la langue du pouvoir ; la période anglaise de l’Écosse commence. À travers l’enseignement qui se formalise, la politique impéraliste de l’Angleterre poursuit et accentue le dénigrement et le découragement de la culture et des langues locales, qui connaissent un déclin rapide. Une loi de 1746, le Dress Act, interdit les vêtements traditionnels écossais – une mesure symbolique dans la destruction de la culture celte.
Le scots, de son côté, subit une anglicisation, comme en témoigne notamment l’usage de ce qu’on appelle en anglais “the apologetic apostrophe”. Cette apostrophe se place dans des mots scots à des endroits où le mot anglais a préservé une consonne. Le mot scots gie, par exemple, devient gi’e pour signaler que le mot anglais a une consonne en plus : give. Cette pratique, aujourd’hui découragée, participait à rabaisser le scots en le faisant voir comme une variante « divergente » de l’anglais, plutôt que comme une langue qui suivait son propre chemin.
Le début du XXe verra une tiède reconnaissance de la culture gaélique – trop tard pour la langue, qui succombera rapidement à l’hégémonie anglophone au cours des décennies suivantes.
Au contact du scots cependant, l’anglais gagne un dialecte. L’anglais écossais, assez proche de l’anglais nord-irlandais, est caractérisé entre autres par la préservation du R roulé (qui se perd néanmoins aujourd’hui). Le rapprochement de l’anglais et du scots participe à faire oublier que ce dernier est une langue distincte.
5.2 Des enjeux politiques
La langue, comme souvent, fut le parfait champ de bataille pour un conflit entre l’impérialisme de l’envahisseur et le nationalisme de l’envahi. La lutte fut rude. Scots et gaélique ont longtemps dû se défendre de l’envahissement anglophone tout en se disputant l’une à l’autre le statut de langue « légitime » d’Écosse. Il est pourtant difficile de leur concéder un statut différent – à moins, comme cela a été abondamment fait par le passé, de recourir à des généralisations sur l’ancienne situation sociolinguistique de l’Écosse, ou de tirer des conclusions fallacieuses de leurs périodes de domination respectives.
Heureusement, les mentalités ont évolué dans les dernières décennies. Le nationalisme a été relativement supplanté par l’indépendantisme et l’autonomisme (sur le plan politique) et le revivalisme (culturellement et linguistiquement). Ces nouvelles idéologies ont notamment donné lieu à l’établissement du parlement écossais en 1999, à la reconnaissance du gaélique écossais comme langue officielle en 2005, et à la promulgation du Bòrd na Gàidhlig (bureau du gaélique) cette même année. Les deux langues sont reconnues comme faisant partie du patrimoine écossais, et se sont rassemblées autour de l’enjeu commun de ne pas disparaître.
Selon le recensement britannique de 2011, sur 5 460 000 Écossais, on compte aujourd’hui 98,6% de locuteurs de l’anglais, 30,1% de locuteurs du scots (la plupart dans les Lowlands) et 1,1% de locuteurs du gaélique écossais (concentrés dans les Hébrides extérieures). Le polonais, quatrième langue la plus parlée en Écosse du fait de l’immigration récente, compte lui aussi 1,1% de locuteurs.
6. Notre vision de l’Écosse aujourd’hui
Les pourcentages ci-dessus témoignent fortement d’une époque récente où le scots était majoritaire, pourtant ils surprennent. En effet, l’émulation de l’Écosse gaélique a largement effacé le souvenir d’une Écosse pré-Union. Avant 1707, le pays était complexe et hétérogène, mais bien plus marqué par la culture et la langue scots que par la culture et la langue gaéliques.
J’ai conduit un sondage sur 43 internautes (répondants non filtrés mais à majorité anglophones) qui montre bien que notre vision occidentale de « l’Écosse celte » est encore bien présente. Voici les réponses aux questions suivantes :
- « le gaélique écossais est une langue celtique qui était une langue majeure d’Écosse au Moyen Âge (elle n’est pas du tout apparentée à l’anglais, mais elle est proche de l’irlandais) ; le saviez-vous ? » ;
- « le scots est une langue germanique très proche de l’anglais (mais clairement distincte) qui était une langue majeure en Écosse après la Renaissance ; le saviez-vous ? »
Ces résultats sont clairs sur le fait qu’on associe facilement le gaélique à l’Écosse. Mais le scots… pas autant, et de loin.
Il est intéressant de voir que même les répondants ayant déclaré être bien informés sur le scots (une population chez qui la « vision romantique » a le moins de chance d’être présente) sous-estiment de moitié la présence de cette langue. Ils sur-estiment aussi près de six fois celle du gaélique.
Il faudrait un sondage plus précis pour en tirer des conclusions fiables. Il suffit néanmoins pour montrer que, dans la culture populaire, l’Écosse a plus ou moins deux langues : l’anglais et… une autre. La nature de cette autre langue est sujette à confusion. Les anglophones l’appellent parfois “Scots Gaelic”, amalgamant scots et gaélique. Ils croient parfois qu’il s’agit seulement du gaélique, voire d’un dialecte de l’anglais.
Il est peu connu que l’Écosse a trois langues bien distinctes. Parmi ceux qui le savent, la faveur est souvent donnée au gaélique (qu’on imagine encore assez présent) plutôt qu’au scots. Ce dernier est pensé comme minoritaire… quand on sait de quoi il s’agit. Quant au statut juridique actuel des langues régionales d’Écosse, il se résume mieux à une forme de tolérance symbolique qu’à une vraie reconnaissance, les transformant en « langues identitaires » ou « d’apparat ».
Plus étonnant, cette méconnaissance des langues écossaises se constate en Écosse-même. Il s’agit actuellement d’une préoccupation nationale que de faire prendre conscience aux Écossais de leur riche passé linguistique.
7. Conclusion
On résume beaucoup l’Écosse contemporaine à l’anglais, et l’Écosse ancienne au gaélique. Cette vision cache un passé ethnolinguistique extrêmement riche qui a connu au moins six langues bien distinctes (le picte, le cambrien, le gaélique écossais, le norn, l’anglais et le scots). C’est sans compter les stades intermédiaires et temporaires liés à l’histoire migratoire et à l’évolution des langues. Les aléas de l’Histoire ont donné une grande diversité linguistique à ce territoire qu’on imagine lié depuis toujours à la politique anglaise, pourtant c’est la politique anglaise qui a menacé (et menace encore) cette diversité.
Le sort des langues régionales tient invariablement à la volonté politique de les préserver. Cette volonté n’a de raison d’être que si l’on connaît les enjeux. C’est pourquoi le revivalisme (auquel on doit la survie in extremis de certaines langues celtes comme le mannois ou le cornique) passe par la connaissance qu’on a de ces langues et de leur statut. J’espère y avoir participé avec cet article. S’il vous a plu, vous pouvez y aider en le partageant !
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme
All human beings are born free and equal in dignity and rights. They are endowed with reason and conscience and should act towards one another in a spirit of brotherhood.
En anglais
Aa bodie sauls ar born free and scleff in mense an richts. Thai ar dotit wi wit and stickles and suid ack thither ane anither in a spírit o britherheid.
En scots
Rugadh na h-uile duine saor agus co-ionnan nan urram ‘s nan còirichean. Tha iad reusanta is cogaiseach, agus bu chòir dhaibh a ghiùlain ris a chèile ann an spiorad bràthaireil.
En gaélique écossais
Saolaítear na daoine uile saor agus comhionann ina ndínit agus ina gcearta. Tá bua an réasúin agus an choinsiasa acu agus dlíd iad féin d’iompar de mheon bráithreachais i leith a chéile.
En gaélique irlandais
8. Sources
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- Écosse (L’aménagement linguistique dans le monde, Jacques Leclerc)
- Languages of Scotland throughout history, VividMaps
- Who lived in Britain before the Celts?, Quora
- When did the Irish and Welsh languages cease to be mutually intelligible?, Quora
- Languages, site du gouvernement écossais
- Devolution, Delivering for Scotland
- Scotland’s Linguistic Past and Present:Paradoxes and Consequences, Atina L.K. Nihtinen, Department of Nordic History, Åbo Akademi, 2005
- Article 1 of the UDHR, Omniglot
- A history of Scottish languages – parts 1 and 2, Newsnet (malheureusement incomplet 🙁 )
- Report of the Ministerial Working Group on the Scots Language, site du gouvernement écossais
- Un recoupement des articles Wikipédia (en anglais) James VI and I, Acts of Union 1707, Kingdom of the Isles, Languages of Scotland, Cumbric, Common Britonnic, Celtic languages, Celts, Celtic Britons, Cheddar Man, Homo antecessor, Iberian language, Proto-Celtic language, Goidelic languages, Historical immigration to Great Britain, Anglo-saxon settlement of Britain, Prehistoric Ireland, Primitive Irish, Old Irish, Middle Irish, Scoti, Picts, Pictish language, Danelaw, Saxons, Kingdom of Scotland, Apologetic apostrophe, Shetland, Northern Isles.
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Crédit image de couverture : rawpixel.com, via Freepik
Il y a pourtant trois mots de scots que beaucoup de gens connaissent sans le savoir: « auld lang syne ! » 😀
C’est un bon résumé historique, le paragraphe sur la celtomanie des Romantiques est très pertinent. On a eu peu ou prou la même chose en Bretagne avec les druides et tout le folklore (à ce titre, faut voir le mélange que constituent aujourd’hui les mouvances néo-païennes). Alors que le bas breton est aujourd’hui un peu revigoré, notamment via les écoles Diwan (c’est une très bonne chose) aujourd’hui en revanche, le gallo reste toujours la cinquième roue du carrosse…
Je ne sais pas trop quoi en penser. Sans ces gens, il est fort probable que les derniers restes de la culture celte aient disparu. Avoir une identité reconstituée, n’est-ce pas mieux que plus d’identité du tout ? Dans un sens, je trouve pas ça dérangeant qu’on parle des langues celtes standardisées ou que des néo-païens croisent des théories New Age avec du mysticisme s’appuyant sur les maigres traces que nous avons des cultes gaulois. Ça prouve une volonté de vivre et faire vivre. Et c’est bien cette seule frontière, fragile, mince comme un cheveu, qui nous garde de la Camarde et de ses deux destriers: le Temps et l’Oubli.
[…] le sentiment que l’occitan dérive du français, l’alsacien de l’allemand, le scots de l’anglais, etc. En réalité, l’occitan et le français dérivent tous les deux du […]