Une version entièrement afro-américaine* de Le Magicien d’Oz, c’est une de ces idées qui semblent absurdes et promises à la navetitude. Mais sous la coupe de Sydney Lumet et la production énergique de Joel Schumacher, c’est bien une petite perle qui a émergé. Enfin… peu de gens semblent partager mon avis. Alors disons plutôt un ovni.
* Lena Horne, sur la bannière, est la seule exception dans le casting.
L’ambiance afro-américaine frappe d’emblée lorsqu’on pénètre dans le huis clos d’une famille, le bonheur claustrophobique d’un tournage typé Broadway. L’introduction est faible, du reste, portée par la maîtrise de Diana Ross dans le domaine du chant pleuré, mais pas par ses aptitudes d’actrices ni par le bourdonnement familial derrière elle.
C’est heureusement prétexte à ce que le célèbre duo toto-dorothyen dise « good bye Kansas » (auquel on substitue pour l’occasion un New York neigeux et un modeste tourbillon floconeux à l’impressionnante tornade), le sésame d’une dimension artistique énorme dont je me souviens bien de l’ennui qu’il causa chez moi, en 2012, lors de mon premier visionnage.
Sept ans plus tard, il ne s’est pas vraiment évaporé, cet ennui, mais je peux le justifier par l’omniprésence des décors théâtraux, lesquels nous permettent aussi d’évoluer dans la saveur de peinture et la rocambolesque sporadicité des accessoires : entre deux ou trois mètres carrés de faux tournesols et la circonscription sévère des bouts de scènes dans les coins de l’image, il s’en faut de peu qu’on ne se croie dans une sorte de « Dorothy au Pays des merveilles » où le rêve est diffusé, évanescent, dilué dans les eaux peu profondes du minimalisme.
Mais l’extrait d’où vient cette fragrance vaut bien le tout : si le cadre est déjà indice de liberté, elle se trouve surtout chez Michael Jackson, qu’on n’aurait jamais cru pouvoir jouer un rôle « mignon » et danser aussi bien en s’emmêlant les pieds que Diana Ross chante en versant des larmes.
Le reste des personnages, qui tombe au petit bonheur la chance sur une histoire dont on a à la peine le temps de se rendre compte qu’elle s’étire et se contracte bizarrement dans le temps, sont autant d’occasions d’exhiber des talents multiples : un maquillage quasi-parfait, et puis des bruitages originaux, étranges pour cette génération encore largement éduquée à la monophonie, sans compter une palanquée de danseurs nous rappelant aux doux émois de vieilles comédies musicales.
Il y a aussi des dimensions dans l’émotion ; si elle demeure estropiée par des espaces ouverts seulement par l’écartement des murs du studio (et par la sensation que le voyage avance sur place), elle est aussi cultivée par l’inverse de l’absurde gentillet sous la forme d’une frustration bien concrète, terriblement bien conçue par les taxis qui se mettent hors service dès qu’on veut sauter dedans, par la jungle dont parle le lion et qui paraît n’être nulle part dans ce pays d’oz urbain ou se succèdent magiquement les décors (un effet positif du théâtral, ici), ou même par les larmes et les rires un peu bébêtes qui prennent forme dans la conviction et leur répétition.
Le pire, ce sont les interprètes, qui ont le postérieur entre deux époques et entre deux styles, ne sachant trop que faire de ce conte pour enfants adapté pour un grand public mal ciblé. Leurs costumes enfantins jurent avec leur maquillage appliqué, et c’est un coup de chance que les deux ensemble finissent par donner le ton « ovnique » du tout.
Quand le scénario s’ouvre naturellement sur sa seconde partie, tout se déroule à coups de baguette magique : ce sont des nœuds qui se défont sans se faire prier, et des répliques fortement attendues qui se glissent sous les rimes riches des chansons. Elles ajoutent à la consistance d’un univers un peu psychédélique, offrant l’échappatoire mélodique à l’enfermement de l’œuvre sur elle-même, mais c’est un peu le faux pas de trop.
Conte pour adultes, comédie musicale soignée dans ses détails mais peu soucieuse de l’image d’ensemble, The Wiz nous fait rêver… mais nous fait aussi nous retourner sur une route de briques jaunes signées « comédie musicale », bien loin des notes que, dans un autre monde, Elton John a mises sur elle. De quoi claquer la langue à un claquement de talons.
Tu donnes toutes les couleurs d’un grand film à ce titre généralement boudé de la filmo du grand Lumet. Il est vrai que le theme et le cœur de cible tranche avec Serpico, Dog day afternoon, ou Network, encore que, on sent bien poindre derrière ce casting Black pantheresque une tentation militante.
Chouette article quoiqu’il en soit.
Je reste assez mitigé pour une critique détaillée. ^^